#238 – CA River Plate : los Millonarios

Les millionaires. Ce surnom est hérité de la politique de transfert onéreuse menée par le club dans les années 1930. En 1931 le professionnalisme débarqua dans le football argentin. River Plate n’était pas encore à cette époque l’une des plus grandes équipes d’Argentine et prit alors totalement le virage du professionnalisme. Il réalisa le premier important transfert de l’époque en recrutant Carlos « Barullo » Peucelle au Sportivo Buenos Aires en échange de 10 000 pesos, une somme spectaculaire pour l’époque. Le club termina à la 3ème place du championnat, tandis que Boca devenait champion. L’année suivante, River passa la vitesse supérieure en dépensant trois fois plus pour acquérir Bernabé Ferreyra, en provenance de Tigre, établissant un record à 35 000 pesos. Il acheta aussi Juan Arrillaga, de Quilmes, en échange de 22 000 pesos ainsi que Alberto Cuello, de Tigre pour 17 500 pesos. Au total, River dépensa 105 000 pesos et le seul transfert de Ferreyra représentait à lui seul à cette époque 11 voitures ou 514 costumes anglais en cachemire ou 516 000 kilos de blé ou 5 600 paires de chaussures Harrods ou 70 000 billets pour assister à un match de football (selon le journal Caras y Caretas). Cette stratégie porta ses fruits, le club remportant son premier titre de champion cette année-là. A l’intersaison 1933, River Plate recruta au CA Talleres le gardien Ángel Bossio pour 30 000 pesos. En 1935, le club termina cette période en payant 37 500 pesos pour José María Minella, un milieu de terrain de Gimnasia y Esgrima La Plata. Avec tant de dépenses, le club gagna 3 autres championnats ainsi que divers trophées. Cette stratégie de dépense se coupla avec une politique de formation. Plusieurs jeunes joueurs purent éclore dans cette équipe de stars tels que José Manuel Moreno, Adolfo Pedernera et Renato Cesarini.

Le surnom aurait été donné par le célèbre chroniqueur sportif, Hugo Marini. Dans les années 1930, alors que les réseaux sociaux et télévision n’existaient pas et que la radio en était encore à ses premiers balbutiements, la presse écrite disposait d’un immense pouvoir pour accompagner l’explosion de la popularité du football en Argentine. Par ses chroniques drôles et hyperboliques, Hugo Marini, journaliste à « Crítica », en fut l’un des plus importants représentants. Sa chronique « el Sport de cada día » était particulièrement lu et immortalisait un grand nombre d’expressions populaires et surnoms pour le ballon rond. Et dans les journaux, les caricatures de River représentaient un gros monsieur joufflu en queue de pie agitant des billets de banque.

#219 – Boca Juniors : la Azul y Oro

La bleu et or, les couleurs du club de Boca. En réalité, le club chercha ses couleurs durant ses premières années d’existence, comme beaucoup d’autres clubs. Créé en 1905, Boca arbora d’abord un maillot rose, seulement pour ses deux premiers matchs. Il faut dire que si aujourd’hui porter un maillot rose présente un certain style, à l’époque, il fut difficile à assumer par les joueurs de Boca, la couleur étant objet de raillerie. Mais, l’existence de ce premier maillot rose est contesté.

L’histoire officielle affirme que le premier maillot de Boca Juniors était blanc avec de fines rayures noires. Ce modèle avait été réalisé par la sœur de Juan Farenga, l’un des fondateurs. Puis, le club opta pour un maillot azur mais un autre club argentin, Nottingham d’Almagro, portait le même maillot. Les deux équipes jouèrent alors un match afin de définir qui porterait ce maillot. Comme Boca Juniors perdit le match, le club choisit de nouvelles couleurs : un maillot blanc à fines rayures bleues (1906).

En 1907, Boca porta enfin le maillot bleu et or. En tant que travailleur portuaire lui-même, l’ancien président du club, Juan Brichetto, suggéra d’adopter les couleurs du pavillon du premier navire qui arriverait à Buenos Aires le lendemain. Le premier bateau aperçu battant pavillon suédois, le maillot Boca Juniors devint bleu et or. On pense qu’il s’agissait du cargo dénommé « Drottning Sophia », un navire en provenance de Copenhague. D’autres historiens estiment que le Drottning Sophia n’était pas arrivé à Buenos Aires en 1907 mais en 1905. D’où, le navire serait l’Oskar II de Nordstjernan / Johnson Line, arrivé au port le 5 février 1907.

Si la bande jaune fut au départ en diagonale, elle s’amarra rapidement horizontalement (1913). La maillot du club avec ces couleurs est intouchable. En 1996, lors de l’accession de Mauricio Macri à la présidence du club, deux bandes blanches furent ajoutées autour de la ligne jaune. Inadmissible pour le dieu vivant Diego Maradonna qui menaça de ne plus jouer mais il finit par céder. En revanche, en 2004, Coca-Cola abdiqua face à la direction et son logo dut passer au bleu et jaune sur la tunique du club (il est vrai que le rouge et blanc du célèbre soda américain est similaire aux couleurs du rival de River Plate).

#201 – Argentinos Junior : el Bicho, los Bichos Colorados

La punaise, les punaises rouges. Ce surnom fut attribué par un journaliste au club dans les années 50. Club amateur reconnu et triomphant, Argentinos Junior négocia mal le virage du professionnalisme dans les années 30. Participant à la création du championnat professionnel, les charges salariales des joueurs plongèrent le club dans les difficultés économiques et connut le déclin sportif en sombrant en seconde division argentine. De 1937 à 1955, le club se débâtât dans les divisions inférieures. En 1956, Argentinos Junior remonta enfin en première division et commença à titiller les 5 grands argentins (Boca, River, Racing, Independiente ou San Lorenzo) qui trustaient tous les titres. L’apothéose demeura la saison 1960 où le club atteignit la finale face à River Plate. Cette renaissance se fit grâce à une génération de jeunes joueurs tels que Pederzoli, Pando, Oscar Distéfano, Sciarra, Ditro, Sainz, Moreno et Nappe et un style de jeu offensif et flamboyant. Au lendemain d’une victoire face à Boca Juniors (1-0 le dimanche 4 août 1957, but de Héctor Tedeschi), le journaliste Diego Lucero publia une tribune dans le quotidien Clarín où il utilisa pour le première fois le terme de « bichitos colorados » pour désigner le club. En fait, son style de jeu fit penser à des insectes qui piquaient son adversaire à chaque attaque.

Le rouge faisait évidemment référence à la couleur des maillots. Le club fut fondé en 1904 par l’union de deux associations sportives dont les membres étaient anarchistes ou socialistes. Pour honorer l’élection d’Alfredo Palacios à la députation (le premier député socialiste élu en Argentine), les membres décidèrent d’opter pour la couleur rouge du Parti Socialiste, en remplacement du vert et du blanc.

Parfois, le surnom est complété par « La Paternal » , référence au quartier dont est originaire le club.

#192 – Racing Club : la Academia

L’Académie. Le surnom du club de Avellaneda, dans la banlieue de Buenos Aires, a plus de 100 ans, en remontant à 1915. Si le club semble aujourd’hui en retrait parmi le big five argentin (avec River Plate, Boca Junior, Independiente et San Lorenzo), il demeure l’un des plus anciens de ce club fermé et surtout affiche le plus beau palmarès de l’ère amateur du football argentin. Tout débuta par l’accession en première division en 2010 et, en 1912, par le gain de la Copa de Honor MCBA qui faisait office de coupe d’Argentine. Le 8 décembre 1913, l’équipe remporta la première coupe internationale officielle organisée par la fédération Argentine et celle d’Uruguay, la Copa de Honor Cusenier, après avoir battu le Nacional. Vingt jours plus tard, elle gagna le premier championnat du club. Cette victoire marqua le début d’une ère d’or pour le club. En effet, de 1913 à 1919, le Racing domina la championnat d’Argentine, en remportant 7 titres consécutifs. Sur le plan national, le club devint également le plus grand vainqueur de la Coupe d’Honneur MCBA (1913 , 1915 et 1917 ) et de la Coupe Ibarguren (1913 , 1914, 1916, 1917 et 1918). Au niveau international, il remporta la Coupe Aldao à deux reprises (1917 et 1918).

En 1914, le Racing termina le championnat en étant invaincu et renouvela cet exploit en 1915, avec 22 victoires et 2 nuls. Lors de cette dernière saison, il affligea également une défaite 3-0 à son ennemi de River Plate le 1er août 1915. L’équipe afficha une telle supériorité face à River que près de 10 000 supporters accompagnèrent les athlètes à la sortie du stade, de La Boca à Avellaneda, en scandant : « Academia, Academia, Academia » (Académie, Académie, Académie). Le club effectivement donnait des leçons à ses adversaires. Et cet enseignement se tirait de leur style de jeu. De 1891 à 1912, seuls les clubs créaient par des britanniques avaient remporté le titre de champion d’Argentine. En 1913, le Racing fut le premier club fondé par des argentins à être champion. Il parvint à ce succès en pratiquant un football à l’opposé de ceux des britanniques (jeu de passe au sol plutôt que du kick and rush).

Le 18 avril 2015, en commémoration du 100ème anniversaire de cet victoire sur River, le conseil municipal de Buenos Aires plaça une plaque commémorative à l’intersection de l’avenue Alicia Moreau de Justo et de la rue Rawson Dellepiane, dans le quartier de Puerto Madero.

#177 – CA Banfield : el Taladro

La perceuse. Fin 1938, le club était au bord de la disparition : quasiment plus d’équipe, peu de partenaires, résident de seconde division. Un groupe de socios de Banfield proposa alors à l’homme d’affaires Florencio Sola de prendre la présidence du club. Pour affronter le championnat de deuxième division de 1939, il obtint le transfert de nombreux joueurs qui étaient remplaçants en première division. Cette équipe devint champion et, par conséquent, fut promu en première division. En 1940, Florencio Sola renouvela complètement son équipe et signa des joueurs tels que Rafael Sanz, Eduardo Silvera, Juan Bautista Busuzzo, Alfredo De Terán, Armando Farro et d’autres. L’équipe fit une campagne surprenante et inhabituelle pour un promu, en finissant à la dixième place, avec de belles prestations tels que des victoires 7 à 3 à Atlanta, 6 à 1 à Tigre, 5 à 0 à Newells et Lanús (en plus des victoires face aux mastodontes d’Independiente et de River). En raison de ces victoires prolifiques, le journal, « El Pampero », baptisa l’équipe du surnom de la perceuse, pour souligner la manière dont les attaquants de Banfield perçaient les défenses et les buts adverses.

#160 – Quilmes AC : los Cerveceros

Les brasseurs. Quilmes est une ville argentine située sur la côte du Río de la Plata, au sud-est du Grand Buenos Aires. De 10 000 habitants à la fin du XIXème siècle, la ville compte aujourd’hui plus de 200 000 habitants. Bourg plutôt rural, son développement s’opéra avec l’arrivée le 18 avril 1872 du chemin de fer qui permettait de rejoindre la capitale, Buenos Aires, en 55 minutes. En 1881, la population de la ville avait crû de 23% pour atteindre 8 341 habitants et 60 usines ou ateliers, pour la plupart des forges, des moulins à vapeur, des briqueteries, des ateliers de menuiserie, des magasins de chaussures, une brasserie et une distillerie, opéraient. Dans le sillage du train et dans ce contexte d’émulation, une communauté étrangère, principalement britannique s’installa dans la ville et développa de nombreuses entreprises.

En 1888, l’allemand Otto Bemberg en 1888 fonda à Quilmes la brasserie Cervecería y Maltería Quilmes en raison de la qualité de l’eau et la proximité d’une gare. Après deux ans d’essai et de recherche, il parvint à créer une bière blonde qu’il baptisa du nom de la ville. Elle s’imposa rapidement et devint une bière populaire. Dans les années 1920, la Quilmes devint la bière la plus populaire de Buenos Aires. Durant les années 1930 et 1940, le groupe rachetait ses concurrents ou les ruinait par des actions de concurrence déloyale, et poursuivait l’intégration de l’ensemble de la chaîne, en reprenant toutes les usines de levure et les malteries. L’entreprise était alors le Rey de la Cerveza (le Roi de la bière), en ayant quasiment le monopole du marché. Aujourd’hui encore, elle est l’un des principaux acteurs en s’accaparant en 2013, 67% de part de marché en Argentine.

Cette réussite rejaillit sur la ville. Ainsi, la création des services de pompiers fut sponsorisée par la brasserie, tout comme l’hôpital local, la maternité, le système d’eau courante et un espace vert de 87 000 m2. Le club naquit en 1887, un an avant le début de l’usine de Otto Bemberg, au sein de la communauté britannique (certainement consommatrice de bière). Mais le club de football n’eut aucun lien avec la brasserie. Cette dernière en fut toutefois un sponsor régulier.

#143 – CA Vélez Sarsfield : el Fortín

Le fort, la forteresse. Le club argentin hérita de ce surnom en juin 1932, quand dans le journal « Crítica » , apparaît un article où le journaliste Hugo Marini décrivit le stade du club, situé aux coins de la rue Basueldo et de la Guardia Nacional dans le quartier de Villa Luro, comme un fort. San Lorenzo devait rendre visite à une équipe de Vélez qui était en pleine forme à domicile. Avant le match, Marini titrait : « ¿San Lorenzo hará rendir mañana el ‘Fortín de Villa Luro’? » (Est-ce que San Lorenzo fera jouer le ‘Fortín de Villa Luro’ demain ?). Pour Marini, le stade de Velez était un fort car il était difficile pour l’équipe adverse d’y gagner un match. En outre, les projecteurs (une rareté pour l’époque) situés au quatre coin du terrain ressemblaient aux tours de guet d’un fort. Bien que ce match se soit soldé par un désastre pour Vélez, qui s’inclina 4-1, les supporteurs trouvèrent un surnom.

Dans ces années, alors que les réseaux sociaux et télévision n’existaient pas et que la radio en était encore à ses premiers balbutiements, la presse écrite disposait d’un immense pouvoir pour accompagner l’explosion de la popularité du football en Argentine. Par ses chroniques drôles et hyperboliques, Hugo Marini en fut l’un des plus importants représentants. Sa chronique « el Sport de cada día » était particulièrement lu et immortalisait un grand nombre d’expressions populaires et surnoms pour le ballon rond.

Malheureusement, suite à la relégation du club en seconde division en 1940, le contrat de location du stade prît fin et Vélez perdit son fort. A la fin des années 40, grâce à la ténacité de José Amalfitani, le club acquit de nouvelles terres dans le quartier de Liniers et y construisit un nouveau stade, qui hérita également le nom d’el Fortín ou Fortín de Liniers.

#122 – Estudiantes de La Plata : los Pincharratas

Les piqueurs de rats. Le surnom pincharratas, souvent raccourci en pinchas, provient d’une personne dénommée Felipe Montedónica, Né en 1898 à Olavarria, Felipe était un fan de l’Estudiantes depuis la fondation du club, et il commença à aller au stade dès ses 13 ans. Depuis les années 1910, Felipe et son petit frère travaillaient au marché où ils déchargeaient des fruits ou comme cireurs de chaussures. De nombreux rats vivaient au marché et les deux frères les poursuivaient, piquaient avec une grosse fourchette. Ainsi, il héritèrent du surnom de pincharratas. Ce surnom les accompagna au stade et commença à s’appliquer à leur groupe d’amis et au final à l’ensemble des supporteurs de l’Estudiantes. Une autre version raconte que ce surnom est lié au fait que de nombreux supporteurs étaient des étudiants. Or, ces derniers utilisaient des rongeurs dans le cadre de leurs expérimentations au laboratoire de la Faculté de Médecine.

#104 – CA Newell’s Old Boys : Leprosos

Les lépreux. Drôle de surnom pour un club mais heureusement il faut écarter tout de suite l’hypothèse que les joueurs furent atteints de cette maladie. En fait, dans les années 1920, la commission des Dames de l’Hôpital Carrasco proposa d’organiser un match entre les deux clubs de Rosario, le CA Newell’s Old Boys et le CA Rosario Central, afin de collecter des fonds pour les personnes souffrant de la maladie de Hansen, ie la lèpre. Le CA Newell’s Old Boys accepta mais son adversaire refusa. Le club hérita alors du nom de Lépreux.

#90 – Argentinos Junior : el Semillero del mundo

La pépinière du monde. Argentinos Junior n’est pas le club de Buenos Aires le plus fameux mais de nombreux internationaux argentins ont foulé les terrains de son centre de formation. De ses rangs des joueurs tels que José Néstor Pékerman, Fernando Redondo, Juan Román Riquelme, Esteban Cambiasso, Juan Pablo Sorin, Fernando Cáceres, Andrés D’Alessandro et Fabricio Coloccini ont émergé. Cette liste rassemble de belles références qui pourrait suffire à justifier le surnom. Sauf que pour être reconnu comme la pépinière du monde, il faut rajouter la cerise sur le gâteau Diego Armando Maradonna. Il débuta le 20 octobre 1976 face à Talleres, à seulement 15 ans. Pendant 5 ans, il va porter l’équipe à bout de bras à ses meilleures résultats (pour l’époque), devenant le plus jeune meilleur buteur de l’histoire du championnat argentin, remportant le ballon d’or argentin, et honorant sa 1ère sélection nationale à 16 ans. Face à un tel constat, l’Association de Football Argentin désigna le club comme pépinière du monde.