#977 – Shamakhi FK : şirlər

Les lions. Double vainqueur du championnat azéri (2008 et 2010) et double vainqueur de la coupe nationale (2018 et 2021), le club fut fondé en 1997 au sein de l’Université de Khazar, l’un des établissements d’enseignement supérieur privés d’Azerbaïdjan, situé dans la capitale du pays, Bakou. Deux ans après sa fondation, la formation amateur intégra la ligue nationale. En 2004, la banque d’Etat Azərbaycan Beynəlxalq Bankı (ABB – Banque Internationale d’Azerbaïdjan) racheta les droits du club pour créer l’Inter Bakou. Le club connut ses belles heures en produisant un football offensif. Mais, à compter de la saison 2015-2016, l’Inter fit face des difficultés financières, le soutien de la banque diminuant. Fin 2017, la banque annonça la fin de son partenariat avec le club, qui amena un changement de nom pour Keşla FK. Parallèlement, en 2020, la construction d’un nouveau stade, d’une capacité de 2 200 places, fut lancée dans la ville de Shamakhi, financée conjointement par la fédération azéri, la ville de Shamakhi et l’UEFA. L’inauguration eut lieu le 1er novembre 2021 et, afin d’exploiter régulièrement ce nouveau stade et de soutenir le développement du football dans les régions, il fut proposé à Keşla FK de représenter la ville de Shamakhi. Le club répondit positivement à cette idée, lui permettant de se développer dans une grande ville régionale et sans concurrence. Ainsi, en 2022, le club déménagea et changea de nouveau de nom pour Shamakhi FK.

Avec le changement de nom, un nouveau logo fut dévoilé. Il représentait deux lions se faisant face et séparé par un ballon de football. Cette représentation faisait directement référence aux armoiries de l’Etat des Chirvanchah. Ces derniers présentaient deux lions se faisant face avec une tête de taureau qui s’y intercalait. L’Etat des Chirvanchah existait dans le Caucase du Sud-Est entre 861 et 1538 et couvrait principalement l’actuelle République d’Azerbaïdjan. Fondé par une dynastie arabe, les Mazyadides puis développé par une autre, les Yazidide, cet Etat vécut en étant le vassal des différentes empires voisins (Seldjoukides, Mongols, Timourides, Séfévides et de l’Empire ottoman). Shamakhi fut la capitale de cet Etat de 918 à 1192, puis en raison des récurrents séismes que subissait la cité, le pouvoir se partagea entre Shamakhi et Bakou. L’emblème de cet Etat serait apparu au Xème siècle et les lions étaient un symbole du pouvoir et de la puissance de l’État de Shirvanshah tandis que la tête de taureau était un symbole d’abondance pour le pays. Pour le club, les lions étaient également symbole de puissance mais aussi de pratique d’un football offensif.

#889 – Qarabağ FK : Qaçqın Klub

Les club des réfugiés. Si le club évolue à Bakou, il représente avant tout la région montagneuse du Haut-Karabagh, située à près de 350 km de la capitale azéri. Se plonger dans l’histoire du club s’est mettre le doigt sur un conflit non résolu, qui empoisonne la vie des azéris et des arméniens. Le club est fondé en 1951 dans la ville d’Aghdam dans le Haut-Karabagh. Puis, après l’effondrement du régime soviétique, il émigra, comme ses supporteurs vers Bakou. Il est donc le représentant des réfugiés de la ville et de cette région. Mais que s’est-il passé à l’époque ?

Quasiment depuis le fin fonds de l’histoire, la région fut déchirée entre les arméniens chrétiens d’un côté et des peuples arabes ou perses musulmans de l’autre. N’allons pas aussi loin et démarrons l’histoire au XXème siècle. Sous domination de l’Empire russe au début de ce siècle, la république démocratique d’Arménie et la république démocratique d’Azerbaïdjan, qui se déclarèrent indépendantes le même jour, le 28 mai 1918, profitèrent de l’instabilité liée à la révolution communiste pour s’opposer sur le Haut-Karabagh. Forcément, la guerre éclata. Mais, les deux perdirent puisque l’URSS mit fin au conflit en réintégrant l’Arménie et l’Azerbaïdjan en son sein en 1920. Peuplait alors à 95% par des arméniens, Staline décida en 1921 de rattacher le Haut-Karabagh à la république socialiste soviétique d’Azerbaïdjan. Deux ans plus tard, le Haut-Karabagh devint un oblast autonome, enclavée au sein de l’Azerbaïdjan, donc en réalité dépendante de ce dernier. Sous le joug de Moscou, qui contrôlait ses républiques unifiées d’une main de fer, les velléités nationalistes des deux parties se réveillèrent seulement au moment de la pérestroïka (1988). Avec l’effondrement de l’URSS en 1991 et la nouvelle indépendance de l’Azerbaïdjan et l’Arménie, le confit militaire non-résolu du début du siècle refit surface. Les habitants du Haut-Karabagh déclarèrent leur indépendance avec la volonté de faire sécession de l’Azerbaïdjan et s’unir avec l’Arménie. L’Azerbaïdjan imposa un blocus au Haut-Karabagh, qui reçut le soutien de l’Arménie. Après 3 ans de conflit, il fallut tout le poids de la France, des Etats-Unis et de la Russie pour imposer un cessez-le-feu sans pour autant trouver une solution durable. La première guerre du Haut-Karabagh était donc officiellement terminée mais entraina le déplacement de milliers de personnes. En particulier à Agdam, ville du club de Qarabağ, qui était située près de la ligne de front. Composée de près de 30 000 habitants, la cité se vida littéralement à l’issue de ce conflit de ces citoyens azéris. Territoire non reconnu par l’ONU et non soumis à l’Arménie ou à l’Azerbaïdjan, le Haut-Karabagh survit ainsi pendant quasiment une trentaine d’année. En septembre 2020, soutenu par la Turquie, l’Azerbaïdjan attaqua le Haut-Karabagh. L’Arménie répliqua en déclarant la guerre. Un accord de cessez-le-feu fut signé le 10 novembre 2020. La ville d’Agdam retomba sous l’emprise azérie, poussant ses habitants arméniens à partir. Les réfugiés azéris à Bakou comme leur club de Qarabağ ne retournèrent pas à Agdam, cette dernière devenant une ville fantôme.

L’histoire du club s’inscrivit totalement dans l’Histoire mouvementée et sanglante de la région. Pendant le conflit 1991-1994, selon la légende, les joueurs auraient voulu prendre les armes. Mais, l’armée refusa en répondant qu’il était plus difficile de recruter onze footballeurs que onze soldats. Néanmoins, le joueur, puis entraîneur Allahverdi Bagirov troqua son survêtement pour le trellis. Il mourut le 12 juin 1992 dans l’explosion de sa voiture sur une mine antichar, devenant alors un héros national. En 1993, alors que les troupes arméniennes prenaient la ville d’Agdam et pilonnèrent le stade, Qarabağ devenait champion d’Azerbaïdjan. Au début des années 2000, le club était au bord de la faillite. L’autocrate azéri, Ilham Aliyev, vint au secours du club, en favorisant sa reprise par le richissime conglomérat Azersun. L’objectif du pouvoir était de faire du club l’étendard des revendications des azéris sur le Haut-Karabagh et une cause nationale. Pendant longtemps, des cars viendront chercher les supporteurs dans les camps de réfugiés pour les emmener à Bakou voir les matchs. Aujourd’hui, les ultras du groupe Imarat revendiquent le slogan « Aujourd’hui ultras, demain soldats », affirmant ainsi leur volonté de prendre à tout moment les armes pour reprendre « leur » terreLe club a dépassé le statut d’association sportive pour être le symbole des 600 000 natifs du Haut-Karabagh réfugiés à Bakou et en Azerbaïdjan. Ses parcours dans les compétitions européennes sont un moyen de mettre sous la lumière des projecteurs l’histoire de cette partie du monde et leur cause.

Pour en connaître plus sur le conflit et de manière générale sur la géopolitique dans le football, rendez-vous sur FC Géopolitics.

#825 – Neftchi PFK Bakou : Neftçilər

Les pétroliers. Tiré du nom du club qui lui même dérive du terme azéri neft qui signifie pétrole. Le club naquit le 18 mars 1937 de la volonté des ouvriers des compagnies pétrolières situées à Bakou. Les fondateurs relièrent le club avec leur métier avec de nombreux symboles. Le plus évident fut le choix du nom du club нефтяник (à l’époque en russe, l’Azerbaïdjan étant une république soviétique) qui signifiait « pétrolier ». Puis, le blason du club incorpora un derrick, ouvrage le plus visible des puits de forage (encore dans l’écusson aujourd’hui), avec en arrière plan un H, première lettre du nom du club. Enfin, l’équipe évolua dans un maillot noir et blanc, dont la couleur noire rappelait évidemment l’or noir. Le club fut intégré au syndicat des ouvriers du pétrole sous l’égide du Ministère Soviétique de l’Energie. Ce lien avec l’activité pétrolière n’a jamais cessé malgré l’effondrement du système soviétique. Aujourd’hui, Azərbaycan Respublikası Dövlət Neft Şirkəti (SOCAR), compagnie pétrolière détenue par l’Etat azéri, demeure toujours l’un des sponsors principaux de l’équipe.

Situé sur les rives de la Mer Caspienne, Bakou est une ville portuaire et une station balnéaire, dont la vue du soleil couchant est perturbée par les derricks et les plateformes pétrolières. En effet, les champs pétrolifères de Bakou constituent l’un des plus vieux centres de production de pétrole et de ses dérivés. L’exploitation industrielle de cette ressource débuta en 1871 avec Ivan Mirzoev et l’activité attira rapidement les frères Nobel (acquisition en 1873 d’une raffinerie pour 25 000 roubles) et les Rotchild. Mais, il semble que l’histoire d’amour entre le pétrole et la cité remonte encore plus loin. Marco Polo mentionnait déjà la présence de pétrole dans la région. Un puits de 35 mètres de profondeur, datant de 1594, selon une inscription, a été retrouvé près de Bakou. Au XVIIème siècle, le scientifique turc Evliya Çelebi rapporta que Bakou était entourée de 500 puits et cette description de la ville était également partagé par le voyageur allemand, Adam Olearius et le secrétaire de l’ambassade de Suède en Perse, Engelbert Kaempfer à la même époque. En 1813, le nombre de puits producteurs était de 116 et doubla quasiment en 1860. Toutefois, creusé souvent à la main, ces forages étaient peu profonds et la production était donc limitée. Mais, avec les machines et l’ingéniosité de la révolution industrielle, la production s’intensifia et à la fin du XIXème siècle, Bakou comptait déjà plus de 3 000 puits de pétrole. La cité représentait alors 95% de la production de l’Empire Russe, qui avait mis la main sur la région et était le premier producteur de pétrole mondial. En 1900, Bakou produisait 11 millions de tonnes par an de pétrole, soit 50 % de la production mondiale. Avant la Seconde Guerre mondiale, l’Azerbaïdjan produisait 23 millions de tonnes de pétrole brut par an et couvrait les trois quarts des besoins de l’Union Soviétique. En 1920, l’Institut polytechnique de Bakou fut créé, devenant la référence européenne et asiatique de la formation des scientifiques et des ingénieurs de l’industrie pétrolière. En 1947, débuta l’exploitation offshore. Le pays est devenu nettement dépendant de cet or noir, qui génèrent les deux tiers de ses revenus. Néanmoins, même si le sol regorge de pétrole et de gaz, d’autres champs apparurent en Asie Centrale (et ailleurs dans le monde évidemment) et les espoirs des compagnies pétrolières se sont progressivement déplacés vers le Kazakhstan. A fin 2020, l’Azerbaïdjan ne représentait plus que 0,4% des réserves mondiales de pétrole et en 2021, sa production s’élevait à 722 000 barils par jour, soit 1,2% de la production mondiale.