#499 – Juventus Turin : la Vecchia Signora

La vieille dame. L’attribution de ce surnom remonterait aux années 1930. Si l’explication la plus logique et souvent avancée concerne le fait que la Juventus est l’un des doyens, d’autres origines existent également.

Si des jeux similaires au football ont été pratiqué en Italie avant le XIXème siècle, la variante moderne (et connu aujourd’hui) aurait été introduite en Italie dans les années 1880 par un ouvrier marchand de l’industrie textile britannique, Edoardo Bosio. Ce dernier avait visité l’Angleterre (il travaillait dans l’ usine textile Thomas & Adams à Nottingham) et découvert le football. Revenu à Turin, il diffusa le football dans son pays natal, en créant le club du Torino Football and Cricket Club en 1887. Turin était donc le berceau du calcio. Un autre club turinois suivit en 1889, Nobili Torino. Les clubs se multiplièrent alors dans la capitale piémontaise (FBC Torinese en 1894) mais également dans les autres villes marchandes du nord-ouest italien, ayant tissé des liens commerciaux avec l’Angleterre (Genoa CFC en 1893). Fondé à l’automne 1897, la Juventus n’est donc pas le plus ancien club de Turin et de la péninsule italienne mais la plupart des clubs plus anciens disparurent rapidement après leur création. Finalement, des clubs nés avant la Juventus, il ne reste aujourd’hui que le Genoa. Cette « vieille dame » saluerait donc son ancienneté.

Club certainement le plus supporté en Italie, son emprise sur le football italien suscita également de la jalousie et les adversaires ne manquèrent pas de se moquer. Ainsi, « vieille dame » pourrait aussi être un jeu de mot avec le nom du club. En effet, Juventus signifie en latin « jeunesse » et donc l’attribution du sobriquet vieille serait ironique.

Par ailleurs, de 1930 à 1935, la Juventus remporta 5 titres d’affilé de Champion d’Italie. Pour ce faire, la direction fit confiance à des anciens, ie des joueurs trentenaires, du nom de Gianpiero Combi, Virginio Rosetta, Umberto Caligaris, Giovanni Vecchina, Luis Monti et Raimundo Orsi. Cette équipe de « vieux » aurait donc inspiré le surnom.

Enfin, en 1923, la famille Agnelli, propriétaire du constructeur automobile FIAT, basé à Turin, racheta le club de la Juventus. À cette époque, la classe ouvrière appelait l’élite et les hommes d’affaires riches du pays « vecchios signores » (les vieux monsieurs) et pour cette raison, la Juventus qui appartenait à la famille bourgeoise Agnelli hérita de ce surnom. Mais, ce surnom est féminisé, comme d’ailleurs de nombreux sobriquets de la Juventus. La raison est simple. Le football dans les années 20 et 30 étaient une affaire d’hommes. Les supporteurs de la Juve aimait alors tellement le club que ce dernier était devenu en quelque sorte leurs moitiés, leurs amantes. C’était leur femme .

Ce surnom de Vieille Dame est parfois moqué par les supporteurs adverses puisque dans différentes régions d’Italie, les femmes qui possèdent des bordels et des clubs d’hôtesses sont connues sous le nom de « vecchias signoras » .

#393 – CA Tucumán : el Decano

Le doyen (parfois résumé en Deca). A 1 200 km au Nord-Ouest de Buenos Aires se dresse la ville de San Miguel de Tucumán, principale cité du Nord de l’Argentine, avec plus de 500 000 habitants. Deux clubs rivaux se disputent la suprématie de la ville, voire la tête du Nord du pays : CA Tucumán et CA San Martin. Les deux clubs virent le jour au début du XXème siècle. Mais, entre les deux, le CA Tucumán demeure l’ainé, fondé le 27 septembre 1902, tandis que le CA San Martin naissait 7 ans plus tard, le 2 novembre 1909. Le CA Tucumán est donc le doyen de la ville de San Miguel de Tucumán mais également de la région et du Nord du pays. Le football apparût en Argentine au milieu du XIXème siècle avec l’immigration britannique. Le premier match fut organisé par les frères Thomas et James Hogg en mai 1867, ce qui permit l’éclosion du premier club argentin, le Buenos Aires Football Club. Mais, la popularité du football se limita à la communauté britannique qui n’appréciait pas non plus de partager sa passion sportive avec le bas peuple argentin. En 1869, l’Anglais Isaac Newell débarqua dans la ville de Rosario, apportant dans ses affaires un ballon de football et les règles du jeu. En 1884, il fonda un collège où ses étudiants commencèrent à pratiquer le football. Dans les mêmes années, l’écossais, Alejandro Watson Hutton, considéré comme le père du football argentin, initia ses élèves de collèges privés britanniques en Argentine à la pratique du football. Mais, ce fut l’expansion du chemin de fer, porté par des compagnies britanniques avec des ouvriers et ingénieurs du Royaume-Uni, qui soutint le développement dans tout le pays. En 1891, la première fédération argentin, sous le nom de The Argentine Association Football League, vit le jour. Malgré une existence éphémère, elle organisa le premier championnat officiel. Deux ans plus tard, le 21 février 1893, Hutton fonda la ligue définitive, la Asociación del Fútbol Argentino. Avec cette organisation, les premières années du XXème siècle virent une énorme augmentation du nombre de clubs en Argentine. En 1907, on dénombrait déjà 300 clubs. Donc, en 1885, Samuel Kelton obtint du gouvernement provincial de Tucumán la construction d’une ligne ferroviaire de 142 kilomètres de San Miguel de Tucumán à La Madrid. En 1886, la compagnie ferroviaire Ferrocarril Noroeste Argentino fut fondée pour mener à bien cette concession dont les travaux s’achevèrent en 1889. Les britanniques de la compagnie pratiquèrent le football sur un terrain situé derrière la gare, encourageant alors les étudiants des différents collèges à faire de même (sous la houlette du professeur José Fierro). Une première ligue, sous le nom de l’Unión, organisa les matchs entre les étudiants de la ville de 1901 et 1905. Le premier club de la ville fut le CA Normal, fondé par des étudiants de l’Ecole Normal en 1893. Il fut rapidement dissout. Mais, le corpus de ce club se retrouva quelques années plus tard dans un manoir situé au 139 rue Virgen de la Merced. Agenor Albornoz (qui fut nommé premier président), José Fierro, Tomás Barber, Manuel Pérez et Federico Rossi signèrent l’acte de fondation du CA Tucumán le 27 Septembre 1902.

#271 – Iraklis Salonique : Γηραιός

Le doyen. Le club d’Iraklis prend ses racines au sein de l’association Omilos Filomouson (le club des amis de la musique). Fondée en 1899, cette association était d’abord un club de lettres et de musique. Mais, ses membres se laissèrent séduire par les sirènes des nouveaux sports à la mode, tels que le football, la natation et le cyclisme, et fondèrent une section football. Le premier match eut lieu le 23 avril 1905 contre une équipe de la diaspora européenne présente en ville. L’équipe grecque remporta ce match 3-0. Malgré la victoire, la section football connut des difficultés financières. Et en 1908, Omilos Filomouson et Olympia unirent leurs forces pour créer l’Iraklis. Résultat, aujourd’hui, Iraklis est le plus ancien club de la ville et même l’un des plus anciens clubs de sports en Grèce.

#146 – Panionios Athènes : Ιστορικός

L’historique. L’origine la plus lointaine du Panionios est le club fondé par la communauté grec d’Izmir, en Turquie actuel. En effet, le 14 septembre 1890, des jeunes des éminentes familles grecques de Smyrne (Izmir) décidèrent de créer une association dénommée « Ορφεύς Σμύρνης » (Orphée de Smyrne) dans le but d’éduquer ses membres à la musique et la gymnastique. En 1894, certains membres d’Orphée férus de sport formèrent une organisation distincte, Γυμνάσιον Σμύρνης (Gymnasium Club), et créèrent la véritable première équipe de football à Smyrne en 1895. En 1898, ces deux associations fusionnèrent pour donner naissance à Panionios. Ce dernier poursuivit l’oeuvre de ces deux prédécesseur qui visait à promouvoir l’éducation culturelle et sportive de la communauté grecque de Smyrne (Izmir) dans l’Empire Ottoman afin de défendre l’identité grecque. Panionios organisait des championnats ouverts à tous et donna l’impulsion à l’Etat pour rendre obligatoire la gymnastique dans les écoles. Mais, en 1922, après une guerre de 3 ans entre la Grèce et la Turquie, la Grèce perdit la guerre et certains territoires. Cette défaite entraîna aussi un grand échange de population : 1 300 000 Grecs de Turquie émigrèrent vers la Grèce tandis que 385 000 Turcs quittèrent la Grèce pour la Turquie. Arrivée en Grèce en 1922, ces grecs de Turquie se retrouvèrent en créant des associations culturelles et sportives, telles que l’AEK Athènes et le PAOK Salonique (cf articles #74, #118 et #234). Si la plupart furent de nouvelles associations, les membres de Panionios s’installèrent à Athènes et poursuivirent l’oeuvre débutée en 1890. Cette continuité fait qu’aujourd’hui, le Panionios est le doyen des clubs de football grec et donc le club historique.

#139 – Royal Antwerp FC : the Great Old

Le grand ancien. Le Royal Antwerp est reconnu comme le doyen des clubs de football belge, sa création remontant à 1880. Les expatriés anglais des installations portuaires et des sociétés alentours importèrent différents sports dont le cricket, le tennis, l’athlétisme, le football et le rugby. En 1880, l’Antwerp Athletic Club fut créé, les membres pratiquant indifféremment ces sports. Généralement, le cricket et le tennis étaient des sports d’été, tandis que le rugby et le football étaient principalement pratiqués en hiver. Le football ne prit vraiment pied qu’en 1887 au sein de cette structure. En effet, il semble que les membres aient d’abord joué au football-rugby avant d’adopter le football-association (ie le football actuel) à la fin des années 1880 pour affronter des équipes néerlandaises et les nouvelles formations qui apparaissent à Bruxelles et à Liège. Si certains sports (le cricket) disparurent, faute d’intérêt, d’autres (comme le football) se structurent et s’émancipèrent. Ainsi, en 1892, l’Antwerp Athletic Club disparut mais sa section football, déjà connue comme Antwerp FC et disposant de ses propres ressources, vola de ses propres ailes.

En 1895, le club participa à la création de la fédération de football belge (URBSFA) avec 9 autres clubs (Brugsche FC (fondé en 1891), Racing FC (1891), FC Liégeois (1892), Union FC (1892), Brussels FA Club (1892), Léopold FC (1893), Ixelles FC (1894), Verviers FC (1894) et Athletic & Running Club de Bruxelles (1895)) ainsi que la même année, au premier championnat de Belgique. En 1926, la fédération belge, qui était en concurrence avec d’autres ligues, décida d’attribuer des matricules à ses membres, afin honorer leurs histoires et institutionnaliser/organiser leur appartenance à cette fédération. Le 21 décembre 1926 fut donc publié dans le journal « La Vie Sportive » la première liste des clubs immatriculés à l’URBSFA et le Royal Antwerp se vit attribuer le matricule « 1 », car plus ancien membre et doyen des clubs. Ceci donna un prestige supplémentaire au club anversois. Pour autant, d’autres clubs avait vu le jour avant 1880, notamment à Bruxelles, mais il avait disparu avant 1926. En outre, la création du système de matricule émana certainement de la tête d’Alfred Verdyck, qui fut entraîneur et dirigeant de l’Antwerp. Il ne serait pas étonnant que son idée le séduit car elle procurait une certaine aura à son club de cœur. Et ce symbole est si fort que le club affiche le chiffre « 1 » sur son écusson.

#124 – Hambourg SV : der Dino

Dino est le diminutif de Dinosaure et il exprime la longévité du club. Sa fondation remonte à 1887 par la fusion de deux clubs, ce qui en fait l’un des plus anciens clubs allemands. Toutefois, le titre de doyen est revendiqué par le BFC Germania 1888 pourtant fondé en 1888. En fait, en 1887, le nouveau club de Hambourg fut dénommé SC Germania et se concentrait sur l’Athlétisme, la section football se créant qu’en 1891. En réalité, la longévité mise en avant par ce surnom est liée à sa présence continue en Bundesliga. Le club fit parti des membres fondateurs du championnat allemand en 1963 et fut le seul pensionnaire de première division présent de sa création jusqu’à la fameuse saison 2017-2018, où le club descendit pour la première fois en seconde division. Ainsi, Hambourg détient le record de longévité en Bundesliga avec 54 ans et 261 jours.

#112 – Sheffield FC : the Club

Le club. Contrairement au HJK Helsinski (cf article #107), ce surnom ne provient pas de l’incroyable palmarès du club. En effet, ce dernier n’a remporté principalement que des titres régionaux (une FA Amateur Cup est le seul titre majeur du club). Il n’est même jamais parvenu à se hisser au delà des ligues régionales. Même localement, le club ne fit jamais le poids face à ses deux rivaux, Sheffield United et Sheffield Wednesday, qui eux connurent la Premier League et remportèrent des titres nationaux.

Etrange donc d’être surnommé LE club. Cette reconnaissance est liée à l’ancienneté du club car ce dernier a été fondé le 24 octobre 1857. La pratique du football débuta en 1855 au sein d’un club de cricket de Sheffield. Comme pour de nombreux clubs de cricket, avec la fin de l’Eté, la saison cessait car les conditions n’étaient plus réunies en Automne et en Hiver pour avoir un terrain praticable. Les membres des clubs recherchaient donc un divertissement pour rester en forme et garder la cohésion de l’équipe. Le football semblait être une excellente activité pour cela. Seulement au milieu du XIXème siècle, les règles du football n’étaient pas encore unifiées (il existait le code de Cambridge mais Sheffield jouait différemment) et la pratique sportive des membres de Sheffield était éloigné du sport que nous connaissons aujourd’hui. Il n’empêche que cette activité footballistique plaisait et se développa au sein du club de Sheffield et deux joueurs, Nathaniel Creswick et William Prest, créèrent donc une nouvelle association spécifique le 24 octobre 1857 à Parkfield House dans le quartier d’Highfield à Sheffield. Jusqu’en 1878, le club pratiqua le football selon les Sheffield Rules puis il se rangea aux règles générales édictées et promues par la fédération.

Aujourd’hui, avec plus de 160 années d’existence, il apparaît comme le plus ancien club existant de football au Monde. En 2004, cette ancienneté lui a valu d’être distingué par la FIFA avec la FIFA Order of Merit. Il est le seul club avec le Real Madrid à avoir cette honneur. En 2007, lors des célébrations de ses 150 ans, le Sheffield FC accueillit l’Inter Milan lors d’un match auquel Pelé assista. Alors, même si la réputation du club ne dépasse pas Coach and Horses Ground, son stade, longue vie à LE CLUB.

#63 – Club Olimpia : Decano

Le doyen. Il est facile de comprendre la signification de ce surnom. En étant créé le 25 juillet 1902, le Club Olimpia est le plus vieux club de football du Paraguay. En outre, il fut fondé par un groupe d’amis pratiquant ce sport dont le néerlandais, William Paats, qui est considéré comme le père du football au Paraguay. Ce dernier vivait au Paraguay depuis 1894 après un passage dans la capitale argentine. Etant notamment éducateur sportif, il se passionna à promouvoir auprès des jeunes paraguayens la pratique des nouveaux sports venant d’Europe, dont le football. La légende veut qu’il emporta de Buenos Aires dans ses bagages un ballon de football qui fut exposé puis servi à faire des démonstrations dans divers lieux du pays. D’autre version estime que ce sont les cheminots anglais qui l’importèrent. Quoiqu’il en soit, il fut un grand promoteur du développement du football au Paraguay. En effet, il organisa le premier match de football au Paraguay, le 23 Novembre de 1901, à Asunción qui opposa deux équipes composées des élèves de l’Escuela Normal de Maestros (l’Ecole de formation des enseignants). Puis, il fut donc le fondateur du premier club de football au Paraguay. Enfin, il participa à la création de l’Asociación Paraguaya de Fútbol (l’institution chargée de promouvoir, d’organiser et de réglementer les compétitions de football), dont il fut président entre 1909 et 1910. Avec une telle paternité, le Club Olimpia ne peut être qu’el Decano.