#1366 – Seoul E-Land FC : 표범

Les léopards. En 2014, la capitale coréenne voyait la naissance d’une nouvelle franchise de football, sous le patronage de l’entreprise E-Land, le Seoul E-Land FC. Le nom du club avait fait l’objet d’un vote auprès des fans et, sur les 3 400 participants, Seoul E-Land FC l’avait emporté face à Eastern Seoul FC et Seoul Gangnam FC. Le blason avait fait aussi l’objet d’un concours où plus de 100 designs furent reçus. 8 furent assemblés et retravaillés pour donner l’écusson actuel chargé de nombreuses symboliques.

L’emblème du club est composé de 5 étoiles représentant les 5 valeurs commençant par un « E » et poursuivies par le club et par le groupe E-Land (Excellence, Entertainment (divertissement), Economie, Exchange (communication) et Example (modèle)). Il intègre aussi le mont Namsan et le fleuve Han, éléments emblématiques de la ville de Séoul. Puis, 3 léopards coréens (appelées aussi Léopard de l’Amour) s’incrivent sur la gauche de l’écusson. Elles représentent les caractéristiques (qui commencent par un « S » comme Seoul) du style de football que Seoul E-Land souhaite incarner : la vitesse (Speed), l’endurance (Stamina) et la technique (Skill). Enfin, une couronne chapeaute l’écusson et s’inspire du design de la couronne de la famille royale britannique, pays berceau du football. D’ailleurs, les léopards peuvent également être un rappel de l’Angleterre car ils ressemblent aux 3 lions apparaissant sur les armoiries de l’Angleterre, qui sont de profil sur trois pattes, la tête de face, ce qui correspond au « léopard » héraldique.

Cette inspiration britannique trouve ses origines dans l’histoire de la société E-Land. Ce chaebol (conglomérat coréen), qui opère dans la mode, la distribution, les loisirs, la restauration et la construction, démarra ses activités en 1980 avec une boutique de vêtements appelée « England ». Si le groupe fut rebaptisé en E-Land en 1986, son logo reprenait les codes des armoiries de la famille royale anglaise.

#1365 – CD Santiago Morning : los Bohemios

Les bohémiens. Le club de la capitale est peu connu à l’international et navigue aujourd’hui dans les divisions inférieures du football chilien. Pour autant, il bénéficie d’un certain soutien et fait parti des clubs historiques. Dans le quartier populaire de Recoleta, le 16 octobre 1903, un groupe d’étudiants du lycée Santiago (aujourd’hui Valentín Letelier) fondèrent le Santiago Football Club. Quelques années après, le 2 avril 1907, le Small Chile FC fut créé par des jeunes du quartier Independencia, avec le soutien du prêtre Rafael Edwards Salas. En 1909, le club changea de nom pour Morning Star Sport Club. Au début des années 1930, à l’aube du professionnalisme au Chili, les deux équipes étaient rivales. Mais, le 17 avril 1936, les deux clubs décidèrent de fusionner, donnant naissance au Santiago Morning.

Le nouveau club s’appropria le meilleur des deux équipes, avec à sa tête un duo d’attaquant exceptionnel formé par le jeune Raúl Toro et l’argentin Salvador Nocetti. A cela s’ajouta des jeunes joueurs prometteurs comme le gardien William Marín, l’attaquant Domingo Romo et Humberto Astudillo. L’équipe remporta 3 tournois d’Apertura (1944, 1949, 1950), 2 Ligues des champions (1943, 1944) et le titre suprême de la ligue professionnelle chilienne en 1942. Avec ses résultats, un engouement pour Santiago Morning emporta les quartiers de Recoleta et Independencia qui accueillaient alors de nombreux artistes. Acteurs, écrivains, musiciens et peintres fréquentaient régulièrement le stade et partageaient de longues discussions sur le football avec des amateurs et des voisins dans les cafés du quartier jusqu’au petit matin. Les poètes écrivirent des éloges pour Nocetti et les chanteurs louaient les performances de Toro. Ces supporteurs artistes donnèrent alors une ambiance bohème au club.

#1364 – Elazığspor : Gakgoşlar

Le pays des Gakgoş. A l’Est de la Turquie, dans la région du Haut-Euphrate, se dresse la cité d’Elazığ, avec ses plus de 500 000 habitants. Pont entre l’Anatolie et la Mésopotamie, la ville se situe sur d’importantes routes commerciales et a vu de nombreux Empires et civilisations l’à traverser. Ces échanges et l’éloignement du barycentre turque ont conduit à l’émergence d’une culture particulière dans la région. Par exemple, la province d’Elazığ a la plus riche gastronomie de Turquie après Gaziantep avec près de 150 plats typiques. Elazığ est également célèbre pour ses danses caractéristiques dont la danse folklorique çaydaçıra est la plus célèbre ainsi que le halay.

La région possède également son propre dialecte (dénommé dialecte Elazığ ou Harput), qui appartient au groupe oriental des dialectes turcs de Turquie. Mais, son accent rend parfois sa compréhension difficile pour les turcophones d’autres régions. L’importance des œuvres orales telles que des chants populaires, des hoyrats, des proverbes, des contes et des berceuses ont permis sa survivance jusqu’à nos jours. Dans ce dialecte, le terme Gakgoş (ou gakgo) désigne souvent les habitants de la région et eux-mêmes s’interpellent ainsi. Il signifie frère aîné (et gakgo, frère) et exprime exprime l’amour et l’affection que les gens se portent. Le poète local, Mehmet Bico, décrivait dans un de ses poèmes les Gakgoş ainsi :

Gakgonun manası ince ve derin / La signification de Gakgo est subtile et profonde
Herkese gakgomsun denilmez gakgoş / Tout le monde ne s’appelle pas gakgoş
Gakgo sembolüdür bizim illerin / Gakgo est le symbole de nos provinces.
Herkese gakgomsun denilmez gakgoş / Tout le monde ne s’appelle pas gakgomsun. Gakgoş.

Gakgomun mekânı Harput yöresi / Le lieu de mon gakgo est la région de Harput.
Sağlamdır âdeti, örfü, töresi (…) / Il y a des coutumes, des traditions et des traditions fortes.
Gakgom babacandır gözü de pektir / Gakgom est paternel et audacieux
Mazluma yumuşak, zalime serttir / Il est doux avec les opprimés, dur avec l’oppresseur
Kalleşliği bilmez haza, erkektir / Il ne connaît pas la trahison, c’est un homme

#1363 – FC Rapid Bucarest : Vulturii vișinii

Les aigles bordeaux. L’écusson du club, avec son aigle aux ailes déployées et ses couleurs bordeaux et blanches, est assez évocateur. Et ses ailes déployées semblent indiquées que l’oiseau mit la main sur la symbolique traditionnelle du club. Car, fondé par des cheminots des ateliers ferroviaires du quartier de Griviţa, le club épousa d’abord et pendant longtemps la symbolique des chemins de fer roumain.

Tout d’abord, ses couleurs, grenat et blanc. L’épouse du capitaine de l’équipe, Grigore Grigoriu, avait pour mission de concevoir les maillots et de s’occuper de l’équipement des joueurs à chaque match. Dans sa maison, elle possédait de nombreux textiles grenat ainsi que du blanc. Mme Grigoriu choisit comme couleur principale le grenat car elle estimait que les maillots se saliraient moins vite et qu’ils seraient plus faciles à nettoyer, cette couleur n’étant pas aussi sensible au lavage que le blanc. Le fait qu’elle possédait du tissu grenat et du blanc n’était peut-être pas un hasard. En effet, les couleurs de la CFR (« Căile Ferate Române », la compagnie ferroviaire nationale) sont le rouge foncé et le blanc.

Concernant son blason, le club reprit celui du CFR, une roue de locomotive accompagnée d’ailes déployées. Ce symbole fut souvent associé aux compagnies ferroviaires (comme la SNCB en Belgique ou les régiments du train au sein de l’Armée Française). Au fil des années, cette image se stylisa aussi bien sur le logo de la CFR que sur le blason du club. Puis, au tournant du millénaire, la direction du club, qui était détenu par le puissant homme d’affaires, George Copos, souhaita moderniser l’écusson et ainsi se donner une nouvelle impulsion. L’aigle apparût alors avec incrusté dans son corps l’image traditionnelle de la roue ailée. Selon la rumeur la plus répandue, au-delà que l’imagerie de l’oiseau était esthétique, le club se serait inspiré de l’aigle d’un grand d’Europe, le Benfica Lisbonne (cf. #153). Seulement l’Aigle est un animal commun en héraldique footballistique. Et justement, à cette époque, l’oiseau ornait également le blason du STEAUA, le rival du Rapid. Et une dizaine d’année auparavant, l’aigle décorait aussi le blason du Dinamo, l’autre rival de la capitale roumaine.

#1362 – SFK Etar Veliko Tarnovo : Болярите

Les boyards. Je vous rassure tout de suite, le célèbre fort de Charente-Maritime n’a pas déménagé en Bulgarie et ne fait qu’entamer une cure de jouvence (travaux de restauration et de protection qui dureront de 2025 à 2028). Les boyards du club de Veliko Tarnovo font ici référence à un titre héréditaire médiéval, porté par la plus haute strate de l’aristocratie féodale des Balkans entre le Xème et le XVIIème siècle.

Etar, du nom slave de la rivière Yantra qui serpente près de Veliko Tarnovo et qui signifie « eau vive », connut une histoire mouvementée, à l’image de nombreux clubs d’un ancien pays communiste. Tout débuta le 24 avril 1924, suite à l’unification de 4 clubs de Veliko Tarnovo (Slava, Phoeni, Victoria et Bulgaria). Le club ressuscita 12 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale puis réalisa quelques coups d’éclat en Coupe et au sein de l’élite. En 2002, le club disparut mais renaquit un an après sous le nom de Etar 1924. Nouvelle faillite en 2012 et nouvelle renaissance en 2013 sous le nom actuel. Mais, si l’histoire fut accidentée ces dernières années, la tradition de porter un maillot violet perdura, et le surnom avec.

En effet, la couleur violette a longtemps était difficile à produire car rare à l’état naturel. Durant l’antiquité et des siècles encore après, la teinture pourpre était vendue principalement dans la cité de Tyr (aujourd’hui au Liban) et produite à partir d’un escargot de mer, le murex épineux, qui était extrêmement rare et qui produisait peu de mucus. Les tissus de cette couleur étaient donc chers et plutôt réserver à la noblesse. Et les boyards comme tout riche aristocrate européen appréciaient ces tissus pourpres. D’ailleurs, lors de fouille dans l’Eglise des Saints-Quarante-Martyrs à Veliko Tarnovo, qui abrite les sépultures de dignitaires bulgares, des vêtements violets furent découverts.

En Bulgarie, les boyards furent des aristocrates, au départ de simples chefs militaires qui acquirent un pouvoir et des richesses importants. Les boyards bénéficiaient de nombreux privilèges et occupaient les plus hautes fonctions administratives et militaires. D’ailleurs, sous les Premier (681–1018) et Second Empires (1185–1396) bulgares, le souverain bulgare était conseillé par un cercle restreint de boyards. De manière générale, ils concentrèrent un grand pouvoir entre leurs mains, ce qui conduisit à de fréquentes conspirations contre le souverain ou à la sécession de régions entières de l’État. Le titre de boyard fut aboli et les privilèges supprimés après la conquête de la Bulgarie par l’Empire ottoman.