Les noirs. Avant 1994, ce club croate représentait paisiblement un quartier de Zagreb. Fondé en 1975, en tant que NK Trnsko 75 (Trnsko étant un des quartiers de Novi Zagreb), il demeura sous ce nom pendant un an avant d’être rebaptisé ONK Novi Zagreb, et en 1990 uniquement NK Novi Zagreb. L’équipe évoluait en bleu ciel dans les ligues inférieures. Puis, en 1991, la dislocation du régime communiste yougoslave, qui avait maîtrisé les nationalismes, exacerba les idées indépendantistes. Serbes, Croates, Slovènes, Bosniaques se livrèrent une guerre ethnique qui dura 10 ans, de 1991 à 2001. Pour la Croatie, cette guerre d’indépendance démarra en 1991 pour se conclure en 1995 et fit ressurgir la nationalisme d’extrême droite, symbolisée par les Oustachis.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Oustachis, (Ustaše en croate qui signifie les insurgés), étaient un mouvement indépendantiste et fasciste. Ils s’associèrent aux Nazis en 1941 pour prendre le pouvoir en Croatie et mirent en place une dictature particulièrement arbitraire et meurtrière (sous le nom d’Etat indépendant de Croatie). Ils disparurent en 1945 avec la défaite allemande mais leur idées racistes perdurèrent. Juste avant la guerre de l’ex-Yougoslavie, le HSP (Parti croate du droit), mouvement politique nationaliste dont émanèrent les Oustachis, réapparut. Puis, durant la guerre, sa branche militaire, le HOP (Forces de défense croates), participa activement aux combats au côté de l’armée croate.
La guerre fut donc un épisode très marquant pour les croates et en même temps fédérateurs. En 1994, Stjepan Spajić, un entrepreneur, reprit le club. Il était, à cette époque, avant tout un patriote qui avait participait à la guerre et sa volonté fut d’honorer la Croatie et ses combattants. Il prit donc la décision de renommer le club Hrvatski Dragovoljac qui signifie les volontaires croates. Connu pour sa franchise et ses bons mots, il déclarait « Promjena imena je znak potpore svim dragovoljcima Domovinskog rata, koji su svojom žrtvom i učešćem stvorili Lijepu našu domovinu Hrvatsku! » (Le changement de nom est un signe de soutien à tous les volontaires de la guerre intérieure, qui ont créé notre belle patrie, la Croatie, grâce à leur sacrifice et leur participation !). Mais, il alla plus loin dans ses idées et fit dessiner un nouvel écusson qui reprenait les codes des Oustachis. Le blason du club affiche un U, comme celui qu’arborait les Oustachis, et son damier rouge et blanc, symbole de la Croatie, n’est pas équivalent à celui que d’autres clubs croates comme le Dinamo et l’Hadjuk avaient intégré dans leurs écussons. En effet, le premier carré, dans le bord supérieur gauche, est blanc pour le club de Zagreb. Or, le même carré pour le damier du drapeau et des armes de la Croatie est rouge. Cette disposition rappelle directement le damier utilisait par les Oustachis. Au cours de leurs campagnes aux côtés des puissances de l’Axe pendant la Seconde Guerre mondiale, ces derniers portaient sur leurs casques et leurs uniformes des damiers avec le premier carré blanc, à l’intérieur duquel était écrite la lettre « U ». Enfin, pour parachever le tout, Spajić fit adopter le noir pour le maillot et le short, couleur de ralliement des différents mouvements fascistes et d’extrêmes droites, et notamment de la milice des Oustachis, Crna legija (La légion noire).
Outre reprendre ces symboles, Spajić ne faisait pas mystère de ses convictions : « Mi ćemo uvijek biti etnički čist klub. Dok sam ja predsjednik, Srbi neće igrati! » (Nous serons toujours un club ethniquement pur. Tant que je serai président, les Serbes ne joueront pas !) ou encore « U mom klubu neće igrati ni Srbi ni p*deri, a crnci mogu jedino ako su katolici » (Ni les Serbes ni les pédés ne joueront dans mon club, et les Noirs ne peuvent jouer que s’ils sont catholiques). Aujourd’hui, le club se serait détaché de ses idées même si les symboles sont restés.