#616 – Chievo Vérone : Mussi Volanti

Les ânes volants, en dialecte véronais (parfois traduit en italien en Asini Volanti). J’avais décidé, en ouvrant ce blog, de parler des surnoms des équipes existantes et non celles disparues. J’imaginais peut-être que cela le rendrait plus vivant. Mais, je me rends compte que c’est une erreur. Mon but, au travers de ce site, est de faire connaître les histoires des clubs, leur rendre hommage afin de rappeler aux jeunes fans qu’un club ne se résume pas au carnet de chèque de son propriétaire, à ses stars éphémères et à son équipe de marketing composée de footix. En s’intéressant à l’histoire de ce sport, il me semble désormais obligatoire d’évoquer également les clubs disparus. En particulier, l’actualité m’a rappelé à l’ordre au cœur de l’été quand j’ai découvert que le Chievo Vérone était en faillite et disparaissait définitivement après 92 ans d’existence. Je n’étais pas supporteur de ce club mais il mettait en lumière certaines valeurs du football d’antan.

La comparaison avec un âne est généralement peu flatteur et relève de l’ironie (cf article #337 sur Naples). Dans les années 80 et 90, le Hellas Vérone était le club phare de la ville de Roméo et Juliette. Finaliste de la Coupe d’Italie en 1983 et 1984, l’équipe atteint le graal en 1985 en remportant le championnat d’Italie avec le danois Preben Elkjaer Larsen et de l’Allemand Hans-Peter Briegel. A l’opposé, le Chievo Vérone, modeste club d’un quartier de la ville comptant 4 000 âmes, montait péniblement les différentes marches des divisions inférieures. En 1985, alors que la ville fêtait le titre, le Chievo évoluait en série C interrégional (5ème division). A la fin des années 1980 et au début des années 1990, les supporteurs du Hellas se moquèrent de leur faux « rival » en affichant dans les travées du Stade Marcantonio-Bentegodi des banderoles où on pouvait lire « Quando i mussi i volerà faremo el derby in serie A » (quand les ânes voleront, nous ferons le derby en Série A). A l’époque, il n’y avait jamais eu de derby entre les deux clubs de la ville et ceux d’Hellas voulaient rappeler qu’il n’y en aurait jamais vu la différence entre les deux clubs. Sauf, comme seule le sport en réserve, la magie va opérer. Suite au titre de 1985, le Hellas connut quelques bonnes années mais assez vite redescendit en Série B à l’issue de la saison 1990. Hellas s’établit principalement alors au second échelon professionnel dans les années 1990. A contrario, le club ouvrier du Chievo poursuivit sa progression. Le club accéda au statut professionnel en 1986 avec sa promotion en 4ème division . Quand le Hellas descendit en Série B en 1990, le Chievo monta en 3ème division. Vous me voyez venir ? Ce qui devait rester un évènement impossible, se réalisa le 10 décembre 1994 avec le premier Derby della Scala (en référence à la famille noble qui gouvernait la cité de Vérone au XIVème siècle) en Série B. L’histoire ne s’arrête pas là. En 2001, le Chievo gagna sa première promotion en Série A rejoignant ainsi le Hellas . Les premiers mois du club furent même idéals, le Chievo pointant à la 1ère place du classement quasiment jusqu’à la trêve hivernale. Il n’en fallait pas plus pour les supporteurs du Chievo pour prendre leur revanche. Le club et les fans adoptèrent le surnom de Mussi Volanti. L’âne fit son apparition sur le site du club et les porte-clés et autres objets de merchandising se parèrent de l’animal. Un groupe de supporters se nomma « Calcio Club Mussi volanti« , et un bar « La Tana dei Mussi volanti« . L’animal devint définitivement la nouvel mascotte. Attention sur le blason du club, ce n’est pas un âne sur lequel monte le chevalier. Il s’agit de la reproduction de la statue équestre de Cangrande della Scala, un des membres importants de la dynastie scaligère (qui apporta la prospérité à la cité). Au final, 19 derbys furent joués pour terminer par une égalité parfaite : 7 victoires pour le Chievo, 7 pour le Hellas et 5 matchs nuls.

Malheureusement, le club est désormais redevenu un âne au sens premier avec cette faillite. Un ancien joueur du club, Sergio Pellissier, et des supporteurs vont tenter de redonner naissance au club via le FC Chievo 1929.

#615 – Portsmouth FC : Pompey

Surnom à la fois du club et de la ville de Portsmouth. Rappelez-vous le début des années 2000. Le club de Portsmouth retrouvait la Premier League grâce aux fonds d’un milliardaire qui permit au club de s’acheter de nombreux joueurs de qualité (Peter Crouch, Sol Campbell, Sylvain Distin, Nwankwo Kanu …). Seulement, la dette s’accumula et l’actionnaire lâcha le club. Résultat, Portsmouth fit faillite et fut repris en main par ses supporteurs en 2013. Une histoire que les fans de clubs aujourd’hui détenus par un milliardaire ou un Etat devraient garder en tête plutôt que de se laisser tourner la tête par la planche à billet … Revenons plutôt à ce surnom de Pompey. Il existe de nombreuses théories et explications, certaines plus crédibles que d’autres, mais personne ne semble être en mesure d’avoir la raison exacte et définitive. En outre, personne ne sait si le surnom a d’abord été appliqué à la ville ou à l’équipe de football. Cependant, il semble que la première référence écrite a concerné le club de football. Nous avons donc rassemblé ci-après diverses explications possibles, qui convergent toutes sur un point : elles trouvent leur origine dans le monde de la marine, Portsmouth étant un des principaux ports de la Grande-Bretagne.

La première légende raconte qu’Agnes « Anggie » Weston dirigeait une auberge, Sailors’ Rest, et y donnait des conférences aux marins. En 1904, la conférence portait sur Pompée le Grand, nom élogieux donné au général et homme d’État romain Cnaeus Pompeius, afin de le comparer avec Alexandre le Grand. Pompée gagna sa notoriété militaire en menant en Hispanie une guerre difficile, en remportant des victoires sur les pirates en Méditerranée et par ses conquêtes en Orient. Il composa avec Crassus et César le premier triumvirat. Puis, à la fin du triumvirat, il fut vaincu par César lors de la bataille de Pharsale en 48 avant JC. Il s’enfuit alors en Egypte, où il fut assassiné. Agnes Weston présenta avec vigueur la chute de Pompée et lorsqu’elle décrivit son assassinat, l’un des marins, certainement ivre, cria « Poor old Pompey ! » (Pauvre vieux Pompée). Quelques jours plus tard, Portsmouth FC disputa un match où ils jouèrent mal et perdirent. Un marin dans la foule s’appropria alors le cri entendu dans le bar « Poor old Pompey ! » et les autres fans reprirent le refrain.

Il est également dit qu’un groupe de marins basé à Portsmouth aurait grimpé le pilier de Pompée près d’Alexandrie en Égypte vers 1781. Cette colonne est un bloc de granit de 28 m de haut, attribuée à tort au général romain Pompée, mais en réalité construite comme un mémorial à l’empereur romain Dioclétien. Etant donné sa sculpture, son escalade constitua un exploit et les marins gagnèrent ainsi le nom de Pompey Boys (Les garçons de Pompée).

En 1662, Charles II, Roi d’Angleterre, épousa Catherine de Bragance, membre de la famille royale portugaise. Contre le soutien militaire et naval de l’Angleterre comme protection face à l’Espagne, la monarchie portugaise donna en dot Tanger en Afrique du Nord et plusieurs îles en Inde, dont Bombay. Le mariage se déroula à Portsmouth. Lorsque les marins portugais qui accompagnaient Catherine découvrirent Portsmouth, ils trouvèrent des ressemblances entre la ville anglaise et Bombay : les deux sont des îles, les deux sont de bons ports et leur relief est plats, avec une colline en arrière-plan. Les marins surnommèrent alors Portsmouth en portugais, Bom Bhia (la bonne baie), qui donna le nom de la ville indienne. Bom Bhia fut ensuite anglicisé devenant Pompey.

Portsmouth est un port depuis l’époque romaine. A proximité de Portsmouth, se dresse le chateau fort de Portchester, fort romain très bien conservé. Ainsi, plus tard, lorsque le port commença à se développer, les habitants surnommèrent leur ville Pompey, pour rappeler ses ruines et son passé romain en la comparant avec les vestiges de Pompéi.

Portsmouth est un important port militaire de la Royal Navy où se déroulent de nombreux cérémonies. Ces « festivités » sont décrites comme the pomp and ceremony (faste et cérémonie) qui réduit devint Pompey.

Port important sur les routes marchandes et militaires, Portsmouth constituait un point de localisation pour les marins. Ceux-ci l’appelaient ainsi le Portsmouth Point et l’écrivaient en abrégé sur le journal de bord : Pom. P. Les cartes de navigation utilisaient également cette abréviation. Ceci donna le surnom Pompey. En outre, « Pom-pey » ressemble à la prononciation par des marins ivres de Portsmouth Point, d’où ils prenaient leurs bateaux.

Selon certains, l’équipe de football de Portsmouth commença à se développer en récupérant de nombreux membres de l’équipe de la Royal Artillery dont la structure disparut en 1899 (1 an après la fondation de Portsmouth FC). Cette dernière portait le surnom originel des Pompeys. Ce surnom fut acquis lorsque, lors d’une revue organisée à l’occasion de l’anniversaire de la Reine, la Royal Artillery fut simplement chargée d’encadrer la parade au lieu de défiler. Ils furent alors relégués à la mission qu’effectuait généralement la Brigade des Sapeurs Pompiers de Paris. L’année suivante, la population acclama la Royal Artillerie sous le nom de « Pompiers », qui devint par la suite Pompey.

« La Pompée » était un navire français amarré dans le port de Portsmouth. Peu après son achèvement, ce navire de classe Téméraire avait été volé par les royalistes français qui avaient fui la France après le Siège de Toulon (Septembre-décembre 1793) et donné aux britanniques à Spithead, une rade de la Royal Navy près de Portsmouth, en mai 1794. Les anglais copièrent la conception de ce bateau français qui était une réussite et construisirent des navires connus alors sous le nom de « classe Pompée », dont le Superb et l’Achilles. Le Pompée fut renommé HMS Pompée et servit dans la marine britannique dans de nombreuses campagnes en Europe et dans les Caraïbes. Il eut également des fonctions défensives en gardant le port de Portsmouth. Puis, en 1816, le Pompée devint une prison navale dans le port de Portsmouth et fut finalement démoli en 1817. Le bateau aurait donc donné le surnom à la ville. Une autre explication pourrait également venir soutenir cette version puisque dans l’argot du Nord du pays, pompey désigne une prison.

Enfin, des expressions marines pourraient également expliquer ce surnom. Dans la tragédie Antoine et Cléopâtre de William Shakespeare, un vers décline « Pompey is strong at sea » (Pompée est fort en mer) ce qui plaisait beaucoup aux marins. Par ailleurs, il existe une expression anglaise « to play Pompey » qui signifie « faire des ravages ».

Si pour certains surnoms, les explications manquent ou sont tombées dans les oubliettes de l’histoire, Portsmouth n’en connait que trop. Mais, à défaut de faire encore parti des clubs huppés de la Premier League, Portsmouth bénéficie finalement d’une autre richesse plus importante : une histoire.