#1315 – AFC Wimbledon : the Crazy Gang

Le gang fou. Avant de devenir le championnat des milliardaires (propriétaires comme joueurs) où règne un football d’esthète pour des spectateurs nantis, l’élite anglaise accueillait des joueurs au caractère marqué et des fans criards. Le tout dans un excès de violence qui s’exprimait sur et en dehors du terrain. Le paroxysme de ce football enfumé et alcoolisé fut atteint avec l’équipe londonienne de Wimbledon dans les années 1980 et début des années 1990, juste avant de basculer dans le nouveau monde de la Premier League. Comme un dernier pied de nez d’une certain idée du football …

Fondé en 1889, ce modeste club survivait au côté de l’hégemonique tournoi de tennis et dut attendre 1977 pour enfin atteindre les rangs du football professionnel anglais (la 4ème division). Le propriétaire Sam Hammam et l’entraineur Dave Bassett compensèrent les faibles moyens financiers du club en créant un état d’esprit soudant ses jeunes joueurs. Avant et après les matchs, l’équipe se comparait à une bande d’attardés, pas avares de blagues potaches et de bizutage hard. Ainsi, certains pouvaient se soulager dans les chaussures des nouveaux. Une autre fois, le kiné finit attaché par les chevilles à un bateau de pêche et traîné la tête dans l’eau. Les vestiaires visiteurs du stade de Wimbledon étaient quand à eux régulièrement saccagés. Pendant les matchs, de grands ballons dégagés devant et une pression extreme sur les défenses. Et les Dennis Wise, Vinnie Jones, Mick Harford, John Fashanu, Dave Beasant, Lawrie Sanchez et Wally Downes n’hésitaient pas à donner des coups et intimider leur adversaire avec quelques insultes. Mais, les coups pouvaient également être dirigés à l’encontre des coéquipiers. Evidemment ce style de jeu rude et physique déplut comme le décrivit Gary Lineker « the best way to watch Wimbledon is on Ceefax rather than on TV » (la meilleure façon de regarder Wimbledon est sur Ceefax [le système de télétexte de la BBC] plutôt qu’à la TV).

Avec de tels phénomènes sur le terrain, le club grimpa rapidement les échelons pour atteindre la première division pour la première fois de son histoire en 1986. Et alors que tout les journalistes s’attendaient à un retour direct en seconde division, le club décrocha une incroyable 6ème place, en battant au passage 2 fois Chelsea (4-0 et 2-1), Manchester United et Liverpool à Anfield. L’apothéose fut atteint en 1988. Après avoir éliminé Newcastle, Watford, puis Luton Town, Wimbledon affronta Liverpool en finale de la FA Cup. La veille du match, fidèles à leur tradition, les joueurs finirent dans un pub et rentrèrent éméchés dans leur hotel. Mais, le lendemain, Sanchez marqua le seul but du match, offrant la coupe à Wimbledon, premier trophée significatif du club.

Mais, les nuages commencèrent à s’amonceler au-dessus du club. Ayant besoin de rentrer des fonds, certains joueurs quittèrent le club et la direction partit en recherche d’un nouveau stade. Il n’en fallait pas plus pour perdre cet état d’esprit. D’autant plus que la Premier League arrivant, le style combatif et limite des joueurs ne correspondaient plus aux nouvelles attentes. En 2000, le club fut relégué en seconde division et la direction donna le coup de grace en 2001, en annonçant son intention de déménager à Milton Keynes, à 80 km des bases historiques du club. Le Wimbledon FC disparut au profit de Milton Keynes Dons FC tandis que les fans mécontents fondèrent le club d’AFC Wimbledon.

#1314 – Deportivo Táchira : el Carrusel Aurinegro

La carrousel jaune et noir. Le football vénézuélien souffre d’un manque de reconnaissance sur le plan continental, en raison de l’absence de résultat de son équipe nationale et de ses clubs, amplifié ces dernières années par la situation politique et économique chaotique. Pourtant, une équipe parvint à porter haut l’étandard : le Deportivo Táchira. En seulement 50 ans d’existence, le Deportivo s’impose comme le meilleur club vénézuélien. Depuis son accession en 1975 dans l’élite nationale, l’équipe n’a jamais été reléguée en seconde division, ravissant au passage 11 titres de champion. Au niveau international, le Deportivo compte le plus de participations à la Copa Libertadores pour une équipe vénézuélienne et demeure la seule à avoir franchi la première phase de la Copa Libertadores, son meilleur résultat étant un quart de finale en 2004.

Tout commença dans les années 1970 avec l’italo-vénézuelien, Gaetano Greco. Après avoir introduit le karting et fondé l’Automobile Touring Club dans la ville de San Cristóbal, il décida de fonder une équipe de football dans la ville andine, sous le nom de Juventus Fútbol Club de San Cristóbal, étant un fan du club turinois. Cette équipe de jeunes portait donc un maillot rayé noir et blanc. Puis, en 1974, sur la base de cette structure, Gaetano Greco avec 14 autres amis créèrent une équipe adulte, San Cristóbal Fútbol Club. Représentant de la communauté italienne de la ville, la direction opta pour un maillot bleu et un short blanc, couleurs de la squadra azzurra. Mais, quelques mois plus tard, un changement de couleurs s’opéra au profit d’un maillot jaune et d’un short noir. Tout d’abord, il s’agissait des couleurs principales de la bannière de l’Etat de Táchira (il comporte trois bandes horizontales : jaune, noir et rouge). Le jaune symbolise la richesse de la terre, la loi, la science et la sagesse du peuple. C’était également la couleur des soldats du Général Cipriano Castro qui prirent le pouvoir en 1899 lors de la Revolución Liberal Restauradora. Le champ médian noir symbolise les vicissitudes et les difficultés surmontées par le peuple tout au long de son histoire. Il représente aussi deux des ressources de l’Etat : le pétrole et le charbon.

Puis, l’arrivée des premiers joueurs uruguayens, aux côtés des entraîneurs uruguayen José Gil, Nelson Silva Pacheco, Benjamin Fernandez, Victor Pignanelli, Esteban Beracochea et Luis Miloc, à la fin des années 1970, favorisa l’adoption des rayures verticales noires et jaunes, inspirées du célèbre club uruguayen, Peñarol. Depuis lors, l’équipe a conservé cette uniforme, avec parfois des variantes. Parfois avec des changements plus radicaux. Lors de la fusion avec l’Atlético San Cristóbal en 1986, la couleur jaune fut remplacée par l’orange. De même, quelques années plus tard, un uniforme similaire à celui de l’équipe nationale brésilienne (maillot jaune et short vert) fut porté. Ces deux incartades furent breves.

L’apparition du surnom remonte aux années 1980 quand le club devint une place forte du football vénézuélien (4 fois champion entre 1979 et 1986). A cette époque, le jeu flamboyant développé par l’équipe andine faisait tourner la tête de ses adversaires comme après un tour de carrousel.

#1313 – Real Murcia CF : los Pimentoneros

Ceux qui cultivent du piment, paprika. Dans le Sud-Est de l’Espagne, où les rayons du soleil s’étalent à longueur de journée, les joueurs de Murcia portent un maillot écarlate, qui aurait pu inspirer le surnom du club. Tout autant que la bannière de la ville, immaculée de rouge. Cette tenue apparut le 2 novembre 1920, lors d’un match contre l’AD Ferroviaria de Madrid, et était accompagnée d’un short bleu. Il succédait au maillot vert clair, pantalon blanc et chaussettes noires que le club affichait depuis sa fondation en Décembre 1919. Toutefois, le surnom s’étend au delà du stade Enrique Roca et caractérise les habitants de la ville. Avec une terre fertile (constituée par une plaine alluviale) et un doux climat méditerranéen, Murcie possède une longue tradition agricole et produit une large gamme d’aliments, des fruits (orange, citron, tomate) et légumes (laitue, chou, pois, aubergine, haricots verts, blettes et citrouilles) aux céréales (riz) et aux oliviers. La région devint dès la première moitié du XXème siècle l’un des principaux fournisseurs de produits agricoles d’Espagne (20% de la production agricole du pays : 2,5 millions de tonnes d’agrumes et de légumes primeurs) et d’Europe (au point d’être surnommée le « potager de l’Europe »). Et parmi toutes ces cultures, le poivron s’est fait une place de choix. En particulier, un petit piment rond de la taille d’une tomate cerise, qui séché et moulu, se transforme en un célèbre paprika (pimientos), qui a gagné une appellation d’origine.

Avec la conquête de l’Amérique, le royaume espagnol découvrit le poivron et les piments. A la fin du XVème siècle, sa culture s’importa du côté de Cáceres, avec les frères Jerónimos (ordre de St-Jérôme) du monastère de Guadalupe puis du monastère de Yuste. Son déménagement à Murcie permit le développement de la culture du poivron dans cette région au début du XVIème siècle. Les premiers poivrons cultivés par les frères hiéronymites en Murcie avaient initialement une saveur piquante, une pointe arrondie et une couleur verte, qui ensuite se transforma en rouge jaunâtre. Au fil du temps, il devint un légume rond, légèrement aplati, de couleur rouge foncé et de saveur douce. Dès le XVIIIème siècle, les premiers moulin à poivron furent construit dans la région. Tout au long du XIXème siècle et jusqu’au milieu du XXème siècle, la culture des poivrons pour le paprika se répandit dans toute la région de Murcie jusqu’à devenir la première activité économique, devant la soie et les agrumes. 80 % des paysans de Murcie pratiquaient ce type de culture à l’époque. En 1896, la première association de la corporation des producteurs de poivrons fut créée sous le nom de Centro de Exportadores de Pimiento (Centre des exportateurs de poivrons), dans le but d’organiser la vente du produit. En 1920, 1 200 tonnes étaient produites puis 8 000 tonnes en 1939.

#1312 – Bucaspor : Fırtına

La tempête. Dans un football turc naissant, la ville d’Izmir accueillit rapidement plusieurs équipes qui soutenues par des hommes d’affaire de la ville, participaient occasionnellement à des tournois à Istanbul. Les 5 premières équipes d’Izmir furent ainsi Karşıyaka (fondé en 1912), Altay (1914), İzmirspor (1923), Altınordu (1923) et Göztepe (1925). En Mars 1928, dans le village voisin de Buca, le 6ème club d’Izmir fut fondé sous le nom de Buca İdman Yurdu. Lorsqu’en 1959, la Ligue nationale de football vit le jour en Turquie, les 4 meilleures équipes d’Izmir furent invitées : Karşıyaka, Altay, İzmirspor et Göztepe. Altınordu les rejoint l’année suivante, et ces équipes furent les cinq représentant d’Izmir dans les ligues professionnelles pendant de nombreuses années, rangeant dans l’ombre les autres équipes. Mais à partir des années 1990, Buca monta dans la hiérarchie pour atteindre en 2010 l’élite turque.

En 1990, Bucaspor accéda pour la première fois de son histoire à la seconde division. Et son début de parcours dans cette ligue fut tonitruant, malgré son dépaysement. En effet, le stade de Buca subissait des travaux d’entretien et le club dut se délocaliser pendant les trois premiers matchs au stade Alsancak. Lors du premier match, Altınordu tomba, battu 1-0. Le club enregistra une deuxième victoire d’affilé face à İzmirspor (6-0). L’équipe enchaina avec 2 nouvelles victoires, face à Antalyaspor (1-0) et Sökespor (2-1). Lors du 5ème match de championnat, Bucaspor affronta Göztepe, l’un des tenors de le seconde division après avoir souvent évolué dans l’élite. Bucaspor surprit une nouvelle fois tout le monde en remportant le match 2-1. Ainsi, Bucaspor avait gagné ses 5 premiers matchs et reçut le surnom de fırtına. La séquence s’acheva lors du match suivant contre l’une des équipes les plus fortes de la ligue, Altay, sur un score de 1-0. Bucaspor termina la première moitié du championnat à la 5ème place, 13 points derrière Altay.