#1304 – CA River Plate : la Máquina, la Maquinita

La machine, la petite machine. 2 surnoms pour 2 époques différentes de River mais qui traduisent une certaine suprématie de son équipe. La première période se déroula au cours des années 1940 où River remporta 10 titres et imprima un jeu qui inspira l’équipe nationale hongroise des années 1950 et le football total des hollandais des années 1970. L’histoire débuta lors de la saison 1941 qui se solda par 3 titres nationaux et 1 continental. River remporta au nez et à la barbe de San Lorenzo le championnat argentin, en gagnant 4 des 5 derniers matchs, dont un superclásico (face à Boca Junior) par le score fleuve de 5 buts à 1 le 19 octobre 1941. Dans la foulée, River s’adjugea les deux coupes nationales (celle dénommée Doctor Carlos Ibarguren et l’autre Adrián C. Escobar) ainsi que la Coupe Aldao où il était opposait au champion d’Uruguay, le Nacional.

Au début de la saison 1942, River enchaina 8 matchs consécutifs sans défaite (dont 7 victoires et 28 buts marqués). A l’issu du 8ème match, après une victoire 6 buts à 2 face à Chacarita, le célèbre journaliste d’ « El Gráfico » , Ricardo Lorenzo Rodríguez plus connu sous le nom de Borocotó, titra son résumé du match par « Jugó como una máquina el puntero » (Le favori jouait comme une machine). En effet, les permutations des attaquants, qui affola la défense adverse, étaient réglées comme une horloge, une machine. Au delà de la quintette d’attaquants, le 2-3-5 de l’entraineur Renato Cesarini impliquait l’ensemble de l’équipe dans ce jeu offensif. Au final, River roula sur son deuxième championnat et une nouvelle Copa Ibarguren. Après quelques années moins favorables, l’équipe rempota deux nouveaux championnats en 1945 et 1947 et deux Coupes Aldao les mêmes années.

Le jeu offensif de cette équipe était porté par Juan Carlos Muñoz, José Manuel Moreno, Ángel Labruna et Félix Loustau auquel il fallait ajouter le fabuleux Adolfo Pedernera. Ils sidéraient leurs adversaires et obtinrent le surnom « los caballeros de la angustia » (les chevaliers de l’apocalypse). Puis, les jeunes Alfredo Di Stéfano (27 buts en 30 matchs de championnat) enrichit la nouvelle ligne d’attaque et gagna le surnom « La Eléctrica » (la ligne électrique).

Ce surnom marqua donc une génération de supporteurs et aurait pu disparaître saison après saison. Mais, en 2007, les journaux britanniques « Le Telegraph » et « le World Soccer Magazine » la désignèrent parmi les plus grandes équipes de tous les temps. En outre, à peine quelques années après, une nouvelle période dorée s’ouvrit pour River entre 1950 et 1957. Emmenée par les anciens de la Maquina, Ángel Labruna et Félix Loustau, la nouvelle ligne d’attaque intégra Santiago Vernazza, Eliseo Prado et Walter Gómez. Cette période se conclut par 5 championnats argentins (1952, 1953, 1955, 1956 et 1957), une Coupe Ibarguren (1952), une Coupe Eva Perón (1957) et une Coupe Aldao (1957) ainsi que par des tournées réussies en Europe et en Amérique.

#1283 – Club Puebla : Franja, Franjiazules

La bande, la bande bleue. Le maillot de l’équipe de la ville de Puebla (de Zaragoza) se distingue des autres équipes mexicaines par cette bande qui le scinde diagonalement, de l’épaule droite vers la hanche gauche. Cette particularité se retrouve sur d’autres tenues d’équipe sud-américaines comme les fameux argentins de River Plate (#900), les péruviens de Municipal (#480) et les uruguayens de Danubio (#109). Et si je cite cette similitude avec ces équipes, ce n’est pas par hasard.

Le 7 mai 1944, un groupe d’hommes d’affaires d’origine espagnole dirigé par Joaquín Díaz Laredo et Alfonso Sobero Nevares, fondait l’équipe de Puebla. Initialement, le maillot de l’équipe devait avoir deux bandes verticales, une placée sur chaque épaule. Mais, finalement, les fondateurs préférèrent placer l’équipe sous de meilleures auspices en choisissant un design qui rendait hommage à River Plate. L’équipe argentine comptait déjà un beau palmarès (6 championnats d’Argentine) mais surtout éblouissait par son jeu offensif et sa quintette d’attaquants (surnommée La Máquina).

Le maillot était donc blanc mais contrairement à River Plate, la bande était bleue. Les couleurs bleu et blanche rendaient hommage à l’artisanal traditionnel local, les Talavera. Ces céramiques principalement de couleur bleu et blanche sont des faïences émaillées de type majolique, représentant des ustensiles courants tels que des assiettes, des plats, des vases, des bols, des vases et des articles religieux. La qualité de l’argile se trouvant dans la région de Puebla favorisa le développement de cet artisanat, importé d’Espagne, à compter du XVIème siècle, au moment de la fondation de la ville.

Certains avancent également que le bleu et le blanc plaisaient au fondateur Joaquín Díaz Laredo, un homme pieux, qui vénérait la Vierge de l’Immaculée Conception. En effet, la Vierge Marie est systématiquement représentée vêtue d’une robe bleue. Cette couleur est porteuse de nombreuse signification telle que la fidélité, la justice et la spiritualité. Dans l’ancien testament, le bleu représente la fidélité du peuple d’Israël à Dieu tout comme la Vierge Marie. L’étoffe qui recouvre l’Arche d’Alliance est bleue et pour rappeler que la Vierge Marie, en ayant porté Jésus Christ, est comme l’Arche, elle serait représentée avec des vêtements bleus. Plus prosaïquement, à compter du XIIIème siècle, le bleu est la couleur des princes et nobles car le pigment bleu (dit de lapis-lazuli) était l’un des plus chers. Les tissus bleus démontraient donc la richesse et la noblesse de son porteur. L’Eglise se serait servie de cette riche symbolique pour désigner le caractère sacré de la Sainte Vierge.

Ce maillot fait donc l’identité du club et la fierté de ses supporteurs, au point, qu’il donna naissance à une expression rentrée dans le langage populaire mexicain, « Ponte la del Puebla« . Comme la bande qui divise le maillot, cette expression familière signifie le partage, dans le sens « s’il te plaît, partage avec moi ». Malgré cela, par deux fois, des tentatives furent faites d’abandonner cette histoire. En 1996, la famille Abed racheta l’équipe de Puebla et, dans le cadre d’une stratégie visant à établir une nouvelle identité, le bleu fut remplacé par l’orange. Après un an et de nombreuses protestations des supporters, le bleu revint. En 2012, sous la direction de Ricardo Henaine, Puebla changea le bleu par du rouge dans le cadre d’un conflit politique avec le gouvernement de l’État. Là aussi, le retour à la tradition fut fait rapidement.

#900 – CA River Plate : la Banda, la Banda Roja

La bande, la bande rouge. Possédant l’un des plus beaux palmarès (si ce n’est pas le plus beau) d’Argentine, le CA River Plate est connu dans le monde entier pour sa rivalité avec Boca Junior mais surtout pour son célèbre maillot blanc barré d’une bande diagonale de couleur rouge. Cette particularité que peu de club au monde affiche remonte aux premières années du club. Tout d’abord notons cette anecdote « amusante » . Le club fut créé par la fusion de deux entités rivales, La Rosales, qui s’appelait auparavant Juventud Boquense, et Santa Rosa, toutes deux issues du quartier de La Boca. Ce dernier, proche du centre de Buenos Aires et près du port, vit aussi la naissance de son rival de Boca Junior et où se situe encore son stade de La Bombonera.

River Plate naquit le 25 mai 1901, date hautement symbolique puisqu’elle marquait le 91ème anniversaire de l’indépendance de Buenos Aires et de sa région de la domination espagnole. Pour le choix du nom, les présidents de chacun des deux clubs s’étaient accordés qu’il fallait l’angliciser, afin de se rattacher à la patrie créatrice du football. Livio Ratto, le président de Santa Rosa, proposa Club Atlético Forward, les qualités d’attaque étant celles souvent appréciées. Pedro Martínez, son homologue de La Rosales, préférait Club Atlético River Plate. Ce nom lui vint suite à une visite du port où il vit des caisses qui étaient marqués « River Plate », anglicisation approximative de Río de la Plata, le fleuve et embouchure qui berce la capital argentine et dans lequel son port mouille.

Pour le maillot, la couleur blanche fut choisie, sans autre artifice. Finalement, à la fin 1904, la diagonale rouge fut cousue sur le maillot uni blanc par Catalina Salvarezza, la mère de Luis et Enrique Salvarezza, membre fondateur du CA River Plate. Lors du carnaval, cinq jeunes garçons remarquèrent à l’arrière du char Los habitantes del Infierno (les habitants de l’enfer) un ruban de soie rouge pendre. Ils le subtilisèrent mais avec l’objectif de rajouter un détail de couleur à la chemise de River Plate. Leur proposition fut adoptée. C’est ainsi que ce célèbre maillot est né.

Evidemment au côté de cette version certainement romancée existe des versions plus rationnelles. Les couleurs blanches et rouges rappelleraient celles de la ville italienne de Gênes. En effet, cette dernière hisse pour bannière la croix de Saint Georges (croix rouge sur fond blanc). Or, le quartier de La Boca abritait une grande population d’immigrés italiens qui pour beaucoup venaient de Gênes. D’ailleurs, parmi les fondateurs du club se trouvaient principalement des personnes originaires d’Italie (mais aussi une minorité de créoles et des enfants ou petits-enfants d’immigrés britanniques). Autre explication possible. La bande rouge pourrait figurer le Río de la Plata. En tout cas, ce changement intervint au moment où le club commença à se structurer et les joueurs à pratiquer le football au-delà du loisir. En effet, en 1905, le président du club, Leopoldo Bard, inscrivit River Plate à l’Association argentine de football, avec pour but de participer aux compétitions officielles.

En 1909, River Plate et d’autres clubs firent secession de la fédération pour créer un nouveau championnat. A la même époque, le club changea de maillot suite à l’absorption de Club Nacional de Floresta. « Envahi » par l’arrivée des joueurs de ce club, les membres originaux de River tels que Bernardo Messina et Enrique Zanni eurent peurs de perdre leur identité et résistèrent en concédant quelques changements à leur maillot (mais en conservant le rouge et le blanc). Ainsi, la chemise devint composée de rayures verticales blanches et rouges, encadré de noires. Ceci dura jusqu’en 1932, au même moment où le football argentin passa au professionnalisme. Depuis, la diagonale rouge ne quitta plus le maillot de River Plate. En 1986, le président Hugo Santilli décida d’ajouter un lion sur le maillot du club et de supprimer la bande rouge uniquement dans le dos des joueurs. Cette décision déclencha la fureur des supporteurs. Toutefois, le club entama une période riche en trophée avec une Copa Libertadores (1986), un titre de champion d’Argentine (1986), une Coupe Intercontinentale (1986) et une Copa Interamericana (1987). Mais, en 1989, le nouveau président, Alfredo Davicce revint au maillot classique. Certes, le club remporta plusieurs titres nationaux mais connut une disette internationale pendant 10 ans.

#238 – CA River Plate : los Millonarios

Les millionaires. Ce surnom est hérité de la politique de transfert onéreuse menée par le club dans les années 1930. En 1931 le professionnalisme débarqua dans le football argentin. River Plate n’était pas encore à cette époque l’une des plus grandes équipes d’Argentine et prit alors totalement le virage du professionnalisme. Il réalisa le premier important transfert de l’époque en recrutant Carlos « Barullo » Peucelle au Sportivo Buenos Aires en échange de 10 000 pesos, une somme spectaculaire pour l’époque. Le club termina à la 3ème place du championnat, tandis que Boca devenait champion. L’année suivante, River passa la vitesse supérieure en dépensant trois fois plus pour acquérir Bernabé Ferreyra, en provenance de Tigre, établissant un record à 35 000 pesos. Il acheta aussi Juan Arrillaga, de Quilmes, en échange de 22 000 pesos ainsi que Alberto Cuello, de Tigre pour 17 500 pesos. Au total, River dépensa 105 000 pesos et le seul transfert de Ferreyra représentait à lui seul à cette époque 11 voitures ou 514 costumes anglais en cachemire ou 516 000 kilos de blé ou 5 600 paires de chaussures Harrods ou 70 000 billets pour assister à un match de football (selon le journal Caras y Caretas). Cette stratégie porta ses fruits, le club remportant son premier titre de champion cette année-là. A l’intersaison 1933, River Plate recruta au CA Talleres le gardien Ángel Bossio pour 30 000 pesos. En 1935, le club termina cette période en payant 37 500 pesos pour José María Minella, un milieu de terrain de Gimnasia y Esgrima La Plata. Avec tant de dépenses, le club gagna 3 autres championnats ainsi que divers trophées. Cette stratégie de dépense se coupla avec une politique de formation. Plusieurs jeunes joueurs purent éclore dans cette équipe de stars tels que José Manuel Moreno, Adolfo Pedernera et Renato Cesarini.

Le surnom aurait été donné par le célèbre chroniqueur sportif, Hugo Marini. Dans les années 1930, alors que les réseaux sociaux et télévision n’existaient pas et que la radio en était encore à ses premiers balbutiements, la presse écrite disposait d’un immense pouvoir pour accompagner l’explosion de la popularité du football en Argentine. Par ses chroniques drôles et hyperboliques, Hugo Marini, journaliste à « Crítica », en fut l’un des plus importants représentants. Sa chronique « el Sport de cada día » était particulièrement lu et immortalisait un grand nombre d’expressions populaires et surnoms pour le ballon rond. Et dans les journaux, les caricatures de River représentaient un gros monsieur joufflu en queue de pie agitant des billets de banque.

#109 – Danubio FC : la Franja

La bande. Le maillot blanc du club uruguayen affiche une bande noire qui démarre sur l’épaule gauche et finit en diagonale sur l’aine droite. Tout d’abord, avant la fondation du Danubio, une première tentative de club fut réalisée en 1930, connu sous le nom de Tigre. Chaque joueur apporta un maillot blanc, sur lequel María Mincheff de Lazaroff (dont deux des enfants, Mihail (Miguel) et Ivan (Juan), comptaient dans l’équipe) cousit un détail noir au niveau du cœur. En 1932, une nouvelle tentative fut lancée et donna naissance au Danubio FC. Pour financer le premier jeu de maillot, les fondateurs eurent l’idée d’organiser une tombola. Alcides Olivera, frère aîné de deux des fondateurs, acquit 10 billets de tombola, à condition que les maillots soient identiques à ceux du club des Wanderers Montevideo, dernier champion amateur d’Uruguay en 1931. Ainsi, le maillot du club fut rayé noir et blanc.

Mais, en 1936, lors d’un tournoi organisé par la Liga Parque Rodó, l’organisateur exigea que le club changea de maillot car il ressemblait trop à celui d’une autre équipe (Universal Ramírez). Sans vouloir changer les couleurs, la solution fut trouvée par un joueur de l’équipe, Alfredo López, qui déclara « hagámosla como la de River argentino pero con la banda negra » (Faisons-le comme le club argentin de River Plate mais avec une bande noire). La diagonale noire apparut donc sur le maillot blanc et fut le marqueur du club. Pendant quelques années après, le maillot rayé noir et blanc continua d’être utilisé. Puis, en 1942, le club changea de tenu et adopta définitivement la diagonale noire. En 1967 et en 1968, pour une raison inconnue, la diagonale apparaissait bien sur le maillot mais elle démarrait de l’épaule droite pour finir sur l’aine gauche (l’inverse de la direction traditionnelle).

#46 – CA River Plate : las Gallinas

Les poules. Ce surnom n’est pas flatteur pour River Plate mais il existe depuis 1966 et la campagne en Copa Libertadores. La compétition débuta bien, le club terminant premier de sa poule qui incluait son grand rival de Boca Junior. Sur 10 matchs, River en remporta 8 (pour un nul et une défaite). En seconde phase, River fut versé dans un nouveau groupe où il retrouvait Boca Junior. Outre son rival, le club argentin d’Independiente, tenant du titre, et les paraguayens de Guaraní composaient également ce groupe relevé. Là encore, River sortit premier du groupe et accéda à sa première finale de Libertadores. En finale, les uruguayens de Peñarol se dressaient devant River. Peñarol avait déjà gagné les deux premières éditions de la Copa en 1960 et 1961 et était le finaliste malheureux de la précédente saison. Le 14 mai 1966, River perdit le premier match 2 buts à 0. Mais, 4 jours plus tard, River réussit à égaliser en gagnant le second match à domicile 3 buts à 2. Il fallait donc organiser un troisième match pour départager les deux clubs. Le 20 mai 1966, River Plate joua donc le match d’appui au Estadio Nacional à Santiago du Chili. Suite aux buts de Daniel Onega (28ème minutes) et Jorge Solari (42ème), le club argentin menait 2 à zéro au bout de la première mi-temps et la coupe lui tendait les bras. Mais, l’équipe céda mentalement et le Peñarol égalisa en seconde période en 6 minutes. Puis, lors de la prolongation, Peñarol mit deux buts supplémentaires et remporta la Copa Libertadores.

Au match suivant, en championnat d’argentine, River Plate rencontra Banfield. Les supporteurs de ce club lancèrent sur le terrain une poule blanche avec une bande rouge peinte (représentant le maillot de River) censé symboliser la peur de l’équipe de River lors de la finale de Copa Libertadores.

Cette finale de Copa Libertadores match était le « paroxysme » d’une période difficile sportivement pour River. Malgré de bons joueurs tels que les frères Onega, José Ramos Delgado, Juan Carlos Sarnari, le Brésilien Delém, les uruguayens Roberto Matosas et Luis Cubilla, José Varacka, Luis Artime, Vladislao Cap et Oscar Más, River ne remporta aucun championnat dans les années 60. Au mieux, il terminait finaliste et perdait le titre de peu. Comme en 1962, où le gardien de Boca Antonio Roma arrêta le pénalty de l’attaquant de River, Delém, à l’avant-dernière journée du championnat. River termina second derrière Boca. En 1965, River finit second derrière Boca Junior tout comme en 1966, derrière le Racing. Cette disette dura de 1957 jusqu’en 1975.