#884 – Deportivo La Corogne : los Turcos

Les turcs. Apparu dans les années 1980, ce surnom était réservé au départ aux fans de l’équipe de football de la ville, le Deportivo, mais il s’est répandu de plus en plus en dehors des terrains de sport. Au milieu des années 1980, la rivalité entre les deux clubs galiciens du Deportivo et du Celta Vigo s’intensifia. En 1987, le Deportivo perdit le derby 2 buts à 0 dans le stade de Vigo. Les fans du Celta insultèrent ceux du Deportivo en les traitant de turcos. Ce qui devait être désobligeant finit par être une source de fierté pour les fans du Deportivo. Ainsi, dans les années 1990, les drapeaux rouges au croissant fleurirent dans les travées du Stade de Riazor. Qu’est-ce que la Turquie a à voir avec La Corogne ? Une question que beaucoup se posent mais dont la réponse n’est pas unique. En effet, de nombreuses histoires circulent mais nous allons essayer de résumer les plus répandues.

Il y a d’abord la version du bus. Le Deportivo se déplaçait à Vigo avec un bus de la société dénommée TourCoruña. Mais, avec le temps, le uña s’effaça et il ne restait plus comme inscription TourCo qui fut simplifiait en turco.

Evidemment, certains cherchèrent un parallèle historique. Au XVIIème siècle, des pirates, venant majoritairement de Turquie, harcelèrent les côtes et en particulier les villes de Vigo et Cangas. Les fans de Vigo, voulant traiter ceux du Deportivo de barbares, firent le parallèle avec ces pirates turcs. Mais, comme on disait « fort comme un turc », l’image plut aux citoyens de La Corogne. Il existe d’autres versions liées à l’histoire. A une époque, la marine turque aurait atteint les côtes espagnoles et reçu l’aide des habitants de La Corogne. Les gens de Vigo n’aurait jamais oublié cette trahison. Une autre histoire indique une autre infidélité. Lorsque le pape appela les chrétiens à la croisade en terre sainte, le peuple de la Corogne ne se serait pas levé pour aller combattre les turcs. Dans les deux cas, La Corogne s’était vendue à la Turquie.

La thèse « géopolitique » est défendue par d’autres. La Galice, comme la Catalogne et le Pays-Basque, est une terre à l’identité forte et dont la culture celte s’éloigne des symboles de l’Espagne. Les gens de Vigo sont particulièrement fiers de cette différence. En revanche, ils estiment que les habitants de La Corogne se sont éloignés de leur racine et veulent s’assimiler à des espagnols. Le parallèle est alors fait avec les turcs, dont le territoire est principalement situé sur le continent asiatique, mais qui souhaitent être vus comme des européens.

Dans la même veine, la musique fut une autre source. Ce surnom serait relié au groupe Os Resentidos qui, en 1988, sortit un titre particulièrement apprécié à Vigo. La chanson s’intitulait « Por alí, por alá » et, dans l’un de ses couplets, le chanteur déclarait « Non son galegos, son árabes, non son galegos, son turcos » (Ce ne sont pas des galiciens, ce sont des arabes. Ce ne sont pas des galiciens, ce sont des turcs). Comme les habitants de La Corogne avaient cette réputation de ne se sentir particulièrement galiciens, ils furent assimiler à des turcs.

La catastrophe écologique qui eut lieue en 1992 fut également une source de ce surnom pour certains. En décembre 1992, le navire grec “Aegeam Sea” (Mer Égée) était venu appareillé dans le port de La Corogne pour livrer plus de 79 000 tonnes de pétrole brut léger à la raffinerie. Mais, des conditions météorologiques défavorables firent échouer le pétrolier lors de son approche, déversant alors 67 000 litres dans la mer. Pour le surnom, c’est le nom du bateau qui est important. En effet, s’appelant Mer Egée, il fait référence à la mer dans laquelle mouille une grande partie des côtes turques. Ainsi, les gens Vigo aurait dit qu’on pouvait voir la Mer Egée depuis La Corogne tout comme en Turquie. L’histoire semble anachronique puisque si on admet que le surnom survint en 1987, la catastrophe est postérieure.

Mais, il existe encore plein de versions différentes. Les villes de Vigo et La Corogne sont situées en Galice mais à deux extrémités de la région. Ainsi, La Corogne est à 160 km de Vigo, ce qui parait à l’autre bout du monde lorsque vous êtes dans cette dernière cité. La Corogne serait apparue aussi éloignée de Vigo que la Turquie. Autre possibilité : les plaques d’immatriculation des voitures enregistrées à La Corogne intègrent un « C » suivi d’un point au niveau du milieu du C. Or, cette configuration aurait fait penser au croissant et à l’étoile figurant sur le drapeau turc. La sémantique n’est pas en reste. En effet, une expression familière dar un baño (donner un bain) signifiait « affliger une défaite humiliante à l’adversaire ». Dans la région, le bain était même un bain turc. Or, il y a plus de 50 ans, lorsque le Celta se déplaçait sur le terrain du Deportivo, il s’inclinait et les supporteurs de La Corogne n’hésitaient pas à dire qu’ils avaient donné un bain turc à Vigo. Enfin, lors du match face au Panathinaikos en Ligue des champions, les supporters du Deportivo firent un grand tifo (de plus de 20 mètres) représentant un drapeau turc pour titiller les Grecs. En effet, les Grecs et les Turcs ne s’apprécient pas (et c’est un euphémisme).

Bref, quelque soit la véritable histoire, la multitude des légendes permet d’assoir ce surnom.

#19 – Deportivo La Corogne : Herculinos

Les herculéens car le symbole de la ville de La Corogne est la Tour d’Hercule, un phare romain situé à l’entrée de la ria qui donne sur le port de La Corogne. D’une hauteur totale de 55 mètres et fonctionnant depuis le Ier siècle de notre ère, il s’agit du seul phare romain et le plus ancien en activité au monde. C’est aussi le troisième plus haut phare d’ Espagne. Bien que construite par les Romains sous le nom de Farum Brigantium, son origine est encore assez inconnu mais plusieurs légendes existent. La plus connue, inspirée de la mythologie méditerranéenne et notamment retranscrite dans l’ouvrage Estoria de España de Alphonse X de Castille, raconte qu’un géant nommé Géryon, roi de Brigantium, maltraitait ses sujets. Il les obligeait à lui donner la moitié de leurs biens, y compris leurs enfants. Un jour, ses sujets demandèrent de l’aide à Hercule. Ce dernier poursuivit, depuis Cadix, Géryon. A l’approche de La Corogne, Hercule et Géryon se battirent. Hercule aurait gagné la bataille et décapita le roi troyen. Il enfouit alors la tête et éleva un tumulus au sommet duquel il planta une grande torche, avec un miroir pour guider les marins. Près de ce tumulus, il fonda une ville qui était La Corogne. La fameuse tour figure sur le blason de La Corogne depuis 1521.