Les cambodgiens. Malgré des soutiens célèbres, comme l’acteur Viggo Mortensen et le pape François, l’aura du club argentin n’a pas pour autant atteint les rives du pays khmer. L’histoire de ce surnom trace son sillon dans les heures sombres de San Lorenzo, au cœur des années 1980. A cette époque, l’incurie de ses différentes directions et l’opposition de la municipalité à un club representant la classe moyenne, à la culture et aux traditions fortes, conduisirent à faire exploser la dette de San Lorenzo qui se retrouva dans l’incapacité de faire face à ses échéances.
Le premier coup dur survint en 1979, lorsque, croulant sous les dettes, San Lorenzo fut contraint par la dictature de vendre son stade historique du quartier de Boedo. A partir de 1980, l’équipe poursuivit une existence nomade et évolua dans les enceintes des autres clubs de la capitale, même celui du rival d’Huracán. En 1981, après avoir réussi à échapper à la relégation l’année précédente, le club descendit en seconde division pour la première fois de l’ère professionnelle. Durant ses années de crise institutionnelle, les contrats n’étaient pas respectés, les impayés de salaire réguliers, les terrains d’entrainement inexistants, l’eau chaude dans les douches absente ainsi que de nombreuses autres conditions déplorables.
Mais, dans le pire se forge aussi le caractère d’une équipe. Ainsi, sans moyens, le club construisit un groupe de combattants endurant toutes sortes d’épreuves et cet état d’esprit, fait d’abnégation et de pugnacité, séduisit les supporteurs. Dès l’année 1982, San Lorenzo réintégra l’élite argentine puis les années qui suivirent, l’équipe se battait avec héroïsme pour demeurer en première division. Tel un véritable cyclone (cf. #288), les joueurs développèrent un style de jeu offensif et combatif qui permit de livrer quelques matchs mémorables et de terrasser des clubs plus puissants. Parmi les onze gladiateurs, le gardien paraguayen José Luis Chilavert faisait ses premiers pas en Argentine, l’attaquant Wálter Perazzo émergait au côté de Dario Siviski, le latéral uruguayen Luis Malvárez portait le brassard de capitaine, Sergio Marchi dirigeait la défense et Blas Giunta bataillait au milieu. L’équipe attint son apogée en 1988 où elle finit deuxième du championnat et obtint le droit de disputer la Copa Libertadores. Et San Lorenzo réalisa ensuite sa meilleure campagne de son histoire en Copa Libertadores (jusqu’à son titre continental en 2014), éliminé en demi-finale.
Le surnom naquit lors de l’improbable victoire contre Independiente en championnat en Septembre 1986. 3 jours avant la rencontre, le contrat de l’entraineur Nito Osvaldo Veiga était arriver à son terme et, avant de le renouveler, il exigea que la direction versasse les primes impayées aux joueurs. Le président Enzo Zoppi refusa et San Lorenzo se retrouva sans entraîneur pour affronter Independiente, alors leader du championnat. Les joueurs ne s’entrainèrent pas lors de ces 3 journées. Le jour du match, le gardien remplaçant Rubén Cousillas assura le rôle d’entraineur. Dans le vestiaire, suite à l’absence d’une partie des équipements, Luis Malvarez déclara à Marchi « Turco ¿sabés qué? Nosotros parecemos guerreros, camboyanos, vivimos en el lodo, vivimos en los problemas, en los quilombos. Ese camboyano que se tira en la selva y que quiere pelear y va al frente siempre; creo que nosotros somos eso, Los Camboyanos » (Turc [le surnom de Marchi], tu sais quoi ? Nous ressemblons à des guerriers, des cambodgiens. On vit dans la boue, on vit dans la misère, dans le chaos. Ce Cambodgien qui se jette dans la jungle, qui veut se battre et qui est toujours en première ligne; je crois que c’est ce que nous sommes, des Cambodgiens) et à tous ses coéquipiers « Somos como los camboyanos, estamos solos y no damos nada por perdido » (Nous sommes comme les Cambodgiens, nous sommes seuls et nous n’abandonnons jamais).
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