#1085 – Cowdenbeath FC : the Blue Brazil

Le Brésil bleu. Dans le Nord des Îles Britanniques, avec ses terres arables arrosées par une pluie fine et grevées par les anciennes veines des mines de Charbon, Cowdenbeath ne présente guère le paysage brésilien verdoyant et chaleureux de l’imaginaire populaire. Pourtant, l’équipe locale, dont le palmarès demeure famélique malgré 142 ans d’existence, a gagné ce surnom. L’origine exacte est méconnue et donc plusieurs légendes existent autour du surnom.

La plus simple se rattache à la couleur des maillots de Cowdenbeath. Fondé en 1882 par la fusion de deux clubs, Cowdenbeath Rangers et Raith Rovers, le première kit enregistré du club se composaient de maillots rayés rouges, blancs et bleus, de shorts bleus et de chaussettes rouges ou bleues. Les couleurs originelles de l’équipe furent abandonnées en 1911 pour des maillots bleus et shorts blancs, couleurs que le club porte encore aujourd’hui. Ces dernières semblent éloignées du maillot traditionnelle de la Seleção, jaune et vert. Mais, avant qu’elle ne soit identifiée à ses couleurs, la Seleção évoluait principalement en blanc jusqu’en 1950. Toutefois, le 5 Juin 1938, le Brésil affrontait la Pologne au premier tour de la Coupe du Monde. Les deux équipes évoluant en blanc, un tirage au sort eut lieu et le perdant, le Brésil dut changer d’uniforme. L’équipe trouva en urgence qu’un kit intégralement bleu. Juste après la rencontre, le Brésil réadopta son maillot blanc jusqu’à la finale perdue de la Coupe du Monde 1950. Ce drame national conduisit à changer de maillot et après un appel à candidature, le maillot jaune à parement vert avec un short bleu et rayure blanche apparut. Temporairement utilisé entre 1950 et 1954 comme kit principal, le maillot bleu s’imposa par la suite comme version alternative à la tunique jaune. Avec des couleurs similaires à certaines époques entre Cowdenbeath et l’équipe nationale brésilienne, cela pourrait constituer l’origine du surnom.

Les esprits taquins avancent une autre théorie remontant aux débuts des années 1980. Survivant dans les eaux troubles de la 3ème et 4ème division écossaise, le club connaissait une situation financière fragile et la vente régulière de ses meilleurs joueurs constituait la seule stratégie pour équilibrer ses comptes. A la même période, la situation des finances publiques brésilienne n’était pas plus florissante. En 1982, la défaillance du Mexique entraina une hausse des taux d’intérêt et plongea les autres pays en développement, dont le Brésil, dans la crise de la dette. En manque de financement extérieur, le Brésil fut forcé de restreindre ses dépenses publiques et de déprécier fortement sa monnaie. Résultat, les finances de l’Etat Brésilien, lourdement endetté auprès de créanciers étrangers, se dégradèrent fortement et l’hyperinflation fit son apparition. S’en suivit une décennie perdue pour l’économie.

Enfin, la dernière version, même si elle est une fable, mérite d’être racontée. Elle rapporte qu’un trio de joueurs brésiliens jouèrent (ou plutôt se perdirent) du côté de Cowdenbeath. A la fin du XIXème siècle, la région de Fife, et en particulier la cité de Cowdenbeath, était toute tournée vers l’exploitation de mines de charbon. Les mineurs percevaient une rémunération en fonction de leur production quotidienne. Poussés à augmenter les rendements pour gagner un salaire décent, certains mineurs creusèrent si loin leur veine qu’ils atteignirent la surface. Etonnés par les vêtements des personnes rencontrées, les mineurs s’imaginèrent avoir atteint Édimbourg. Mais, ne comprenant par la langue des habitants, ils découvrirent qu’ils avaient creusé jusqu’au Brésil. De cette expédition, les mineurs, dont certains évoluaient dans les rangs de Cowdenbeath, ramenèrent trois jeunes brésiliens amateurs de football. Ces 3 joueurs furent intégrés dans l’équipe lors d’un match contre les rivaux de Dunfermline. Surpris par la couleur de peau plutôt mat de ces 3 joueurs, l’arbitre interrogea le capitaine de Cowdenbeath qui lui répondit qu’il s’agissait de 3 mineurs qui venaient à peine de sortir de la mine et n’avaient pas eu le temps de prendre une douche. Cowdenbeath écrasa Dumfermline 11 buts à 1 et les 3 joueurs, qui préfèrent, vu le climat, retourner dans leur pays, laissèrent un souvenir impérissable et un joli surnom.

#1075 – Grêmio Barueri : Abelhão

Les abeilles. Fondé le 26 Mars 1989, le club représente Barueri, une ville à la périphérie Nord-Ouest de la métropole de São Paulo. Au début de l’année 2010, après des divergences politiques entre les anciens propriétaires du club et la municipalité de Barueri, le club déménagea à l’ouest de São Paulo, dans la ville de Presidente Prudente mais finalement revint dans sa ville d’origine le 11 mai 2011.

Le club se choisit comme mascotte un animal assez peu utilisé par les autres clubs sportifs brésiliens, l’abeille (EC São Luiz a un bourdon comme mascotte). L’insecte véhicule de nombreuses valeurs que le club voulait défendre. L’abeille exprime la simplicité, la force du travail collaboratif et la production de richesse. En effet, si une abeille seule apparaît petite et faible, lorsqu’elles sont en groupe, elles deviennent fortes et capables de réaliser des travaux importants. Plusieurs de leurs piqures peuvent abattre un gros animal, même un homme. Enfin, la ruche produit du miel, un produit naturel et sain mais également de la gelée royale, les deux produits représentant une grande valeur économique. Humilité et travail d’équipe pour obtenir un résultat riche, ce sont les valeurs que la direction souhaitait.

#1051 – Atlético Goianiense : Dragão

Le dragon. Si de nombreux clubs ont choisi leurs mascottes bien après leur fondation, l’Atlético Goianiense hérita du choix du dragon de ses fondateurs. Le 2 avril 1937, une bande d’adolescents dont Edison Hermano (premier gardien du club), les frères Gordo – Nicanor (premier président), Afonso et Alberto – Benjamim Roriz, Ondomar Sarti, João de Brito Guimarães et João Batista Gonçalves se réunit dans le salon de l’hôtel Pouso Alto, situé dans le quartier de Campinas. Les fondateurs retinrent le rouge et le noir comme couleurs, en hommage aux deux clubs qu’ils supportaient, le Flamengo et le São Paulo FC. Par ailleurs, ils décidèrent de prendre un dragon pour mascotte. L’animal légendaire était une figure populaire dans le quartier de Campinas dans les années 1930 grâce aux films de kung-fu qui étaient alors projetés dans les cinémas locaux. Dans la culture chinoise, contrairement à l’image violente véhiculée par le dragon européen, cette figure mythologique représente le pouvoir impérial en étant souvent à l’origine des grandes dynasties. Ce symbole de puissance plaisait aux fondateurs. Bien plus tard, la mascotte, qui a les traits des dragons asiatiques (et non européens), reçut le nom de Dragolino, un mot-valise entre Dragão et Lino. Cette décision rendait hommage au défenseur Leandro Lino de Freitas, qui marqua le but qui permit au club de remporter son 13ème titre de champion de l’Etat du Goiás en 2014.

Les autres surnoms associés sont Dragas et Dragão Campineiro.

#1004 – Volta Redonda FC : Voltaço

Comme vous l’avez compris, ce surnom est basé sur le nom de la ville où réside le club. Puis, il est associé au mot aço qui signifie « acier » . Habitée par les Indiens Puris et Acaris, la région fut colonisée au milieu du XVIIIème siècle par des jésuites et des explorateurs. La rivière Paraíba do Sul dessinant une drôle de courbe, ils appelèrent cet espace Volta Redonda (Courbure ronde). Concentrée sur les activités agricole, le village de Volta Redonda commença son développement vers 1875 avec des comptoirs commerciaux installés le long de la rivière et l’arrivée du train.

Le tournant se situa pendant la Seconde Guerre mondiale qui favorisa l’industrialisation du Brésil. Afin de fournir les Etats-Unis en acier et développer l’indépendance du pays, le président de la dictature brésilienne décréta la création d’une aciérie et le colonel Macedo Soares, futur gouverneur de Rio de Janeiro, impulsa pour la réaliser à Volta Redonda. Le 9 avril 1941, la société publique Companhia Siderúrgica Nacional (CSN) fut créé et en 1946, débuta l’exploitation de l’usine, alimentée par les mines de Casa de Pedra. Dans les années 1980, l’entreprise connaît des agrandissements successifs, portant la capacité à 4,6 millions de tonnes d’acier produit par an tandis que la production de minerai de fer de la mine atteint 12,6 millions de tonnes par an. Près de 25 000 personnes travaillaient alors pour la CSN. Privatisée en 1993, la compagnie s’est diversifiée et est côté à la bourse de New York. L’usine de Volta Redonda demeure toujours un des principaux sites du groupe et surtout une des plus importantes aciérie d’Amériques du Sud, avec une capacité de production de 5,8 millions de tonnes d’acier brut par an.

En 1975, avec le regroupement des États de Rio de Janeiro et de Guanabara, les fédérations sportives des deux États fusionnent. Le président de la ligue de Volta Redonda poussa à la création d’un nouveau club qui pourrait représenter la ville dans la nouvelle ligue de l’Etat. Ainsi, naquit en 1976 le Volta Redonda FC. Naturellement le CSN fut un soutien du club, notamment en rénovant son stade de Estádio Raulino de Oliveira qu’il mit à la disposition du nouveau club.

#981 – EC Juventude : Papada, Papo

Les parleurs, bavards. Le 29 juin 1913, un groupe de 35 jeunes de la ville de Caxias do Sul, membres d’une association culturel et sportive dénommée « Recreio da Juventude » , décidèrent de fonder un club de football. Le club connut rapidement une belle première période dans les années 1920 quand la Fédération de football de Riograndense (aujourd’hui Gaúcha) créa un championnat officiel réservé aux équipes de Caxias do Sul. La Juventude remporta six titres de champion de la ville entre 1920 et 1926. Cette période fut couronnée par le titre de champion de la région en 1926. Ce palmarès consacra la supériorité locale de la Juventude et accroissait son prestige dans tous les coins de l’État. Mais, avant 1920, les débuts de Juventude furent précaires sur le plan sportif et financier. Résultat, les adversaires du club n’hésitaient pas appeler le club, ses joueurs et ses supporteurs papada. Ce sobriquet péjoratif signifiait que les joueurs comme les supporteurs parlaient beaucoup mais peu de football. En clair, ils étaient « grandes gueules », tchathaient mais sur le terrain cela ne suivait pas ou ils ne connaissaient pas le football. Avec le temps, les supporteurs s’approprièrent le terme pour devenir leur surnom. D’ailleurs, deux groupes de fans s’appellent officiellement ainsi (Papada et Os Loucos da Papada (le fous de papada)).

#950 – Atlético Mineiro : Campeão do Gelo

Le champion de la glace. Le club est basé dans la ville de Belo Horizonte, dans l’Etat de Minas Gerais, qui bénéficie d’un climat tropical, avec des températures qui descendent rarement en dessous de 10°C. Donc, autant dire que la glace est une denrée rare si elle n’est pas industrielle. Le surnom remonte aux années 1950, à l’issue d’une tournée de l’équipe en Europe, principalement en Allemagne. En 1950, la fédération allemande (DFB) décida d’organiser des confrontations entre une équipe brésilienne et les principales équipes allemandes. Il faut se rappeler qu’à l’époque, les matchs internationaux entre clubs n’étaient pas légions en l’absence de coupes européennes ou intercontinentales. Ainsi, pour se jauger, les tournées constituaient une échelle. Les clubs de Rio de Janeiro et de São Paulo, qui dominaient le football brésilien, refusèrent l’invitation et le choix de la DFB se reporta sur le club du Minas Gerais qui avait également une belle équipe, qui venait de remporter deux fois de suite le championnat de Belo Horizonte. Cette dernière débarqua à Francfort le 27 octobre 1950 où elle fut accueillie chaleureusement par les médias allemands, puisqu’il s’agissait de la première tournée d’une équipe brésilienne sur le sol allemand. Le 1er novembre 1950, le premier match se déroula à Munich face à Munich 1860 et se solda par une première victoire 4 buts à 3 pour l’Atlético Mineiro. Elle enchaina avec une nouvelle victoire 4 buts à 0 face à Hambourg le 4 novembre. Le 5 novembre, l’Atlético se heurta au Werder Breme et s’inclina 3 buts à 1, la fatigue des déplacements et du match joué la veille ayant pénalisé les brésiliens. Après quelques jours de repos, le 12 novembre, Schalke 04 tomba face à l’Atlético (3 buts à 1). Ce match représentait les adieux de deux légendes du clubs allemands, Ernst Kuzorra et Fritz Szepan. Le 16 novembre, le club traversa la frontière pour affronter le Rapid Vienne devant 60 000 personnes. Composé d’une grande partie de l’équipe nationale autrichienne (dont Erich Probst et Ernst Happel), Vienne s’imposa 3 buts à 0. La tournée se poursuivit dans le protectorat de la Sarre où les brésiliens rencontrèrent le FC Saarbrücken. Le 20 novembre, l’Atlético gagna le match 2 buts à 0. 2 jours plus tard, les brésiliens affrontèrent les belges du RSC Anderlecht, double champion en titre du plat pays, et les vainquirent par 2 buts à 1. L’enchainement des matchs ainsi que les conditions climatiques hivernales commencèrent à épuiser les joueurs brésiliens. Le 26 novembre, retour en Allemagne, où l’Atlético fit match nul (3-3) face à l’Eintracht Braunschweig. Le 5 décembre, nouveau match nul sur le même score face aux luxembourgeois de l’Union Luxembourg. Enfin, la tournée européenne s’acheva au Parc des Princes face au Stade Français par une victoire 2 buts à 1. Deux autres matchs avaient été programmés face à Arsenal et à Lille mais, les brésiliens étant épuisés, ils durent être annulés.

Pour une des premières équipes brésiliennes à concourir sur le continent européen, le bilan du parcours de l’Atlético Mineiro ressortit plus que positif. L’Atlético disputa dix matches et en gagna 6, en perdit 2 et fit 2 matchs nuls, marquant 24 buts et en concédant 18. Après le drame de la finale perdue de la Coupe du Monde de 1950 (où le Brésil perdit face à l’Uruguay au Maracanã – évènement connu sous le nom de Maracanaço), ce magnifique parcours de l’Atlético Mineiro face à des équipes européennes redonna de la fierté aux fans brésiliens. Disputer dix matchs dans des pays et des villes différents, dans un calendrier restreint et par un temps défavorable, avec un résultat de six victoires constitua un exploit glorieux qui donna naissance à ce surnom de Campeão do Gelo. A son retour au Brésil, le club fut honoré par la fédération brésilienne au Maracanã, avant un match du championnat carioca.

#921 – Santos FC : o Leão do Mar

Le lion de mer, plus communément appelé l’otarie. Pelé nous a quitté. Le Roi est mort. L’adage voudrait que l’on rajoute « Vive le Roi ». Sauf que son successeur n’est pas encore connu. Il ne suffit pas de s’afficher en photo avec Pelé et de croire sur parole un entourage et une bande de journalistes complaisants pour se réclamer de son héritage. Revenons à notre histoire de surnom. Celui-ci provient de l’un des hymnes du club. J’écris l’un car il existe deux hymnes pour Santos : l’officiel et l’officieux.

En 1955, un an avant que le Roi Pelé intègre les rangs de l’équipe professionnelle, Santos réalisa l’exploit de remporter le championnat de São Paulo. D’une part, peu d’équipe n’appartenant pas à la mégalopole de São Paulo parvenait alors à remporter le championnat de l’Etat. Sur les 53 premières éditions du championnat (sachant qu’il y a eu des saisons où deux ligues coexistaient), seuls deux avaient été remportés par des équipes situées hors des murs de São Paulo (dont une fois Santos en 1935). D’autre part, la victoire de 1955 mettait fin à une disette de succès pour Santos de 20 ans dans le championnat pauliste. Son attaquant Emmanuele Del Vecchio devenait meilleur buteur de la compétition avec 23 buts. Pour célébrer ce titre, une chanson fut commandée. Mangeri Neto écrivit les paroles et la musique fut composée par Mangeri Sobrinho. Elle s’intitula « Leão do Mar » ou « a marchinha Leão do Mar » (la marche du lion de mer).

Agora quem dá bola é o Santos / Maintenant Santos contrôle le ballon
O Santos é o novo campeão / Santos est le nouveau champion
Glorioso alvinegro praiano / Glorieux alvinegro praiano
Campeão absoluto desse ano / Le champion absolu de cette année

Santos, Santos sempre Santos / Santos, Santos toujours Santos
Dentro ou fora do alçapão / Que ce soit à la maison ou à l’extérieur
Jogue o que jogar / Peu importe comment tu joues
És o leão do mar / Tu es le lion de la mer
Salve o nosso campeão / Saluez notre champion

Le choix de cet animal n’est pas documenté mais l’explication la plus logique apparaît être celle-ci. Imposant, dominant, conquérant, le lion est le roi des animaux. L’équipe de Santos devait renvoyer alors cette image d’avoir dominé le championnat et d’être un lion. Or, la ville de Santos a un lien important avec la mer (#142). Donc son lion ne pouvait pas être celui de la savane mais celui de la mer. Cet hymne commença à résonner dans le stade quand deux ans plus tard, en 1957, une autre chanson apparut. Dénommée « Sou Alvinegro da Vila Belmiro » (Je suis Alvinegro de Vila Belmiro), elle fut écrite par Carlos Henrique Paganetto Roma (un ancien conseiller du club issu d’une famille étroitement liée à l’histoire de Santos. Son père, Modesto Roma, et son frère, Modesto Roma Júnior, furent présidents du club, respectivement entre 1975 et 1978 et entre 2015 et 2017) et fut approuvée le 11 juillet 1996 comme hymne officiel du club (13 ans après les décès de son créateur). Néanmoins, la chanson « Leão do Mar » avait déjà conquis le cœur de nombreux supporteurs, pour qui elle rappelait le premier succès qui allait en annoncer d’autres avec le Roi Pelé. Aujourd’hui, si « Sou Alvinegro da Vila Belmiro » est joué dans le stade avant les matchs de Santos, la foule scande encore « Leão do Mar » dans les travées. Certains médias l’utilisent également lors des retransmissions des matchs pour accompagner un but de Santos. Et quand en Septembre, en pleine convalescence, la fille du Roi Pelé donna des nouvelles de son paternel, ce fut un post où on entendait le Roi chantait l’hymne traditionnel, « Leão do Mar » .

#920 – América FC : Coelho, Coelhão

Le lapin. Mascotte du club, il est apparut pour la même raison que le coq de l’Atlético Mineiro (cf. #24) et le renard de Cruzeiro (#78). En effet, en 1945, Álvares da Silva, secrétaire du quotidien Folha de Minas, qui délivrait l’une des pages sportives les plus importantes et dynamiques de la presse du Minas Gerais à cette époque, décida d’imiter son confrère de Rio de Janeiro, Jornal dos Sports, qui avait décidé quelques années auparavant de personnaliser les équipes cariocas au travers de personnages de bande dessiné. Flamengo était Popeye, Fluminense était Pó-de-arroz, Vasco était Almirante, Botafogo était Donald Duck et America était le Diable. Álvares da Silva confia à Fernando Pierucetti (mieux connu sous le pseudonyme de Mangabeira), professeur de dessin et illustrateur du supplément littéraire et de la page pour enfants du journal, la réalisation de ces mascottes qui devaient puiser leur source dans l’univers des fables d’Ésope et de La Fontaine, mais en utilisant des animaux de la faune brésilienne. Pierucetti dessina alors la mascotte des 3 grands clubs de la ville : Atlético, Cruzeiro et América.

S’il put choisir les animaux pour l’Atlético et de Cruzeiro, le symbole pour l’América lui fut imposé. Le directeur du journal avait convaincu Mangabeira d’adopter le canard, sous les traits du plus célèbre : Donald Duck (Pato Donald au Brésil). D’une part, Donald apparaissait comme un personnage colérique et contestataire. Il était le seul club du Minas Gerais à s’être ouvertement et de manière véhémente opposé à la professionnalisation du football en 1933. Même si le club s’y résolut, la direction du club bataillait régulièrement avec la ligue sur ce sujet et d’autres. D’ailleurs, l’América avait quelque fois sollicité les tribunaux afin de régler ses différents avec la ligue, voire même demander l’annulation de matchs. D’autre part, Donald Duck était un personnage de l’univers Disney et donc américain. Or, l’América fut fondée le 30 avril 1912 par un groupe d’élèves du Gymnasium Anglo-Mineiro, une école primaire et secondaire où les cours étaient dispensés en anglais par des professeurs majoritairement nord-américains. Les fondateurs avaient une certaine admiration pour les Etats-Unis et le nom du club, même s’il avait été tiré au sort selon la légende, marquer tout de même cette passion. Ainsi, Donald Duck affronta donc le coq et le renard dans les caricatures de Mangabeira. Mais, les supporteurs de l’América ne furent pas séduit par ce parallèle et après quelques mois, Mangabeira réalisa un dessin de Donald se suicidant avec, en arrière-plan, la présence d’un lapin qui regardait la scène avec un air ironique. Il s’agissait de la première apparition de la nouvelle mascotte pour l’América. Pourquoi avoir choisi le lapin ? L’inspiration pour le choix des animaux est venue, en grande partie, d’éléments qui faisaient déjà partie de l’image des clubs. D’une part, dans les années 1940, América comptait parmi ses directeurs un certain nombre à s’appeler Coelho. D’autre part, l’animal correspondait bien au caractère gentil, doux de l’équipe et ses supporteurs (caractère dénommé fagueira en portugais-brésilien). Mangabeira déclara ainsi « coelho é um bicho que dorme de olho aberto, assim como o time do América dentro de campo e alguns dirigentes que o clube tinha e que mudaram a história da equipe » (Le lapin est un animal qui dort les yeux ouverts, tout comme l’équipe d’América sur le terrain et certains managers du club qui ont changé l’histoire de l’équipe) et « o América era um clube aceso, sempre pronto para o que desse e viesse. Ao mesmo tempo, era um clube de torcida fina. Um coelho, não é ?” (L’América était un club animé, toujours prêt à tout. En même temps, c’était un club de bons supporters. Un lapin, n’est-ce pas ?). Le lapin était donc certes intelligent mais avant tout un peu trop doux. Un animal aux antipodes de l’esprit du canard.

#904 – Cruzeiro EC : o Time do Povo

L’équipe du peuple. Au Brésil, les équipes du peuple ne manquent pas (Flamengo, Internacional, Santa Cruz, São Paulo, Corinthians …) et leurs équipes marketing en jouent. Mais, de quel peuple parle-t-on ? Une communauté culturelle et identitaire, la popularité ou une classe sociale « inférieure ». Pour Cruzeiro, tout démarre en 2015 d’une conversation WhatsApp de son vice-président du football, Bruno Vicintin, qui devint public à son insu. A l’issue d’un match nul à domicile contre son eternal rival de l’Atlético Mineiro, il écrivit dans un message « Este negócio de time do povo dói dentro da alma deles, porque eles sempre foram clube de elite, tanto que eles estão em Lourdes, né? E o Cruzeiro no Barro Preto. E o Cruzeiro foi um time de imigrante, um time de operários, e a gente tem que abraçar este negócio de time do povo também. Vou começar a falar isso » (Cette affaire de l’équipe du peuple leur fait mal dans l’âme, car ils ont toujours été un club de l’élite, au point d’être à Lourdes [quartier chic de Belo Horizonte], n’est-ce pas ? Et Cruzeiro est à Barro Preto [quartier populaire de Belo Horizonte]. Et Cruzeiro était une équipe d’immigrants, une équipe de travailleurs, et nous devons embrasser cette chose d’une équipe du peuple aussi. Je vais commencer à parler de ça). Les supporteurs de Cruzeiro adhérèrent à l’idée et une campagne utilisant le hashtag « O team do povo » se propagea rapidement sur les réseaux sociaux. Dans la foulée, les équipes communication et marketing du club prirent les choses en main. Le site internet du club affichait en grand ce slogan et un maillot spécifique fut lancé.

Les autres clubs et en particulier le rival de l’Atlético trouvèrent que Cruzeiro galvaudait ce terme et se trouvèrent plus légitimes à porter ce titre. Donc suffit-il de l’affirmer pour l’être ? Evidemment, le responsable du marketing de Cruzeiro, Robson Pires, trouva au moins trois justifications. En premier lieu, ses origines modestes. Cruzeiro fut fondé en 1921 par les immigrés italiens de la ville. Ils étaient réputés pour être travailleurs, persévérants et s’élevèrent dans l’échelle sociale de Belo Horizonte grâce à leur effort. Les premières équipes étaient renforcés par des joueurs venus du club de Yale Athletic Club, fondé dans le quartier populaire de Barro Preto. Toutefois, la communauté italienne était plutôt membre de la petite bourgeoisie que du prolétariat. Deuxièmement, sa grande base de fans. Les deux derniers matchs de Cruzeiro avant la déclaration volée de son vice-président avaient rassemblé une grande foule. Pour le championnat national brésilien, 39 042 fans s’étaient déplacés pour regarder le match face à Figueirense et, évidemment un peu plus, pour le derby face à l’Atlético (45 991 personnes). Au delà de ces deux matchs, après avoir remporté le Taça Brasil (le championnat national avant la création du Brasileirão) de 1966 et aussi la Copa Libertadores de 1976, Cruzeiro régna de manière hégémonique sur le football de l’Etat du Minas Gerais et rassembla un nombre de supporteurs toujours plus nombreux. D’ailleurs, dans les années 1970, l’écrivain et chroniqueur d’Estado de Minas, Roberto Drummond, commença à appeler les fans de Cruzeiro « China Azul » (la Chine bleue) car l’expansion rapide des fans de Cruzeiro se comparait avec la démographie forte du pays asiatique. Aujourd’hui, selon une enquête réalisée par l’Instituto Paraná Pesquisas, publiée en 2016, les supporteurs de Cruzeiro seraient huit millions, le club devenant ainsi la sixième équipe avec la plus grande base de fans au Brésil et la première du Minas Gerais. Troisième raison invoquée : tout simplement parce que le vice-président du football l’a déclarait …. Rien ne fait peur aux équipes marketing.

#871 – Fortaleza EC : Leão do Pici

Le lion de Pici. Dans les premières années d’existence du club, son siège se trouvait dans le bâtiment appelé Majestic Palace, situé sur la Praça do Ferreira. Cette dernière était à proximité de la Praça General Tibúrcio (Place du Général Tiburcio), plus connue sous le nom de Praça do Leões (Place des Lions). Cette place, aménagée au XIXème siècle, compte 2 statues de lions et une d’un tigre (souvent confondu avec un lion), toutes fondues par la célèbre fonderie française du Val d’Osne et deux d’entres elles, oeuvres du sculpteur français Henri Alfred Jacquemart. La première se trouve en haut de l’escalier et s’appelle « Lion attaqué par un serpent ». La deuxième statue présente un « Lion debout rugissant ». Enfin, la troisième est un « Tigre debout rugissant ». Etant donné que les premiers championnats étaient locaux, toutes les équipes venaient de la même commune et pour les distinguer, elles se nommèrent selon leur quartier d’origine. Ainsi, du fait de cette localisation près de la place aux Lions, les adversaires déclaraient lors des confrontations contre Fortaleza, « vamos enfrentar o time da praça do Leões » (nous allons affronter l’équipe de la place aux Lions). Ce symbole fut renforcé par la voracité du club dès les années 1920 puisque l’équipe domina le championnat régional de l’Etat du Ceará. Entre 1920 et 1940, Fortaleza remporta 11 titres (sur 21 édition). Sur les 9 premières éditions auquel Fortaleza participa, il signa l’exploit d’en gagner 7 et apparut comme un dévoreur de titres et d’adversaires. Dans les années 1940, un caricaturiste d’un journal de la ville croqua des mascottes pour chacun des participants du championnat de Ceará. Pour Fortaleza, comme l’équipe effrayait ses adversaires, la mascotte choisie fut Fortão, qui désignait une personne très forte. Puis, dans les années 1960 , le journaliste Vicente Alencarde de la Rádio Uirapuru utilisa et popularisa le surnom de Leão do Pici pour Fortaleza. Pici faisait référence au quartier du siège alors nouvellement acquis par le club où se trouve maintenant le stade Alcides Santos. Le surnom se répandit rapidement et les membres du club de supporteurs « Charanga de Gumercindo » adoptèrent bientôt l’animal comme mascotte. L’initiative fut soutenue par Silvio Carlos, qui deviendra président en 1982, et le lion devint la mascotte officielle. Cette décision survint après un voyage de Fortaleza à Belém. A cette occasion, Fortaleza affronta Remo en amical. Les joueurs de Fortaleza affichèrent une forte détermination et se battaient comme des lions sur le terrain. A noter que le surnom des joueurs de Remo était également Leão, que ce club avait gagné lors d’un match pour illustrer le comportement de ses joueurs (cf. article #469), ce qui inspira certainement encore la direction de Fortaleza. Ainsi, le surnom et la mascotte traduisaient les lieux historiques du club (Praça do Leãos, Pici) ainsi que les valeurs de dévouement de l’équipe.