#1364 – Elazığspor : Gakgoşlar

Le pays des Gakgoş. A l’Est de la Turquie, dans la région du Haut-Euphrate, se dresse la cité d’Elazığ, avec ses plus de 500 000 habitants. Pont entre l’Anatolie et la Mésopotamie, la ville se situe sur d’importantes routes commerciales et a vu de nombreux Empires et civilisations l’à traverser. Ces échanges et l’éloignement du barycentre turque ont conduit à l’émergence d’une culture particulière dans la région. Par exemple, la province d’Elazığ a la plus riche gastronomie de Turquie après Gaziantep avec près de 150 plats typiques. Elazığ est également célèbre pour ses danses caractéristiques dont la danse folklorique çaydaçıra est la plus célèbre ainsi que le halay.

La région possède également son propre dialecte (dénommé dialecte Elazığ ou Harput), qui appartient au groupe oriental des dialectes turcs de Turquie. Mais, son accent rend parfois sa compréhension difficile pour les turcophones d’autres régions. L’importance des œuvres orales telles que des chants populaires, des hoyrats, des proverbes, des contes et des berceuses ont permis sa survivance jusqu’à nos jours. Dans ce dialecte, le terme Gakgoş (ou gakgo) désigne souvent les habitants de la région et eux-mêmes s’interpellent ainsi. Il signifie frère aîné (et gakgo, frère) et exprime exprime l’amour et l’affection que les gens se portent. Le poète local, Mehmet Bico, décrivait dans un de ses poèmes les Gakgoş ainsi :

Gakgonun manası ince ve derin / La signification de Gakgo est subtile et profonde
Herkese gakgomsun denilmez gakgoş / Tout le monde ne s’appelle pas gakgoş
Gakgo sembolüdür bizim illerin / Gakgo est le symbole de nos provinces.
Herkese gakgomsun denilmez gakgoş / Tout le monde ne s’appelle pas gakgomsun. Gakgoş.

Gakgomun mekânı Harput yöresi / Le lieu de mon gakgo est la région de Harput.
Sağlamdır âdeti, örfü, töresi (…) / Il y a des coutumes, des traditions et des traditions fortes.
Gakgom babacandır gözü de pektir / Gakgom est paternel et audacieux
Mazluma yumuşak, zalime serttir / Il est doux avec les opprimés, dur avec l’oppresseur
Kalleşliği bilmez haza, erkektir / Il ne connaît pas la trahison, c’est un homme

#1312 – Bucaspor : Fırtına

La tempête. Dans un football turc naissant, la ville d’Izmir accueillit rapidement plusieurs équipes qui soutenues par des hommes d’affaire de la ville, participaient occasionnellement à des tournois à Istanbul. Les 5 premières équipes d’Izmir furent ainsi Karşıyaka (fondé en 1912), Altay (1914), İzmirspor (1923), Altınordu (1923) et Göztepe (1925). En Mars 1928, dans le village voisin de Buca, le 6ème club d’Izmir fut fondé sous le nom de Buca İdman Yurdu. Lorsqu’en 1959, la Ligue nationale de football vit le jour en Turquie, les 4 meilleures équipes d’Izmir furent invitées : Karşıyaka, Altay, İzmirspor et Göztepe. Altınordu les rejoint l’année suivante, et ces équipes furent les cinq représentant d’Izmir dans les ligues professionnelles pendant de nombreuses années, rangeant dans l’ombre les autres équipes. Mais à partir des années 1990, Buca monta dans la hiérarchie pour atteindre en 2010 l’élite turque.

En 1990, Bucaspor accéda pour la première fois de son histoire à la seconde division. Et son début de parcours dans cette ligue fut tonitruant, malgré son dépaysement. En effet, le stade de Buca subissait des travaux d’entretien et le club dut se délocaliser pendant les trois premiers matchs au stade Alsancak. Lors du premier match, Altınordu tomba, battu 1-0. Le club enregistra une deuxième victoire d’affilé face à İzmirspor (6-0). L’équipe enchaina avec 2 nouvelles victoires, face à Antalyaspor (1-0) et Sökespor (2-1). Lors du 5ème match de championnat, Bucaspor affronta Göztepe, l’un des tenors de le seconde division après avoir souvent évolué dans l’élite. Bucaspor surprit une nouvelle fois tout le monde en remportant le match 2-1. Ainsi, Bucaspor avait gagné ses 5 premiers matchs et reçut le surnom de fırtına. La séquence s’acheva lors du match suivant contre l’une des équipes les plus fortes de la ligue, Altay, sur un score de 1-0. Bucaspor termina la première moitié du championnat à la 5ème place, 13 points derrière Altay.

#1275 – Altınordu FK : Kırmızı Şeytanlar

Les diables rouges. A l’issue de la Première Guerre mondiale, étant dans le camp des vaincus, l’Empire Ottoman s’effondra et le traité de Sèvres répartît le territoire entre les alliés anglais, français, italiens et grecs ainsi qu’à certaines minorités opprimées comme les kurdes et les arméniens. Mustafa Kemal, héros militaire de la guerre malgré la défaite, vit l’occupation étrangère comme une humiliation et organisa la résistance. Il chassa les troupes françaises, grecques et arméniennes des régions occupées, détrôna le Sultan Mehmed VI, le considérant comme un traite à la solde des forces étrangères, et institua la République de Turquie le 29 octobre 1923.

A Izmir, avec l’avènement du nouvel Etat, Karşıyaka (fondé en 1912) et à Altay (fondé en 1914) reprirent leurs activités alors que d’autres profitèrent de cette effervescence pour créer de nouvelles structures comme Altınay (le 25 Juillet 1923) qui devint plus tard İzmirspor après une fusion avec Sakarya (fondé également en 1923). Ainsi, chaque quartier de la ville comptait son club de football à l’exception de celui de Basmane-Tilkilik-Namazgâh. 3 jeunes de cette région, Mustafa Balöz, Hüseyin Yurdakul et Mehmet Hancıoğlu, avec le soutien du Dr Hacı Hasanzade Ethem, convainquirent d’autres de les rejoindre pour créer un club le 26 décembre 1923.

Cette guerre d’indépendance avait exalté le patriotisme des turcs et les membres de ce nouveau club étaient gagnés par ce goût nationaliste. Ainsi, il fallait trouver un nom à la hauteur. Zafer (Victoire), Hilal (Croissant) et Kurtuluş (Libération) vinrent dans les premières propositions sans gagner l’adhésion de tous. Puis, les références historiques s’imposèrent pour fédérer cette nouvelle identité autour de racines communes et une grandeur passée. Ainsi, l’enseignant Mehmet Rıza insista pour Göktürk (un royaume turc s’étendant sur la Mongolie et l’Asie centrale au VIème et VIIème siècle après J.-C.) quand d’autres proposaient Sakatürk (Iakoutes ou Sakha, un peuple turcophone de Sibérie). Finalement, Süleyman Ferit remporta les suffrages avec Altınordu (la Horde d’Or), un empire turco-mongole qui domina une grande partie de l’actuelle Russie, de l’Ukraine, de la Bulgarie danubienne et de l’Asie centrale. Cette tendance nationaliste s’étendit aux couleurs. Le club opta pour le rouge, couleur du sang des martyrs et vétérans, héros de la guerre d’indépendance, et le bleu marine, couleur de l’acier, qui représente la force et la puissance.

#1224 – Sarıyer SK : Beyaz Martılar

Les mouettes blanches. Intégré au grand Istanbul, Sariyer se situe au nord-est de la capitale turque, sur les bords de la Mer Noire, à l’ouest de l’embouchure du Bosphore, côté européen. Avec ses bâtiments historiques (la forteresse Rumeli Hisarı, le chateau de Rumeli Feneri, le phare de Rumeli, les magnifiques demeures côtières Yalı), ses espaces verts (notamment la forêt de Belgrad se déployant sur quelque 5 500 hectares et le parc de Bentler), les restaurants de poisson (en particulier à Tarabya et Garipçe) et la mer avec ses plages, le district constitue une destination touristique appréciée par les stambouliotes. Mais, comme ville maritime et de pêcheurs, elle est également très « fréquentée » par les mouettes. Pour ses habitants, Sariyer est la patrie de la mouette et il serait habituel de se lever avec le cri des mouettes.

Dans les années 1980, le club de Sariyer jouait dans l’élite turque (de 1982 à 1994) et représentait le quatrième club de la capital. Mais, bien entendu, il souffrait de la comparaison avec les 3 autres ogres stambouliotes (Galatasaray, Fenerbahçe et Beşiktaş). Son dirigeant de l’époque, Maral Öztekin, membre du club depuis sa fondation en 1940, avait pour obsession que Sarıyer bénéficie d’une plus grande couverture médiatique. S’il savait que cela passait par les résultats, il était conscient que les symboles avaient également leur importance. Ainsi, lors de son discours d’ouverture de la saison 1986-1987, il déclarait « Fener’in Kanaryası, BJK’nin Kartalı, GS’nin Aslanı var. Bizim niçin olmasın. Bizim de ‘Beyaz Martı’ olsun. » (Fener a son canari (#373), BJK [Beşiktaş] son aigle (#22), GS [Galatasaray] a son lion. Pourquoi pas nous ? Ayons aussi la Mouette Blanche). Ainsi, la mascotte et le surnom naquirent. La mouette s’est imposée dans la culture du club (L’hymne « Sariyer marsi » (La marche de Sariyer) du chanteur et vice-président du club Ferhat Göçer débute par « Beyaz martıdır göklerde süzülen » (C’est la mouette blanche qui plane dans le ciel)) mais également pour tout le district (la statue d’une mouette blanche de 6 mètres de haut fut érigée en 2019).

#1168 – Trabzonspor FT : Karadeniz Fırtınası

La tempête de la Mer Noire. Au Nord-Est de la Turquie, se dresse la ville de Trabzon (historiquement connue sous le nom de Trébizonde), avec ses plus de 800 000 habitants. Baignée d’un côté par la Mer Noire et coincée de l’autre par la chaîne montagneuse des Alpes pontiques, Trabzon bénéficie d’un microclimat, typique de la région orientale de la Mer Noire. Il est marqué par des hivers plutôt doux (en moyenne 5°C), bien que les tombées de neige y soit régulières et des étés chauds (23°C) et humides. La période entre la fin de l’été et la fin de l’hiver peut-être tempétueuse avec des précipitations particulièrement abondantes (les 2/3 des précipitions annuelles se concentrent pendant cette saison). Le mois d’Octobre demeure celui qui enregistre le plus de pluie (110 mm). Le reste de l’année, quoique moins nombreux, les épisodes de pluie demeurent forts et parfois orageux. Classé par les climatologues comme subtropical humide, il est appelé climat pontique doux (l’ancien nom de la Mer Noire était Pont-Euxin, d’où l’adjectif pontique pour qualifier le littorale de la Mer Noire). Ainsi, ce microclimat bien connu dans la région où les violents orages ne sont pas rares a permis d’identifier le club (tempête de la Mer Noire).

Et ce climat colle bien aussi à l’histoire du club qui a su s’imposer dans le football turque longtemps atrophié à Istamboul. Trabzonspor fut la première équipe anatolienne à briser l’hégémonie des 3 clubs stambouliotes (Fenerbahçe, Galatasaray et Beşiktaş) en remportant le titre de champion de Turquie lors de la saison 1975-1976, après seulement sa deuxième saison au sein de l’élite. Il parvint même à le conserver l’année suivante (1976-1977). Pendant 10 saisons, Trabzonspor balaya tout sur son passage comme une tempête. Le club devint une place forte du football turque et se constitua un solide palmarès (4 nouveaux titres de champion en 1979, 1980, 1981 et 1984, vice-champion en 1978, 1982 et 1983, 3 coupes nationales en 1977, 1978 et 1984, 3 fois finalistes de la coupe en 1975, 1976 et 1985 ainsi que 6 Supercoupes de Turquie en 1976, 1977, 1978, 1979, 1980 et 1983). Vous lisez bien : entre 1976 et 1984, Trabzonspor était soit champion, soit vice champion et entre 1975 et 1978 il atteignait au moins la finale de la coupe.

#1138 – Manisa FK : Tarzan

Le personnage de l’écrivain américain Edgar Burroughs s’est installé en Turquie dans la ville de Manisa et inspira un surnom à l’ensemble des équipes sportives de la cité. Né en 1899 à Bagdad ou à Samarra, Ahmet bin Carlak rejoignit, après la Première Guerre mondiale, le rang des insurgés turques et combattit lors de la guerre d’indépendance à Antep, Smyrne et Kilis. Après la guerre, Carlak se fixa à Manisa, qui avait été dévastée par un incendie provoqué par l’armée grecque en retraite, et se fixa pour objectif de reboiser la région, plantant et cultivant à lui seul de nombreux arbres sur le mont Sipylos. Vivant comme un ermite sur le mont, son surnom était alors Hacı (le pélerin) et son apparence se modifia : il laissa pousser sa barbe et ses cheveux et s’habillait uniquement en short. Durant les 40 années suivantes, il habitait très modestement dans une petite cabane sur le mont qu’il appela Topkale (château du canon), en raison d’un vieux canon dont il se servait quotidiennement pour signaler midi en tirant un coup de feu. Il se rendait régulièrement dans la ville de Manisa et servit parfois comme pompier ou jardinier. En 1934, suite à la projection du film « La Vengeance de Tarzan », avec Johnny Weissmuller, les habitants de la ville identifièrent Carlak au héros de la jungle et le surnommèrent Manisa Tarzanı (Tarzan de Manisa) en raison de son apparence (barbe, cheveu long et torse nu) et son mode de vie rudimentaire sur le mont. Ecologiste, il se servit de sa notoriété pour défendre les forêts autours de Manisa. Après un périple dans les Monts Taurus, à son retour à Manisa, il se rendit compte que la municipalité avait abattu des arbres en son absence. Il eut un choc cardiaque qui le conduisit à l’hôpital et il décéda le 31 mai 1963. Le lendemain, le quotidien national, Hürriyet, titra « Manisa’nın Tarzan’ı öldü » (Le Tarzan de Manisa est mort).

La ville de Manisa rend hommage à Carlak. La semaine de l’environnement a été baptisée du nom de Manisa Tarzanı. A cette occasion, la municipalité décerne les « Prix Tarzan ». Une école primaire ainsi qu’un boulevard ont été nommés en l’honneur de Carlak. Dans le parc Fatih de Manisa, une statue représentant Carlak a été érigée. Enfin, à chaque anniversaire de sa mort, les autorités de Manisa le commémorent, l’honorant comme un précurseur de l’écologie turc.

#1095 – Karşıyaka SK : Kaf Sin Kaf

Vous avez peut-être remarqué que la phrase Kaf Sin Kaf présente les mêmes initiales que le nom du club Karşiyaka Spor Kulübü : KSK. Ce n’est évidemment pas un hasard et tout simplement, Kaf Sin Kaf, est la prononciation en turc ottoman (ou turc osmanlı ou turc ancien) des initiales KSK. Lorsque Mustafa Kemal dit Atatürk fonda la Turquie après l’effondrement de l’Empire Ottoman et suite à la guerre d’indépendance (1919-192), il entreprit une véritable révolution des institutions et redéfinit l’identité du pays : déplacement de la capitale à Ankara, abolition du sultanat et du califat, proclamation de la République, expulsion de l’ancienne famille impériale, droit de vote accordée aux femmes, encadrement ferme de la religion musulmane, laïcité constitutionnalisée, instauration du mariage civil, adoption des systèmes internationaux pour l’heure, le calendrier et les poids et mesures … La Turquie rentrait dans l’ère moderne. Cela passa aussi par une évolution de la langue. Dans l’Empire Ottoman, le turc ottoman constituait la langue officielle de l’Empire depuis la constitution de 1876. Basée sur l’alphabet arabe, cette langue reprenait de nombreux termes venant de l’arabe ou du persan. Mais, cette arabisation ne plaisait pas aux mouvements nationalistes turques au XIXème siècle qui souhaitaient purifier la langue de ces influences. Atatürk lança cette réforme linguistique en 1928, connu sous le nom de Harf Devrimi (révolution des signes), et fit adopter l’alphabet latin enrichi de 6 lettres (ç, ğ, ı, ö, ş et ü). L’idée était que l’alphabet latin était plus approprié à la structure de la langue turque et à sa phonétique que l’alphabet arabe (en raison du nombre de voyelles). Cette simplification permit de réduire l’analphabétisation dans le pays.

Si le club a pour surnom sa prononciation dans l’ancienne langue, c’est que sa fondation date de l’époque ottomane. En 1908, le football en Turquie était généralement pratiqué par des étrangers. Ainsi, les équipes d’Izmir (où se situe KSK) représentaient chacune une des communautés grec, arménienne et britanniques et elles dominaient la pratique sportive. Un jour, 6 jeunes de Karşıyaka s’abritèrent sous un olivier sous la pluie battante et décidèrent de créer leur propre club, représentant la communauté turque, en signe de rébellion contre la domination des autres minorités. Le 1er novembre 1912, le Karşıyaka Türk Mümarese-i Bedeniyye Terakki Kulübü, aujourd’hui connu sous le nom de Karşıyaka SK, fut fondé.

#1055 – Bursaspor : Yeşil Beyazlılar

Les vert et blanc. A la fin des années 1960, le football turc se structura en créant une première division (1959) et une seconde division (1963) professionnelles. Afin de se donner la chance de participer à cette nouvelle élite, dans de nombreuses villes, les différentes équipes, parfois rivales, unirent leurs forces pour créer une nouvelle puissance. Ainsi, le 1er juin 1963, les clubs de Acar İdman Yurdu, Akınspor, İstiklal, Pınarspor et Çelikspor s’unirent pour donner naissance à Bursaspor, avec cette volonté de porter haut les couleurs de la ville. Pour les symboles de cette nouvelle entité, le choix aurait pu soit de privilégier l’héritage d’un des prédécesseurs, soit de combiner un peu de chacun des 5 anciens clubs. La première option aurait léser les autres clubs et la deuxième aurait donné lieu à un maillot harlequin (Acar İdman Yurdu jouait en noir, Akınspor en rouge, İstiklal en jaune, Pınarspor en vert et Çelikspor en bleu marine). Ainsi, les fondateurs décidèrent de faire table rase du passé et puisèrent plutôt dans l’imagerie de Bursa.

Lorsque le choix des couleurs fut débattu, Şükrü Akmansoy, avocat de formation et président de Pınarspor, questionna les autres membres « Qu’est-ce qui vous vient à l’esprit en premier lorsque on vous parle de Bursa ? ». Les participants de la réunion proposèrent en premier le vert des parcs et des forêts. En effet, la cité est surnommée Yeşil Bursa (Bursa la verte), en référence aux nombreux parcs et espaces verts qui jalonnent l’agglomération ainsi qu’aux forêts environnantes. A cela, Akmansoy répondit « La neige blanche de notre célèbre Uludağ ne peut-elle pas être utilisée avec du vert ? ». Le vert et le blanc remportèrent alors l’adhésion enthousiaste de l’assemblée. Il faut rappeler que, outre les forêts avoisinantes, Bursa se situe aussi au Nord de la montagne Uludağ, qui culmine à 2 543 mètres d’altitude. En Hiver, Uludağ devient un des plus beau domaine skiable de Turquie, apprécié de la bourgeoisie stambouliote, qui séjournent alors à Bursa et se rend sur le site grâce à 2 téléphériques partant de Bursa.

#1005 – Kasımpaşa SK : Apaçiler

Les apaches. Certainement pas d’indiens dans ce quartier d’Istanbul qui accueille l’un des clubs les moins connus de la capitale turque malgré plus de 100 ans d’existence. Mais bien que son histoire soit longue, il semble que ce surnom soit d’une apparition récente et demeure encore moyennement utilisé. Il ferait référence à une réplique d’un western turque, « Yahşi Batı » (L’Ouest Magnifique), sorti en salle en 2010. Le film raconte les péripéties de deux fonctionnaires ottomans, dénommés Aziz Vefa et Lemi Galip, qui ont été envoyés en Amérique par le sultan dans le cadre d’une mission spéciale au XIXème siècle. Lors d’un voyage, leur diligence se fait d’abord attaqué par des hors la loi puis par des indiens. Alors que les indiens les dépouillent, Aziz Vefa, joué par l’acteur comique, Cem Yılmaz, propose à son collègue de les amadouer en déclarant « ya biz istanbul’dan geliyoruz kizilderililer içinder türk’tür […] kasımpaşa dan apaçi selim in selamı var desek » (Nous venons d’Istanbul. On dit que les Indiens sont des Turcs […] Si nous disions que l’Apache Selim de Kasımpaşa les salue). Connaître un turc apache pourrait-il le sortir d’un mauvais pas ? Mais, d’où un habitant du quartier de Kasımpaşa pourrait-il être un apache, cette tribu amérindienne, célèbre pour leur bravoure et leur chef Geronimo ?

La réponse pourrait venir d’une vieille légende que les nationalistes turques propagent depuis longtemps, les racines turques des Amérindiens. Deux thèses sont souvent présentées en Turquie pour rappeler la grandeur de la nation : la théorie de la « langue soleil » qui veut que la langue turque est à l’origine de toutes les langues du monde et la thèse née durant la révolution kémaliste dans les années 30 selon laquelle les peuples Turcs d’Asie Centrale, par leurs migrations, ont fondé les brillantes civilisations de l’Antiquité. Mustapha Kemal estimait effectivement que les Hongrois ou les Amérindiens étaient d’origine turques. Comme les premiers Amérindiens auraient migré de Sibérie en passant par le détroit de Beiring durant la période glaciaire (entre 20 000 et 10 000 av. J.C.), cette migration étayait cette théorie. Mustapha Kemal avait également envoyé l’historien Tahsin Mayatepek comme ambassadeur de Turquie au Mexique pour faire des recherches sur les origines turques des Mayas et aussi sur le mystérieux continent Mu, qui dessinait une parenté entre les cultures amérindiennes et celles du bassin méditerranéen, du Moyen-Orient ou de l’Inde. De même, se basant sur les travaux de linguistes européens dont le français Georges Dumézil, la langue andine, le Quechua, présente, selon les tenants de cette théorie, des similitudes avec le turc dont les mots ata (père) et ana (mère) par exemple. Ultra-nationaliste et ancien professeur de l’Université de Colombia, Reha Oğuz Türkkan contribua à populariser cette théorie des Amérindiens turcs grâce à son ouvrage « Kızılderililer ve Türkler » (Les Amérindiens et les Turcs, édité en 1999). Même si ces thèses peuvent apparaitre farfelues, elles animent les débats en Turquie et favorisent des correspondances entre les descendants des apaches et les jeunes turques.

#957 – Fatih Karagümrük SK : Fatih’in Torunları

Les descendants de Fatih. Au printemps 1926, deux clubs du quartier de Fatih à Istanbul (Acıçeşme Gençleri et Karagümrük Gençleri) fusionnèrent pour donner naissance au Karagümrük İdman Yurdu. C’est en 1985 que la direction décida d’adjoindre le nom de Fatih à celui du club. Mais, plus que le nom d’un district, Fatih, qui signifie le conquérant, se réfère à Mehmed II, dit le conquérant, septième sultan de l’Empire ottoman. Il fut le Sultan qui étendit l’Empire Ottoman jusqu’en Europe et asservit la Grèce pour des siècles. Mais, pour Mehmed II, cette expansion ne pouvait se faire qu’en possédant Istanbul, qui s’appelait Constantinople et demeurait la capitale de l’Empire Romain d’Orient. Mehmed II entreprit en Avril 1453 le siège de la ville. Il fallut à peine un mois aux armées de Mehmed II pour faire tomber la ville et l’Empire Byzantin. Le Sultan pénétra dans la ville dans l’après-midi du 29 mai 1453 par le quartier de Karagümrük, situé dans le district de Fatih. Istanbul devint alors capitale de l’Empire Ottoman et le quartier de Fatih un haut lieu. Environ 10 ans après la conquête, Mehmed II ordonna la construction d’une mosquée et de son complexe en lieu et place de l’Église des Saints-Apôtres de Constantinople qui avait été démolie. L’ensemble se nomma d’après le nom du Sultan. Erigée entre 1462 et 1469, cette mosquée fut le premier projet monumental de Mehmed II et qui allait établir le style architectural ottoman. La mosquée accueille aussi les tombes de nombreux dignitaires de l’histoire ottomane, dont celle de Mehmed II. Autour de la mosquée, un ensemble de bâtiments (le complexe) fut également construit qui incluait 16 écoles coraniques, une bibliothèque, un hôpital, un hammam, un caravansérail, un marché, une école et des soupes populaires. Mehmed II fit également immigré des personnes d’Anatolie pour s’installer dans ce quartier. Ainsi, ce dernier devint le premier quartier musulman et turc de la nouvelle capitale, qui se nomme en l’honneur du conquérant. Représentant désormais l’ensemble du quartier et revendiquant cette affiliation historique (symbole à la fois nationaliste et attaché à une idée de conquête), les joueurs sont devenus les descendants de Mehmed II.