#852 – Wisła Cracovie : Psy

Les chiens. Ce surnom ne réfère pas à un gentil caniche ou un affectueux toutou. Il s’agit plutôt d’une insulte inventée et scandée par les fans adverses à l’attention des supporteurs du Wisła. Car, les rivalités footballistiques en Pologne demeurent malheureusement conflictuels. Le hooliganisme dans les stades est enraciné et tenace, transformant les chants en couplets d’insultes et les tribunes en champs de bataille. Cracovie n’échappe pas aux mouvements avec ces deux clubs historiques qui s’affrontent pour la suprématie sportive sur la cité : le Wisła et le KS Cracovie. Lors des derbys, appelé la guerre sainte, les affrontements entre supporteurs sont nombreux et se règlent à coup de batte de baseball et de couteau, avec malheureusement des décès. Cette hostilité ouverte s’est diffusée dans les surnoms qui deviennent haineux. Ainsi, le « chien » qui caractérise les fans du Wisła a une connotation négative, rebondissant à la fois sur l’histoire du club et sur l’imagerie populaire.

Créé vers 1906 par un professeur et ses étudiants, le club se trouve, depuis l’époque communiste, attaché à la milice (Milicja Obywatelska – Milice Citoyenne). A partir de 1944 jusqu’en 1990, cette force professionnelle (elle n’était pas constituée de citoyens volontaires comme le mot milice aurait pu le laisser supposer) assuraient les missions de police et notamment de police politique (via sa branche dénommée ZOMO). Je n’ai pas retrouvé les conditions exactes de rattachement du club à la Milice Citoyenne mais selon certains, comme le club comptait de nombreux supporteurs et que l’autre grand club polonais, le Legia Varsovie, dépendait déjà de l’Armée Polonaise, la Milice aurait forcé la main des dirigeants du club pour se soumettre. Or, dépendre de la police n’était pas bien vu et donner lieu à du mépris. En effet, la détermination de la Milice à défendre le gouvernement communiste et à réprimer toute opposition, en commettant des exactions, conduisit à une image déplorable et sa détestation par la population. Pour les adversaires, le club représente donc encore cet appareil de la terreur communiste. Une légende colporte que le souhait de la Milice d’intégrer le club dans son giron avait pour objectif de recruter parmi ses nombreux supporteurs de nouveaux collaborateurs dévoués et bénévoles. D’où ses supporteurs gardent l’image de suppôts au service de cette autorité. Or travailler pour cette police secrète était un acte de traitrise pour la population.

Le chien, animal utilisé par les forces de l’ordre (et donc la Milice), devint donc son symbole. Mais, cette représentation ne mettait pas en avant les qualités de l’animal (fidélité, force …). Il est né dans le vocabulaire des criminels, qui se transposât dans l’argot polonais. Le sens dégradant donnait à l’animal provient du fait que, comme le cochon, dans l’imagerie populaire, le chien, notamment errant, représente un statut inférieur, inspire la répugnance et le mépris. Le transfert de cette symbolique insultante envers l’homme est connu dans de nombreuses cultures : l’homme est dégradé au rang du pire animal pour signifier son absence de toute valeur (notamment morale) et caractériser un comportement indigne (ne dit-on pas en français « sale chien ! »).

Comme vous pouvez le voir, ce surnom exprime la haine et le mépris envers le Wisła mais ses supporteurs le retournèrent aussi en leur faveur. Car ce qui catalyse la haine et la fureur de l’adversaire mérite d’être transformé en une forme capable de susciter sa terreur. Il n’est donc pas rare de voir les fans du Wisła faire vibrer des tifos arborant des chiens, mais cette fois, forts et féroces (aux crocs acérés ou bavant ie ayant la rage).