#604 – Tonnerre KC Yaoundé : les Kalara Boys

Les garçons du livre. Pas de référence religieuse dans ce surnom, le livre du club n’étant pas la Bible. Tout d’abord, il convient de préciser que le K du nom du club correspond à Kalara et, en langue kóló (parfois nommé aussi ewondo), cela signifie « livre » . Ce dernier apparaît sur l’écusson du club, ouvert en son milieu. L’explication parfois avancée porte sur le style de jeu développé par le club. Connu pour son beau jeu, l’équipe appliquait une stratégie précise, un football sans brutalité et des mouvements harmonieux et offensifs. Un style de jeu qui était parfois qualifié de scientifique et que l’on trouvait que dans les livres. Ce style proviendrait du révérend Père Louis Philippe Mayor. Curé fondateur de la paroisse Saints Anne et Joachim de Nkoabang de Yaoundé, il était également entraineur et attaquant du club du Tonnerre. A sa disposition, des jeunes lycéens qui composaient chaque année la base de l’équipe. Certes, ce recrutement au sein des lycéens conduisait à une certaine instabilité de l’équipe, puisque ces joueurs étudiants partaient régulièrement pour meneur leurs études ou leurs vies professionnelles ailleurs. Mais, ils étaient des joueurs qui appliquaient studieusement les préceptes de beau jeu du Père Mayor.

Pour ma part, j’avancerai aussi une autre explication. A Yaoundé, en 1930, fut créé le club du Canon de Yaoundé avec entre autres Omgba Zing. Confronté à des querelles internes, Omgba Zing décida de quitter le Canon en 1934 et de fonder un nouveau club, le Tonnerre. Ce dernier se caractérisa comme dès sa fondation et constitue encore aujourd’hui un rival du Canon. Or, le symbole du Canon (comme son nom l’indique) est le canon, une arme. Or, l’opposé souvent mis en avant pour le canon est la culture, et plus précisément l’écriture, donc le livre.

#587 – Apollon Smyrnis : Ελαφρά Ταξιαρχία

La brigade légère. Fondé en 1891 à Smyrne, dans l’actuelle Turquie, le club fut obligé de déménager à Athènes après la guerre gréco-turque (1919-1922). En 1938, emmenée par son attaquant, Vassilis Grigoriadis, l’équipe remporta la 12ème édition du championnat d’Athènes et participa à la phase finale du championnat panhellénique (face aux vainqueurs des tournois du Pirée et de Thessalonique). Il termina à la deuxième place derrière l’Olympiakos et devant l’Aris. Le jeu développé par l’équipe séduisit la presse de l’époque qui lui donna le surnom de Ελαφρά Ταξιαρχία. Cette année là, les cinémas grecs diffusaient le film The Charge of the Light Brigade (La Charge de la brigade légère), film américain réalisé par Michael Curtiz, sorti en 1936. Errol Flynn y tenait le rôle principal. Le film relatait la charge désastreuse de la cavalerie britannique, dirigée par Lord Cardigan au cours de la bataille de Balaklava le 25 octobre 1854 lors de la guerre de Crimée. Charge inutile, elle devint aussi le symbole de bravoure. C’est ce sentiment qu’inspira l’équipe à la presse. Pour rappel, un autre film où joua Errol Flynn inspira le nom et le surnom d’un club (cf. article #166).

#514 – Cardiff City FC : the Bluebirds

Les oiseaux bleus. Formé sous le nom de Riverside FC en 1899, le nouveau club de football avait pour objectif d’occuper les joueurs de cricket du Riverside Cricket Club en hiver. Ces derniers portaient un kit de couleurs marron et orange. En 1905, la direction demanda de changer le nom du club en Cardiff City suite à l’octroi du statut de ville à Cardiff. La fédération du Pays de Galles n’accéda pas à la requête car elle estimait que le club évoluait dans des ligues trop mineures pour bénéficier d’un titre aussi prestigieux. Trois ans plus tard, alors que le club participait à la Ligue amateur du sud du Pays de Galles, la fédération céda et Cardiff City naquit. Pour des raisons inconnues, le club changea ses couleurs et opta pour le bleu. La même année, une pièce de théâtre « The Bluebird of Happiness » (L’oiseau bleu du bonheur) de l’écrivain belge Maurice Maeterlinck fut présentée à Cardiff. Elle connut un grand succès auprès des habitants de Cardiff. Ces derniers firent le lien entre la nouvelle couleur du club avec le titre de cette pièce et affublèrent le club du surnom de bluebirds. En 1959, l’oiseau bleu apparut sur le maillot du club et s’inscrivit dans le blason.

#474 – FK Sarajevo : Divovi

Les géants. Ce surnom est apparut récemment en 2009 lorsque la chanson « Mi smo divovi » (Nous sommes des géants) est devenu l’hymne du club. Elle a été écrite par le chanteur-compositeur Benjamin Isovic. Ce dernier est le fils du chanteur bosniaque Sevdah Safet Isović mais surtout un supporteur du FK Sarajevo et même président d’une des associations de fans du club. Le refrain dit « Mi smo divovi, svako nam je plijen, nas je cijeli svijet u bordo obojen » (Nous sommes des géants, tout le monde est notre proie, tout notre monde est de couleur bordeaux). Même si la chanson est partisane, le FK Sarajevo est sans conteste l’un des plus grands (si ce n’est le plus grand) club bosniaque.

Sous l’ère yougoslave, le club fut le plus titré de la république bosniaque (2 titres de champion et 2 coupes). Alors que les titres de champion était trustés par les équipes serbes et croates (principalement Partizan, Etoile Rouge et Hajduk Split), lors de la saison 1966-1967, le FK Sarajevo fut la première équipe bosniaque et surtout non croate et non serbe à remporter le championnat yougoslave. Cette même année, le club faillit réaliser le doublé en atteignant la finale de la Coupe de Yougoslavie. Après la dislocation de la Yougoslavie au milieu des années 90, le FK Sarajevo devint l’un des clubs principaux de la Bosnie-Herzégovine en remportant 5 championnats de Bosnie (1998-1999, 2006-2007, 2014-2015, 2018-2019 et 2019-2020), 7 Coupes de Bosnie (1997, 1998, 2002, 2005, 2014, 2019 et 2021) et une Supercoupe de Bosnie. Sur le plan européen, le club fit pour meilleur résultat deux 8ème de finale : une en Coupe des Clubs Champions en 1968 et une autre en Coupe de l’UEFA en 1983. Palmarès modeste mais au plan bosniaque, il demeure le plus grand représentant dans les compétitions européennes.

#346 – Guarani FC : Bugre

Bugre est un mot populaire au Brésil pour désigner les indigènes, en particulier les amérindiens vivant entre le Rio Tietê et la frontière uruguayenne. Le Rio Tietê est ce fleuve qui se trouve au nord de la ville de Campinas, où est basé le club du Guarani FC. En 1911 (le 1er avril mais officiellement le 2 pour éviter les blagues de poisson d’avril), 12 jeunes garçons brésiliens et principalement italiens ou d’origine italienne (un des fondateurs est d’ascendance allemande) se réunirent pour fonder le club sur la Praça Carlos Gomes, une place de Campinas nommée en l’honneur de Carlos Gomes, un compositeur brésilien du XIXème siècle, le plus célèbre personnage né à Campinas. Cette place eut une influence sur le club car, pour le choix du nom de la nouvelle association, les fondateurs choisirent Guarani Futebol Clube en l’honneur de l’opéra le plus connu du compositeur Carlos Gomes « O Guarani » . En outre, cette référence à Carlos Gomes rappelait également les origines nationales des fondateurs puisque le compositeur était brésilien (de Campinas donc) mais vécu une grande partie de sa vie en Italie (à Milan) pour y composer et faire jouer ses oeuvres à la Scala. En effet, parmi les 12 jeunes fondateurs, ont trouvé les italiens ou d’origine italienne Vicente Matallo, Antonio de Lucca, Pompeo de Vito, son frère Romeo Antonio de Vito, Angelo Panattoni, José Trani, Luiz Bertoni, José Giardini, Miguel Grecco, Julio Palmieri et Hernani Felippo Matallo. Le douzieme homme était Alfredo Seiffert Jaboby Junior mais il était le seul dont la famille était originaire d’Allemagne.

« O Guarani » (Le Guarani) est un opéra-ballet en quatre actes, d’après le roman éponyme de José de Alencar. Se déroulant au XVIème siècle sur fond de colonisation du Brésil par les Portugais, cet oeuvre raconte l’histoire d’amour impossible entre une jeune femme portugaise, promise en mariage à un noble, et un chef indien Guarani, Pery. Aujourd’hui, la population amérindienne Guarani existe toujours (estimé à 80.000 personnes) même si elle est menacée par l’exploitation forestière et se répartit dans les régions amazoniennes du Brésil, d’Argentine, de Bolivie, de l’Uruguay et du Paraguay. Avec un tel nom de club, le terme de Bugre s’imposa rapidement et d’autres en dérivèrent tels que Bugrao (petit Bugre) ou Família Bugrina (la famille indigène).

#120 – Villarreal CF : Submarino amarillo

Le sous-marin jaune. En valencien, le terme est submarí groguet. De sa création en 1923 jusqu’en 1946, Villarreal jouait en maillot blanc et short noir. Puis, en 1946, le club opta pour le jaune. Ce changement de couleur ne résultait pas d’un choix symbolique, comme de reprendre l’une des couleurs des armoiries de la ville (constituées des fameuses pals d’Aragon, 4 rayures verticales rouges sur fond jaune) mais d’une pure coïncidence. Manuel Vilanova, directeur au sein du club de Villarreal, étudiait pour devenir entraîneur à Valence. Le club le chargea lors d’un de ses séjours à Valence d’acheter des maillots pour l’équipe. Mais, juste après la guerre, il y avait quelques pénuries et en l’occurence, il ne trouva pas de maillot blanc dans la boutique habituelle. Le magasin lui proposa alors des maillots de couleur jaune, qui présentaient l’avantage d’être disponibles et moins onéreux. Ce jeu de maillots avec le changement fut acceptés par la direction du club.

Cette uniforme intégralement jaune engendra aussi la naissance de ce surnom lors de la saison 1967-1968. À cette époque, le club de Castellón n’était qu’une humble et simple équipe de football de village, luttant dans les divisions régionales et cherchait à remonter en troisième division. Egalement, l’année 1966 fut marquée par la chanson des Beatles « Yellow Submarine » qui eut une grande popularité en très peu de temps, restant pendant des mois au n°1 des principaux charts mondiaux. Le thème de la chanson atteignit son apogée deux ans plus tard, en 1968, avec la production d’un film d’animation (réalisé par George Dunning), du même nom, présentant un fond psychédélique avant-gardiste, et mettant en vedette les quatre garçons de Liverpool. Bien que l’Espagne à cette période connaissait la dictature de Franco et subissait une censure forte, la chanson fit également son chemin parmi les jeunes Espagnols de l’époque. Notamment grace au groupe espagnol Los Mustang qui enregistra la même année 1968 une version en espagnol qui popularisa la chanson des Beatles (130 000 copies vendus, le double de la chanson originale), et en particulier le refrain.

Donc, lors de cette année 1967, les joueurs comme les supporteurs se retrouvaient régulièrement au bar La Granja et mettaient le juke-box pour animer les soirées. Et naturellement, le titre des Beatles faisaient fureurs. Résultat, après la promotion acquise, les supporteurs de Villareal se retrouvèrent au bar et se mirent à crier le refrain en espagnol « Amarillo el Submarino es, amarillo es, amarillo es » (Jaune le sous marin est, jaune est, jaune est). La chanson fut reprise dans le stade de Villareal et une Peña (la peña hispania) fit également voler des ballons, au dessus du stade, auxquels étaient accrochés une bannière. Celle-ci affichait un sous-marin jaune accompagné d’un message : « El Submarino Amarillo avanza a toda presión y ha conseguido el ascenso a tercera división. 1º Campeón » (Le sous-marin jaune avance sous la pression et accède à la 3ème division, Champion). Ainsi, cette référence musicale faisait non seulement le lien avec la couleur de l’équipe, mais aussi à sa capacité à émerger à la fin de chaque saison. Dès 1970, la presse reprenait ce surnom. En 2001, la mascotte du club prit la forme d’un sous-marin à l’expression humaine. Et aujourd’hui, lorsque les joueurs de Villarreal entrent sur le terrain, la chanson résonne dans le stade de la Ceremica.