#1341 – Jamshedpur FC : लौह पुरुष

Les hommes d’acier. Au début du XXème siècle, Jamshedpur s’appelait Sakchi et demeurait un petit village, habité par les tribus Bhumij et Santhal. A cette époque, le futur conglomérat indien Tata se concentrait dans les activités de production de coton mais son fondateur, Jamshedji Nusserwanji Tata, avait quatre ambitions : créer une entreprise sidérurgique, construire un hôtel emblématique, fonder un établissement d’enseignement de renommée mondiale et développer l’énergie hydroélectrique. La légende raconte qu’il souhaitait construire une aciérie car il aurait entendu Thomas Carlyle, l’influent philosophe écossais de l’époque victorienne, déclarer lors d’une conférence à Manchester que « the nation which gains control of iron soon acquires the control of gold » (la nation qui prend le contrôle du fer acquiert bientôt celui de l’or).

Il recruta un géologiste et, en Avril 1904, il envoya son fils, Dorabji Tata, voyager en Inde pour identifier un site riche des différentes ressources nécessaires à l’établissemet d’une usine sidérurgique, ie principalement du fer, du charbon, du calcaire et de l’eau. Il découvrit l’endroit idéal à Sakchi qui se situait au point de confluence de deux importantes rivières, Subarnarekha et Kharkal, qui, outre une eau de bonne qualité, offraient également des reserves importantes de sable. En outre, la région possédait d’immenses ressources minérales (parmi les plus importantes du pays), dont du minerai de fer, du charbon, du minerai de cuivre ou du calcaire. Tata décida d’y établir Tata Iron and Steel Company, le 26 août 1907, connue aujourd’hui sous le nom de Tata Steel. La construction de l’usine débuta dès 1908 et le premier lingot d’acier sortit de l’usine le 16 février 1912. Il s’agissait de la première usine sidérurgique d’Asie.

Renommée Jamshedpur, en l’honneur de Jamshedji Nusserwanji Tata, Sakchi se transforma en une ville dédiée à l’acierie, au point qu’elle est surnommée « Steel City » (la ville d’acier). Aujourd’hui, située au centre-ville, l’usine occupe environ un cinquième de la superficie de la cité et produit en 2023 près de 11 millions de tonne d’acier par an. L’entreprise employait autrefois près de 60 000 personnes à Jamshedpur et dans les mines environnantes mais avec l’automatisation, le nombre de collaborateurs a fortement décru. La ville étant dédiée à l’acierie de Tata, le club de football en est une émanation et son écusson présente un ballon sur lequel se déverse de l’acier en fusion (ou le ballon provient de cette acier en fusion).

#1208 – Bengaluru FC : the Blues

Les bleus. Le football indien a du mal à se développer dans un pays dominé par un sport très britannique et confidentiel pour bon nombre de pays, le cricket. Mais, des initiatives sont régulièrement lancées pour tenter de replacer l’Inde dans le concert sportif mondial et plus universel. Ainsi, en 1996, un championnat national amateur, la I-League, qui adopta le professionnalisme en 2007. En 2013, une nouvelle ligue privée et fermée fit son apparition, sous le nom d’Indian Super League, et concurrença directement la fragile I-League. La même année, la société JSW décida de créer sa franchise de football dans la ville de Bangalore. En Juillet 2013, le Bengaluru FC naissait et remportait la I-League dès sa saison inaugurale.

Fondé en 1982, JSW est un l’un des plus puissants conglomérats indiens, enregistrant un chiffre d’affaires de plus de 22 milliards d’euros et agissant dans la production d’acier, d’énergie, de ciment, de peinture ainsi que le développement et la gestion d’infrastructure. En 2012, JSW fondait sa structure dédié au développement du sport indien. Le fait qu’il s’intéresse au football donnait naturellement un coup de projecteur sur la discipline et des moyens financiers et d’organisation considérables pour la nouvelle équipe. Ayant la volonté d’avoir un conglomérat unifié et défendant les mêmes valeurs, l’ensemble des sociétés du groupe adoptèrent une image, une marque commune. Le club de football n’y échappa pas et repris les couleurs de son actionnaire et sponsor, principalement le bleu (nuancé par du rouge).

#1073 – Kerala Blasters FC : the Tuskers

Les éléphants. Né en 2014 avec la création de la nouvelle ligue de football indienne, ISL, le club de l’Etat du Kerala, qui réside dans la capitale Kochi, ne reçut pas pour surnom son nom (Blasters). A sa fondation, l’un des principaux actionnaires du club était Sachin Tendulkar, légende vivant du cricket indien et mondial. Considéré comme l’un des meilleurs batteurs de l’histoire du cricket, son surnom est « Master Blaster » (maître artificier) et lorsqu’il fallut choisir le nom de l’équipe, il déclara « People call me Master Blaster… One can say there is possible association » (Les gens m’appellent Master Blaster … Une association doit être possible).

Pour le blason du club, les discussions allèrent vite également. La volonté de Sachin Tendulkar et de son associé, l’entrepreneur Prasad Potluri, était de réunir sous leur bannière la ville de Kochi et tout l’Etat de Kerala. Ainsi, le choix du blason et des couleurs se portèrent sur des symboles forts de l’Etat. Avec un éléphant tenant dans sa trompe un ballon de football, l’écusson reflète l’héritage culturel de Kerala et son attachement profond au football. L’éléphant est l’animal symbole de l’Etat de Kerala. Tout d’abord, le pachyderme est une espèce spécifique et endémique de la région, dénommé éléphants indiens (Elephas maximus indicus). Outre une importante population d’éléphants sauvages (5 706 dénombrés en 2018 sur une population d’éléphant d’Asie en Inde de 30 000 individus environ), le Kerala compte plus de 700 éléphants captifs. Mais, son importance dans l’identité de l’Etat ne repose pas seulement sur sa présence. En effet, il tient un rôle particulier dans la culture de la province. Le temple hindou de Guruvayur abrite plus de 60 éléphants dans un temple annexe (le seul dédié à des éléphants) qui demeurent au cœur des rites du temple. De même, les églises catholiques de l’Etat sont richement décorés d’éléphants (portes et piliers). Des éléphants participent à quasiment toutes les processions et festivals de l’Etat, portant notamment les divinités. Les éléphants figurent aussi dans de nombreux poèmes et légendes du Kerala. Ainsi, dans l’ « Aitihyamala » de Kottarattil Sankunni, chacun des 8 tomes qui composent l’oeuvre se conclut par une histoire avec un éléphant. Le poème « Sahyante Makan » de Vyloppalli Sreedhara Menon appelle les éléphants, les « fils du Sahyadrī » (la chaîne montagneuse Ghats occidentaux). Enfin, l’Etat abrite le sanctuaire et centre de réhabilitation des éléphants de Kottur, dans le district de Thiruvananthapuram, le premier et le plus grand centre de soin des éléphants d’Inde.

Evidemment, en tant que symbole de l’Etat, l’éléphant figure sur les armoiries du gouvernement de l’État du Kerala. En cela, elles s’inspirent des armes des anciens royaumes de Travancore et de Cochin, qui couvraient une grande partie de l’Etat. Le pachyderme apparaît donc sur le blason du club de football. Il représente le lien fort avec l’Etat et son identité mais il permet également de véhiculer pour l’équipe un sentiment d’unité, de puissance et de fierté. Enraciné dans sa famille et sa communauté, l’humble éléphant, comme le dit le club, met en valeur l’aspiration et l’esprit des Kerala Blasters.

#840 – ATK Mohun Bagan FC : দ্য মেরিনার্স

Les marins. Parmi les géants de la planète (en termes de population), l’Inde est le dernier à ne pas avoir totalement succombé au football-roi. Bien qu’elle reste encore un nain au niveau planétaire, la Chine tente depuis une vingtaine d’année de faire émerger une équipe nationale digne de ce nom et un championnat qui compte sur le continent. Les Etats-Unis avaient entamé le virage quelques années auparavant et la greffe de la MLS semble avoir pris. Du côté de l’Inde, le football demeurait un parent pauvre. Il faut dire qu’au pays du cricket, difficile de se faire une place. Mais, l’Inde n’est pas hermétique à ce sport populaire et, en 2013, un nouveau championnat national, l’Indian Super League, sur le modèle de la MLS américaine, essaye de faire aimer le football au plus grand nombre. Pour l’instant, ce championnat demeure encore très exotique. Pour le rendre populaire, les nouveaux clubs ont attiré des stars du ballon rond. Toutefois, ces mercenaires ou missionnaires étaient déjà des retraités (ce fut la même chose pour la MLS et la CSL à leurs débuts mais avec des footballeurs moins âgés tout de même) et après l’euphorie des débuts, peu aujourd’hui tentent cette aventure. En 2020, un évènement eut lieu avec la fusion d’une des principales franchises de l’ISL, l’ATK, avec l’un des clubs de football historique du pays, Mohun Bagan FC. Peut-être un premier pas vers une normalisation de la ligue et l’unification du football indien.

Alors que l’ATK s’était aligné sur les symboles de son partenaire européen, l’Atlético Madrid, le nouveau club, ATK Mohun Bagan FC, reprit tous les symboles de l’association sportive historique, pour bénéficier de sa réputation et plus facilement instaurer un lien avec la nouvelle structure. Fondé en 1889, Mohun Bagan était plus qu’un club sportif pour les indépendantistes, surtout après la victoire de l’équipe face aux anglais du East Yorkshire Regiment en 1911. Elle était alors la première équipe indienne à remporter l’IFA Shield et alors que les joueurs indiens avaient joué pied nus face à des anglais équipés normalement. Après l’indépendance, le club avait perdu ce symbole nationaliste pour devenir le garant de la tradition et de l’élite de Calcutta.

Mais, revenons à l’essentiel de cette article : le surnom du nouveau club. ATK Mohun Bagan FC reprit donc les couleurs de Mohun Bagan (vert et marron), l’écusson (montrant un marin et son voilier) et hérita donc du surnom de marins. Mohun Bagan fut fondé dans le nord de Calcutta, dans une villa dénommée Mohun Bagan (ce qui donna le nom du club) le 15 août 1889. Ce quartier se trouvait près des rives du Hooghly, branche occidentale du Gange, où circulait de nombreux bateaux. A la fin du XIXème siècle, Calcutta était l’un des plus grands centres commerciaux de l’Inde britannique, notamment en raison de ses voix navigables qui favorisaient les échanges. Ainsi, le club s’identifia avec les marins de la ville.