#974 – CA Chacarita Juniors : Tricolor

Le tricolor. Surnom qui n’a rien d’étonnant étant donné que les joueurs du club arborent un maillot avec 3 couleurs, rouge, noir et blanc. Précisément, il s’agit d’une tunique rayée de ces 3 couleurs. Le dessinateur et écrivain argentin, Roberto Fontanarrosa, passionné de football et supporteur de Rosario Central, exprimait dans son livre référence sur le football argentin « No te vayas campeón » son amour pour le maillot de Chacarita « Qué linda es la camiseta de Chacarita. Es más, si algún día me hacen uno de esos tontos reportajes llamados “ping-pong”, cuando me pregunten por “una camiseta”, diré: “La de Chacarita”. Es la que más me gusta (…) la de Chacarita tiene, si se quiere, un toque de sofisticación, de ingenio. Y yo creo que ese toque reside en esa línea finita, blanca, que se ha colado entre las rojas y las negras, más anchas y prepotentes. Esa línea delgada y blanca aporta un trazo de distinción, brinda luz, relieve, cierto brillo. » (Qu’elle est belle la chemise de Chacarita. D’ailleurs, si un jour ils font un de ces interviews « ping-pong » à la con, quand ils me demanderont « une chemise », je dirai : « Celle de Chacarita ». C’est celle que j’aime le plus (…) Chacarita’s a, si vous voulez, une touche de sophistication, d’ingéniosité. Et je pense que cette touche réside dans cette fine ligne blanche, qui s’est glissée entre les lignes rouge et noire, plus larges et plus imposantes. Cette fine ligne blanche apporte une touche de distinction, de lumière, de relief, un certain éclat.).

La tradition raconte que ces couleurs faisaient référence à leurs origines. Le club fut fondé le jour de la fête du travail, le 1er mai 1906, par une bande d’amis, dans les bureaux de la section 17 du Parti Socialiste local. Dans ce quartier populaire, les membres étaient tous proches des idées socialistes d’où le choix du rouge. Le noir pourrait laisser penser à une autre tendance politique de gauche, l’anarchisme de la puissante Federación Obrera Regional Argentina (Fédération Ouvrière Régionale Argentine – FORA), rattachée à la Première Internationale. Mais, il est plus communément admis que le noir représenterait le cimetière qui rythme la vie du quartier de Chacarita depuis le XIXème siècle et demeure l’un des plus grands du monde (cf. #855). Enfin, le blanc signifierait la pureté qui caractérise la jeunesse, le lien avec le terme « junior » dans le nom du club.

Toutefois, initialement, le club n’évolua pas dans ces couleurs devenues traditionnelles. Tout débuta avec un maillot bleu ciel avec une bande blanche horizontale sur la poitrine. Mais, à partir de 1911, certains des joueurs désertèrent vers d’autres clubs voisins et la section football perdit de sa splendeur. En 1919, une nouvelle direction décida de donner une nouvelle impulsion avec une « refondation » . Cette renaissance serait passée par le nouveau maillot tricolore. Toutefois, aucun document ou témoignage permet de prouver les raisons de ce changement, ni de le dater. D’ailleurs, l’acte de refondation ne mentionnait ni les couleurs ni les maillots.

Avant même le maillot bleu ciel, selon l’un des fondateurs, José Manuel Lema, le premier équipement porté par l’équipe consistait en une veste blanche avec un petit bouclier en guise de poche et était un cadeau de la sœur d’un des membres, Alfredo Palacios. Le 18 avril 1907, le journal « La Argentina » publiait un article qui décrivait le maillot du club comme rouge et blanc accompagné d’un pantalon blanc. Le 2 mai 1908, le journal « El Mundo » rapportait un changement de tenue avec une chemise rayée verte et blanche ainsi qu’un short bleu marine. Le 9 août 1922, le journal « La República » mentionnait un match entre Chacarita Juniors et Vida y Acción où le club évoluait avec une tenue bleue. Finalement, le fameux tricolore serait apparu en 1924. Le 12 avril de cette année, une publication de « Última hora » annonçait que Chacarita changeait ses couleurs. Selon le journal, Chacarita Juniors s’était fourni auprès d’une entreprise européenne après que les dirigeants de l’institution décidèrent ce changement afin de se distinguer des nombreux clubs qui portaient du bleu. Ces 3 couleurs proviendraient d’un maillot porté par l’un des acteurs de la refondation, Nicodemo Perticone. Selon son fils, le tissu de ce maillot aurait été offert à la mère de Nicodemo par une autre immigrée d’origine arabe sur le bateau qui les emmenaient vers l’Argentine. Mais, le tissu étant trop coloré pour la mode de l’époque, la mère de Nicodemo aurait confectionné un maillot pour que son fils pût jouer au football. Nicolás Caputo, un autre pionner de la refondation, fut séduit par les couleurs originales du maillot de son compère et les proposa à la direction.

#855 – CA Chacarita Juniors : el Funebrero

Le croque-mort. Le surnom du club argentin n’invite pas à la fête que pourrait être un match football. Mais, il reflète bien la vie du quartier de Buenos Aires auquel le club est attaché. Le 1er mai 1906, un groupe d’amis de la paroisse de San Bernardo fonda un nouveau club de football dans les locaux de la 17ème section du Parti socialiste. Tous habitant le quartier de Chacarita, ils donnèrent au club le nom de leur quartier, auquel ils accolèrent le terme « Junior » en allusion à leur jeunesse.

Situé dans le centre de Buenos Aires, et comptant près de 25 000 habitants, le quartier s’étale sur 3,12 km² mais une grande partie de sa superficie est occupée par un cimetière homonyme. Le 14 avril 1871, ce cimetière fut inauguré, après une construction en un temps record. En effet, les deux cimetières existants à l’époque (celui du nord : Recoleta, et celui du sud : à Parque Patricios) avaient atteint leurs pleine capacité en raison de l’épidémie de fièvre jaune qui faisait des ravages dans la ville de Buenos Aires. Sur ces 5 premiers hectares, ce nouveau lieu de sépulture permit de faire face dans un premier temps au besoin. Près de 500 enterrements pouvaient avoir lieu en une journée. En outre, les décès dus à la fièvre jaune étaient si nombreux que 4 jours après l’ouverture du cimetière, une gare fut édifiée pour faciliter leur transport. Mais, vu l’activité et les structures rudimentaires du lieu, les conditions d’hygiène étaient minimales et les odeurs et le manque d’assainissement dérangeaient le voisinage. En 1875, l’Etat le ferma et chercha un autre endroit pour un nouveau cimetière. Pourtant, il fonctionna encore pendant 11 ans, jusqu’à l’ouverture du nouveau à l’emplacement actuel. Aujourd’hui, sur 95 hectares, le cimetière de Chacarita est le plus grand des 3 de la ville (les deux autres étant ceux de Flores et de Recoleta) et l’un des plus grands du monde. Il accueille de nombreuses personnalités de la politique, du sport et de la culture argentines dont le plus connu est Carlos Gardel, un des célèbres représentants du Tango. Décédé en 1935, le mausolée de Carlos Gardel représente l’un des sites les plus visités du cimetière. Il renferme également de nombreux monuments funéraires singuliers tels que des panthéons inspirés des temples médiévaux espagnols ou des voûtes Art nouveau. L’entrée principale d’ailleurs se constitue d’un grand péristyle de style néoclassique à 24 colonnes.