#501 – Nacional Montevideo : los Tricolores

Les tricolores, le blason du club affichant les couleurs bleu, rouge et blanc. Le 14 mai 1899, joueurs et dirigeants de l’Uruguay Athletic Club et du Montevideo Football Club fusionnèrent pour donner naissance au Nacional. Premier club « créole » (ie de personnes nées en Uruguay et descendant des européens) d’Amérique du Sud, les fondateurs voulaient que le club soit le digne représentant du pays, qui avait à peine 70 ans d’existence. Ainsi, sur proposition de Dr Ernesto Caprario, les fondateurs dotèrent le club du nom de Nacional et, pour les couleurs, reprirent celles du drapeau d’Artigas. Cela tombait bien car Montevideo Football Club portait du rouge et Uruguay Athletic du bleu.

Le drapeau d’Artigas est l’un des symboles de l’Uruguay et la bannière des indépendantistes des années 1810-1820. En 1811, la population de l’Uruguay actuel (appelé alors Bandera Orientale) ainsi que de l’Argentine prirent les armes contre l’Espagne pour obtenir leur indépendance. Ces troupes étaient emmenées par José Gervasio Artigas, qui devint plus tard un héros national. A compter de 1815, ils adoptèrent un drapeau composé de bandes horizontales bleues, blanches et rouges (plus tard, les bandes rouges furent remplacées par une unique bande diagonale, barrant celles du haut et du bas bleues et celle du centre blanche). Artigas avait créé ce drapeau sur la base de celui de Manuel Belgrano (un des principaux leaders de la guerre d’Indépendance et le créateur du drapeau de l’Argentine), auquel il ajouta la couleur rouge symbolisant le sang versé pour l’indépendance.

Le club opta d’abord pour un maillot rouge, couleur du poncho national, avec un col et des poignets bleus. Puis, en 1902, le maillot blanc (qui perdure aujourd’hui) s’imposa, à la demande de la fédération, car le maillot rouge était trop similaire aux couleurs d’un autre club, Albion FC (mais également car le rouge des maillots s’estompait au fil des lavages et en outre, en 1900, Nacional absorba le club du Defensa Football Club qui évoluait en blanc). Ce maillot blanc fut toujours accompagné de parements rouge et bleu (soit au travers de la fameuse poche – cf #57 – soit le cols et/ou les poignets).

#479 – CA Rentistas Montevideo : el Renta

Diminutif du nom du club, nom qui signifie rentiers. Nom de club original et dont la détermination ne l’est pas moins. Malgré un nom qui suggère une aisance financière, les fondateurs établirent en 1933 le club dans le quartier Cerrito de la Victoria, connu pour être le quartier ouvrier de la ville de Montevideo en raison de l’installation de nombreuses usines dans les années 30 et 40. Le club effectivement ne reposait pas sur de riches donateurs ou fondateurs. Ces derniers étaient un groupe de jeune, parmi lesquels les frères Pizzi, Bovino, Gamba, Esteban Marino, José Santuyo, Emilio Pronzolino, Rissotto, Ballestier et quelques autres, qui se réunissaient régulièrement pour jouer au football. Au point que leurs voisins s’interrogeaient sur leur autre occupation en dehors du sport. Esteban Marino entraina ses camarades à structurer une association et ainsi leur déclara « ¿Alguien trabaja mañana…? » (Quelqu’un travaille demain … ?). Un silence s’installa comme seule réponse et il leur dit ce bon mot « Vivimos de rentas » (nous vivons de rentes). Emilio Pronzolino, proposa alors de nommer le club « Rentistas » .

#436 – Cerro Largo FC : los Arachanes

Les Arachanes seraient une tribu amérindienne disparue et dont l’existence n’est pas certaine. Ils sont considérés comme une nations indigènes de l’Uruguay. Un seul ouvrage les mentionne en 1612 rédigé par Ruy Díaz de Guzmán (Historia Argentina del descubrimiento, población y conquista de las provincias del Río de la Plata). En 1836, l’historien argentin, Pedro de Angelis, reprit les mentions de Díaz de Guzmán concernant cette tribu en précisant l’étymologie du nom. Ce dernier exprimait leur lieu de résidence. Ara est le jour, et chane, celui qui voit. Les Arachanes étaient donc un peuple qui voit le jour, ie un peuple oriental. Membres du peuple Guarani, ils étaient localisés dans la partie orientale de l’Uruguay et au sud-est du Brésil. Ils étaient donc également à l’est du peuple Guarani. La découverte de vestiges archéologiques dans le sud du Brésil et l’est de l’Uruguay, principalement dans le Cerro Largo, renforcèrent cette idée. Pour autant, à la fin du XXème siècle, leur existence fut remise en cause par certains auteurs.

#409 – Peñarol Montevideo : Manyas

Terme difficilement traduisible mais dont voici l’histoire. Tout est lié avec le joueur uruguayen Carlos Scarone, d’origine italienne et dont toute la famille supportait Peñarol. Scarone joua pour le CURCC (ancêtre de Peñarol). Avant-centre agressif et techniquement brillant, Scarone composa avec un autre jeune joueur, Jose Piendibene, un formidable duo d’attaque qui conduisit Peñarol au titre de champion en 1911. Tenté par une aventure à l’étranger et un beau salaire, Scarone signa pour Boca Juniors en Argentine en 1913. Au bout d’une année, après une maladie contractée en Argentine, il rentrât au pays. Il eut alors deux offres : une de Peñarol et une autre, du club rival de Nacional. Seulement, le second lui offrit des émoluments nettement supérieurs au salaire proposé par Peñarol et également beaucoup d’attention. Scarone n’hésita pas longtemps. Sa famille fut déçu et, lors d’un repas de famille, Carlo Scarone justifia son choix pécunier en déclarant: « ¿ A qué me iba a quedar ?¿ A mangiare merda ? » (pourquoi y aller [à Peñarol] ? pour manger de la merde ?). Cette phrase mélangeant italien et espagnol (le terme mangiare était un mot italien) était typique de la communauté italienne d’Uruguay. Et l’expression « mangiare merda » se contracta et s’espagnolisa pour devenir manyas. Les manyas étaient donc des mange merde.

Quelques mois plus tard (le 26 juin 1914), Carlos Scarone et le Nacional jouèrent le derby face au Peñarol. Ce dernier le remporta 2-1. Pendant tout le match, le milieu de Peñarol, Manuel Varela, empêcha Carlos Scarone de développer son jeu qui lui répondit par des coups de pieds. Excédé, Carlos Scarone déclara avec mépris à son adversaire : « Jueguen ustedes que son unos manyas » (jouez, vous êtes des mangeurs de merde). Sa prestation fut si décevante que le journal « La Razón » écrivit sur Scarone : « jugó más mal que los demás. Se cayó 22 veces en el partido, cuando podía jugar la pelota. Es malo caerse » (Il a joué moins bien que les autres. Il est tombé 22 fois dans le jeu, alors qu’il pouvait jouer le ballon. C’est mauvais de tomber). A la fin du match, le père de Carlos Scarone, qui assistait au match dans les gradins et avait supporté son club de toujours, Peñarol, célébra la victoire et répondit à son fils « perche no juega ahora usted que no es manya » (et pourquoi vous ne jouez pas maintenant puisque vous n’êtes pas des mange merde »).

Par la suite, ce terme désobligeant fut revendiqué avec fierté par les supporteurs de Peñarol. Il signifie maintenant que la fidélité et l’attachement inconditionnel au Peñarol est plus fort que les aspects économiques. Cette mésaventure ne perturba pas Carlos Scarone qui évolua avec le maillot du Nacional pendant 13 saisons (jusqu’en 1927). Il fut huit fois champion d’Uruguay avec Nacional, marquant 152 buts en 227 matchs disputés. Il fut également champion d’Amérique avec l’équipe uruguayenne en 1917 et 1920.

#363 – CA Progreso : los Gauchos del Pantanoso

Les gauchos du Pantanoso. Le club uruguayen fut fondé le 30 Avril 1917 à Montevideo, dans le quartier de La Teja, où coule la rivière Pantanoso, le deuxième cours d’eau le plus important de la baie de Montevideo. Ses membres fondateurs provenaient du syndicat des tailleurs de pierre, où le courant anarchiste faisait des émules. Si le quartier urbanisé de La Teja ne faisait pas penser à la pampa ou aux grandes étendues où les gauchos exerçaient auprès des troupeaux de vaches, les aspirations anarchistes des membres du club se rapprochaient de l’imagerie véhiculée par le vacher sud-américain. Au cours des XVIIIème et XIXème siècles, de nombreux gauchos vivaient dans les pays sud-américains, allant de ranch en ranch. Ces hommes conduisaient et élevaient le bétail. Le gaucho joua un rôle important et symbolique pour les uruguayens. Ils représentaient la liberté, le courage de se frayer un chemin dans la vie en s’accrochant à leurs propres idéaux et croyances. Le gaucho fut souvent utilisé dans la littérature pour donner un visage à la lutte contre la corruption. Ces valeurs étaient finalement partagées par les anarchistes du club.

#331 – Liverpool FC : Negriazules

Les noir et bleu. Il s’agit bien évidemment d’une référence aux couleurs du club, qui a toujours évolué avec ces deux couleurs. Né en 1915, les fondateurs optèrent pour le nom de Liverpool pour rendre hommage à l’équipe anglaise des Reds, déjà deux fois championne d’Angleterre à cette époque. Non seulement les anglais inventèrent le football mais surtout au début du XXème siècle, ils l’exportèrent un peu partout dans le monde. Sous influence et dans l’admiration, les jeunes qui créaient des clubs souhaitaient les angliciser, soit dans le choix du nom, soit dans celui des couleurs ou du style de maillot. L’Uruguay n’échappa pas à cette mode et ainsi naquit le Montevideo Wanderers (cf article #150), Dublin FC ou encore le Bristol FC. Les membres fondateurs du Liverpool FC, étudiants du Colegio de los Padres Capuchinos, cherchèrent également un nom anglais et se penchèrent donc sur une carte du pays. L’un d’eux, José Freire, arrêta ses yeux sur la ville de Liverpool et se souvint de l’insistance de son professeur de géographie à mentionner cette ville comme le principal port exportateur de charbon d’Angleterre. Ainsi, presque tous les navires anglais qui opéraient à Montevideo provenaient de Liverpool. Un lien existait donc entre les deux villes et son équipe de football était forte. Ceci justifia de retenir Liverpool comme nom. Toutefois, l’hommage rendu au club anglais se limita au nom car les fondateurs retinrent les couleurs noir et bleu (et non le rouge). En fait, ils souhaitèrent cette fois rendre hommage à deux autres clubs de football mais uruguayens. Le bleu était associé au club dénommé Titán, champion d’une ligue régionale. Le noir était la couleur du club de Defensa, une autre équipe renommée de l’époque.

#245 – Defensor SC : el Tuerto

Le borgne. Pas évident d’être compétitif quand son équipe est handicapée. Pourtant, la version officielle de ce surnom fait effectivement référence aux « borgnes » ayant joués pour le club. Au milieu des années 1920, l’équipe était constituée de trois joueurs souffrant d’une anomalie de la vue (pour certain ce n’était qu’un strabisme). Il s’agissait d’Alfredo Ghierra (fondateur du club), son frère Adolfo Ghierra et Manuel Bravo. Cet handicap ne fut pas un obstacle à la carrière des deux frères Ghierra puisqu’ils furent internationaux uruguayens et Alfredo fut même champion olympique en 1924 et champion d’Amérique du Sud en 1923, 1924 et 1926. Même si leurs résultats en club furent moins flamboyant, beaucoup de gens allaient les admirer jouer même sans être supporteurs du club. Ils disaient alors « nous sommes allés voir le borgne ». Le surnom prit alors racine. Pour certains (et ce n’est pas le cas de la version officielle), ces problèmes oculaires seraient liés à l’autre métier exercé par les joueurs de l’équipe. En effet, plusieurs auraient été des ouvriers d’une verrerie de Punta Carretas, quartier de Montevideo où naquit le club, et ils se seraient blessés aux yeux avec des éclats de verre. Cette version n’est pas appuyé d’éléments probant et pourrait être un amalgame avec les origines du club. En effet, le nom « Defensor » vient d’une équipe formée en 1906 par des ouvriers d’une verrerie de Punta Carretas, appelée « Defensores de la Huelga ». Enfin, en parallèle de la version officielle, une autre histoire circule sur ce surnom. Dans le quartier de Punta Carretas, il y a un phare, construit en 1876 et mesurant 19 mètres de haut. Symbole du quartier, il apparaît sur le blason du club. Ce phare clignote pour se distinguer des autres (depuis 1948, alternance d’un flash rouge et d’un flash blanc). Cet effet aurait donné l’impression aux personnes qui l’observait qu’ils leur manquaient un œil (ou qu’ils clignaient des yeux).

#150 – Montevideo Wanderers FC : Bohemios, Vagabundos

Bohémiens, vagabonds. Si vous parlez anglais, vous comprenez immédiatement d’où provient ce surnom puisque wanderers signifie, dans la langue de Shakespeare, vagabond. Ce club de Montevideo, aujourd’hui éclipsé par les mastodontes que sont Peñarol, Danubio et Nacional, demeure une équipe historique du paysage du football uruguayen : 3 fois champions d’Uruguay, notamment dans les premières années d’existence, et club formateur du talentueux Enzo Francescoli. Il eut l’honneur d’être l’un des 3 clubs uruguayens (avec le National et l’Albion), à concourir au niveau international en tant qu’équipe nationale uruguayenne de football. Il joua aussi un rôle fondamental dans la promotion de la Fédération Uruguayenne de Football et l’un de ses membres soutint la fondation de la confédération continentale, CONMEBOL.

Fondé officiellement le 15 août 1902 (même s’il existe des traces d’une existence dès la fin du XIXème siècle), le club fut instauré par une bande de jeunes étudiants qui ne se retrouvaient plus dans la politique du club de l’Albion FC. Parmi ces étudiants, les frères Juan et Enrique Sanderson, qui lors d’un voyage au sein de leur famille expatriée en Angleterre, découvrit l’équipe des Wolverhampton Wanderers. Pour rendre hommage au vainqueur de la Cup en 1893, ils firent adopter par les membres le nom de Wanderers. Ce choix n’était pas uniquement lié à l’équipe anglaise car il faisait état aussi du dénuement du nouveau club. En effet, l’association manquait de moyens : pas de stade attitré et pas de siège. Les joueurs « vagabondaient » donc d’un lieu à un autre pour jouer à leur sport favori (ce qui était d’ailleurs souvent la raison pour laquelle les clubs anglais s’appelaient wanderers). Il s’installa dans son stade actuel, le Stade Alfredo Víctor Viera, une enceinte de 10 000 places, en 1933.

#109 – Danubio FC : la Franja

La bande. Le maillot blanc du club uruguayen affiche une bande noire qui démarre sur l’épaule gauche et finit en diagonale sur l’aine droite. Tout d’abord, avant la fondation du Danubio, une première tentative de club fut réalisée en 1930, connu sous le nom de Tigre. Chaque joueur apporta un maillot blanc, sur lequel María Mincheff de Lazaroff (dont deux des enfants, Mihail (Miguel) et Ivan (Juan), comptaient dans l’équipe) cousit un détail noir au niveau du cœur. En 1932, une nouvelle tentative fut lancée et donna naissance au Danubio FC. Pour financer le premier jeu de maillot, les fondateurs eurent l’idée d’organiser une tombola. Alcides Olivera, frère aîné de deux des fondateurs, acquit 10 billets de tombola, à condition que les maillots soient identiques à ceux du club des Wanderers Montevideo, dernier champion amateur d’Uruguay en 1931. Ainsi, le maillot du club fut rayé noir et blanc.

Mais, en 1936, lors d’un tournoi organisé par la Liga Parque Rodó, l’organisateur exigea que le club changea de maillot car il ressemblait trop à celui d’une autre équipe (Universal Ramírez). Sans vouloir changer les couleurs, la solution fut trouvée par un joueur de l’équipe, Alfredo López, qui déclara « hagámosla como la de River argentino pero con la banda negra » (Faisons-le comme le club argentin de River Plate mais avec une bande noire). La diagonale noire apparut donc sur le maillot blanc et fut le marqueur du club. Pendant quelques années après, le maillot rayé noir et blanc continua d’être utilisé. Puis, en 1942, le club changea de tenu et adopta définitivement la diagonale noire. En 1967 et en 1968, pour une raison inconnue, la diagonale apparaissait bien sur le maillot mais elle démarrait de l’épaule droite pour finir sur l’aine gauche (l’inverse de la direction traditionnelle).

#62 – Peñarol Montevideo : Carboneros

Les charbonniers. Tout remonte aux origines du club. Le 28 septembre 1891, 118 employés de la compagnie Central Uruguay Railway créèrent le Central Uruguay Railway Cricket Club, un club de cricket et de rugby (puis de football dans les années qui suivirent). Parmi ces cheminots, 72 étaient de nationalité anglaise, 45 uruguayens et un allemand. La présence d’autant de cheminots n’était pas le fuit du hasard car le quartier de Peñarol était l’un des centres névralgique du secteur ferroviaire du pays. En 1891, la compagnie Central Uruguay Railway acquit 17 hectares dans le quartier de Peñarol et y installa ses ateliers ferroviaires ainsi qu’une gare. 52 logements furent également construits pour les cheminots, tant pour les ouvriers que pour les cadres supérieurs, ainsi que des installations culturelles (théâtre et cinéma) et sportives dont le Central Uruguay Railway Cricket Club profita. Cet enclave ferroviaire contribua nettement au développement de la région. Jusqu’à la suppression du service voyageurs en 1987, la vie du quartier fut modelé par l’activité ferroviaire. Le quartier se réveillait à 6 heures avec la sirène aigu des ateliers, qui se répétait avec un son plus grave 15 minutes plus tard. Puis, à 14 heures, une nouvelle sirène libérait les ouvriers. La Central Uruguay Railway était une société d’origine anglaise qui avait la charge de la gestion des chemins de fer en Uruguay depuis 1878, avec quatre autres compagnies ferroviaires. Elle était considérée comme la plus importante, car il disposait du plus grand réseau ferré (environ 1 560 kilomètres de voies).

La section football du Central Uruguay Railway Cricket Club devint indépendante en 1913 pour devenir Peñarol. Mais, pour rappeler le lien originel avec le monde ferroviaire, le surnom carboneros s’imposa. Car, les locomotives à vapeur avaient comme source d’énergie le charbon … d’où les charbonniers.