Le club de Osagyefo (chef victorieux). Ce club ghanéen connut une brève existence de 1961 à 1966 mais, pourtant, il fut le fer de lance du football ghanéen et l’icone de la vision politique du président du pays, Kwame Nkrumah. Remontons en 1957, année où la Gold Coast, nom colonial du Ghana, obtint son indépendance de l’emprise britannique. L’un des leaders qui permit ce résultat était Kwame Nkrumah qui devint logiquement président du pays en 1960. Mais, l’indépendance du Ghana, premier Etat subsaharien à l’obtenir, n’était qu’une étape dans l’ambition de Kwame Nkrumah. En effet, conscient de la faiblesse du nouvel état, morcelé entre différentes ethnies, face aux grandes puissances, Kwame Nkrumah milita pour une vision transfrontalière de l’ensemble du continent africain (panafricanisme). Son Ghana se devait à la fois de s’élever au-delà de ses différents peuples mais également devenir l’élément fédérateur d’une Afrique unie et solidaire. Le sport apparaissait comme un catalyseur pour promouvoir cet objectif. En particulier, Nkrumah considérait le football africain indépendant comme un symbole de la libération du continent de la domination coloniale et la démonstration de l’unité africaine. Kwame Nkrumah fit donc de l’équipe nationale du Ghana le porte-voix du continent africain.
Sur le plan local, Kwame Nkrumah et son ministre des sports, Ohene Djan, œuvrèrent pour fonder un nouveau « super » club pour renforcer le sentiment nationaliste. Pour cela, ce club, qui fut nommé Real Republicans (inspiré par le grand Real Madrid), se devait de représenter l’ensemble du Ghana et donc ne pas être rattaché à une ethnie particulière (comme les autres associations sportives du pays). Pour faciliter l’identification de tous les ghanéens, quelque soit leur région d’origine, avec le nouveau club, la direction avait la bénédiction du gouvernement pour piller les autres équipes (choix de deux joueurs dans chacune des autres équipes du championnat) pour constituer la sienne et naturellement elle ne se priva pas de prendre les meilleurs (d’autant plus que ces recrutés ne pouvaient pas refuser l’offre sous peine de représailles par le gouvernement). Ainsi favorisé par Kwame Nkrumah qui se faisait appeler Osagyefo, le Real Republicans se vit affublé de ce surnom qui devint même le second nom du club.
Les résultats ne se firent pas attendre avec un titre de champion en 1963 et 4 coupes du pays d’affilée (de 1962 à 1965). Les athlètes du club étaient traités comme des rois et avaient un accès illimité au président. Mais, ces privilèges accordés au Real Republicans traduisaient aussi la dérive autoritaire de Kwame Nkrumah dans l’exercice du pouvoir (arrestation des opposants, censure de la presse, contrôle de la justice, culte de la personnalité). Tant au niveau politique que sportif la colère monta contre Kwame Nkrumah (les clubs historiques dépouillés chaque année de leurs meilleurs éléments menacèrent régulièrement de boycotter le championnat). Résultat, le 24 février 1966, alors en voyage en Chine, Kwame Nkrumah fut renversé par un coup d’état militaire qui ne rencontra aucune résistance. Totalement identifié à son créateur et supporteur, le Real Republicans fut immédiatement dissout après le renversement de Kwame Nkrumah.