#1285 – Inter Milan : Baüscia

Terme du dialecte milanais qui désigne des fanfarons. Le football s’est retrouvé rapidement être le reflet de la société, avec ses contradictions et ses oppositions. Au départ, le jeu se répandit au travers des étudiants des universités anglaises qui venaient tous des classes bourgeoises de la société. Mais, la facilité de sa pratique séduisit rapidement les couches populaires qui y voyaient un loisir simple et plaisant. Comme au XIXème et au début du XXème siècle, ces deux strates de la société ne pouvaient cohabiter ensemble, chacune se développa au sein de ses propres structures. Parfois, ces clubs ne s’ouvraient pas statutairement aux autres classes. Et lorsqu’il n’y avait pas d’interdiction, c’était tout simplement la géographie de la ville qui empêchait des joueurs de rejoindre un club d’une autre couche sociale (Les clubs étaient attachés à un quartier de la ville où était concentrée une classe). Résultat, dans les grandes villes, il existait le club de la bourgeoisie et le club des couches populaires, ouvrières.

Milan n’échappa pas à cette rivalité. Le Milan AC vit le jour en 1899 et en 1908, suite à la dissidence de certains membres, l’Inter Milan fut fondé. Chaque classe sociale supporta son club : les ouvriers étaient plutôt derrière le Milan AC tandis que la petite bourgeoisie et les classes moyennes appréciaient plutôt l’Inter Milan. On ne sait pas pourquoi la population de Milan se répartit ainsi. Les supporteurs de l’Inter Milan commencèrent à surnommer les fans du Milan AC Casciavìt qui signifie les tournevis, afin de rappeler leur origine ouvrière (#209). En réponse, les fans du Milan AC appelèrent ceux de l’Inter Baüscia pour se moquer qu’ils venaient de manière hautaine et vantarde au stade, en automobile et endimanché. Terme du dialecte lombard, Baüscia désigne en effet une personne qui prend des airs, un vantard. Il existe des variantes comme bascia et basia, qui dérive tous de mots signifiant la salive, la bave ou le crachat.

#1284 – SV Waldhof Mannheim : der Barackler

Terme familier, même péjoratif, attesté au XXème siècle, il désigne quelqu’un qui vit dans une caserne (baracke), un bidonville. Vous l’aurez compris, ce surnom constituait une moquerie des supporteurs adverses à l’encontre des fans du Waldhof Mannheim. Evidemment, ces derniers l’ont apprivoisé, approprié et aujourd’hui, aucun fan du Waldhof Mannheim ne sentirait insulté par l’utilisation de ce surnom. Au contraire.

Au XIXème siècle, la ville de Mannheim avait perdu son prestige politique, n’étant plus la résidence du Grand-Électeur palantin, mais, dans le triptyque constitué avec Francfort et Stuttgart, Manheim devint un important centre industriel. En 1883, Carl Benz fonda sa société Benz & Cie à Mannheim. Porté par le développement de l’automobile et par une activité de construction de moteur toujours importante, son usine de Mannheim s’étendait alors sur 30 000 m2. Au début du XXème siècle, Benz & Cie. était alors le plus grand constructeur automobile au monde. Un nouveau site plus grand en dehors de la ville était nécessaire et en 1908, cette usine fut ouverte sur un terrain de 311 000 m2 dans le quartier de Waldhof, en banlieue de Mannheim. À cette époque, Benz produisait annuellement en moyenne 520 moteurs et 400 automobiles, et le nombre d’ouvriers était d’environ 1 000.

Pour faire face à la grande crise du logement après la Première Guerre mondiale, huit baraques d’habitation en bois furent construites au milieu des années 1920 par la municipalité, à proximité directe de l’usine Benz, au 65 de la rue Sandgewann. Cette proximité leur valut rapidement le nom de Benz baracke (les baraques Benz). En 1930, 5 nouvelles baraques en pierre furent édifiées, portant le nombre de logements total à 166. Ces baraquements sommaires étaient destinés aux sans-abris et assistés sociaux. Le lotissement était construit de telle sorte que deux blocs d’habitation se faisaient toujours face et partageaient une voie centrale en bois qui servait de salle de bain et toilettes communes. Le nombre d’habitants étaient inconnus mais la cité était sans aucun doute massivement surpeuplée. Après la Seconde Guerre mondiale, les baraques, parfois détruites, furent rénovées ou reconstruites en pierre et abritèrent les victimes de la guerre. Puis, à compter des années 1950, de nouveaux immeubles furent édifiés, remplaçant petit à petit les anciens baraquements. En 1972, environ 4 000 personnes vivaient dans cette zone. Aujourd’hui, le quartier, qui ne compte plus aucune baraque de l’entre-deux guerre, accueille toujours des populations pauvres et fit l’objet de 3 saisons de l’émission TV-documentaire, « Hartz und herzlich » , qui narre la vie quotidienne des personnes qui vivent dans des zones dites socialement défavorisées.

#1117 – CA Unión Santa Fe : los Tatengues

Dans l’argot argentin du début du XXème siècle, il existait ce mot, tatengue. Ce terme désignait les personnes appartenant à la bourgeoisie, l’élite et qui étaient raffinés. La traduction n’existe pas mais nous pourrions dire « bien-né » ou « snob ». Pour certain, l’équivalent actuel serait le mot cheto qui est utilisé dans de nombreux pays sud-américains pour désigner péjorativement quelque chose ou quelqu’un de distingué, de snob, de « m’as-tu-vu » . Pour comprendre, pourquoi les supporteurs de l’Unión sont appelés ainsi, il faut aussi se reporter au surnom de son grand rival, le CA Colón. Car, comme pour les deux grands rivaux de Rosario, CA Newell’s Old Boys et le CA Rosario Central (cf. #104 et #681), les surnoms de l’Unión et de Colón se lisent en miroir.

Colón était moqué par les fans adverses de l’Unión avec le sobriquet los sabaleros. Ce terme provient de l’argot sabalaje, qui désigne de manière péjorative un groupe d’individus pauvres, venant des banlieues ou vivant dans la boue, à l’image du club de Colón qui résida et réside toujours dans les quartiers périphériques de la ville de Santa Fe et dont les supporteurs viennent des classes populaires (cf. #692). A l’inverse, le club de l’Unión fut fondé le 15 avril 1907 par un groupe d’amis qui avaient quitté le Santa Fe FC et étaient arrivé à la conclusion qu’aucun club ne les accepterait. Les fondateurs dirigés par Belisario Osuna se rencontrèrent alors dans la maison familiale d’un des membres (Antonio Baragiola), située dans la rue Catamarca (aujourd’hui Avenue Eva Perón), au cœur du centre ville. Le siège du club comme le stade où il jouait dans ses premières années se situaient également dans le centre ville. Même si le club se déplaça, cette position géographique centrale ne changea pas jusqu’à aujourd’hui. Ces quartiers du centre étaient ceux des classes sociales aisées. En les surnommant tatengues, les fans des équipes adverses insultaient ceux de l’Unión mais comme souvent, le sobriquet devint un motif de fierté, une composante de l’identité du club. Ainsi, la rivalité entre l’Unión et Colón synthétise l’affrontement entre ceux vivant dans le centre et ceux des quartiers périphériques, les riches contre les pauvres.

Un autre surnom en est dérivé : el Tante.

#963 – Atlético Clube de Portugal : Carroceiros

Les charretiers. Club de la ville de Lisbonne fondé le 18 septembre 1942, à la suite de la fusion entre Carcavelinhos FC et União Lisboa, l’Atlético Clube de Portugal constitua, selon le site du club, une « bouffée d’air frais » face aux 3 grands qui dominaient le football portugais. En effet, les premières années de la nouvelle association s’avérèrent être les plus réussies, avec 2 apparitions en finale de la Coupe du Portugal ainsi que 2 places sur le podium du championnat national de première Division.

Les origines du club remontent donc à ses deux fondateurs. D’un côté, União Lisboa fut créé le 3 mars 1910 par un groupe de 15 amis. De l’autre, le Carcavelinhos FC s’établit deux ans plus tard, le 14 février 1912. Ces deux entités étaient situées dans le quartier lisboète d’Alcântara, à l’Ouest du centre ville. Village de fermiers périurbain jusqu’au XVIIIème siècle, le quartier s’intégra petit à petit à la capitale portugaise et se transforma en un important centre industriel à compter du XIXème siècle, principalement tourné vers les entreprises textiles et la production de savons, bougies et d’huile d’olive. Au XXème siècle, l’Empresa Industrial Portuguesa, une des plus grandes usines métallurgiques du pays, opérait à Alcântara. Bénéficiant d’un accès au Tage, des docks purent également s’établir dans cette aire. Naturellement, la population qui s’installa dans ce quartier était principalement constituée des ouvriers des usines avoisinantes et des dockers. Ainsi, les deux associations, União et Carcavelinhos, tout comme leur enfant, l’Atlético, bénéficiaient d’un soutien prolétaire. Or, dans ce quartier bouillonnant, les supporteurs du club se déplaçaient en chariot (pratique pour des dockers ou des ouvriers) dont les chevaux revêtaient un drapeau de l’Atlético. D’où le surnom dont héritèrent les supporteurs.

#958 – Exeter City FC : the Grecians

Les grecs. Je vous rassure tout de suite. Les îles britanniques n’ont pas dérivé pour atteindre les côtes hellènes. Ce surnom a toujours laissé perplexe de nombreux fans d’Exeter City, ce qui donne naturellement lieu à de nombreuses spéculations et débats.

Rappelons d’abord que le club fut fondé officiellement en 1901 sous le nom de Sidwell United, les joueurs venant notamment de l’Ecole de St Sidwell située sur Sidwell Street. Ensuite, ce surnom des Grecians n’est pas attaché uniquement aux joueurs mais aux habitants de la paroisse de St Sidwell et finalement à ceux de la ville d’Exeter. L’historienne locale Hazel Harvey dans son histoire de Sidwell Street retrouva des publications de 1737 où les résidents de Sidwell se désignaient eux-mêmes comme des Grecs. En 1835, Charles Dickens mentionnait aussi ce sobriquet dans le magazine « All Year Round ». Pour le club, après quelques tentatives comme United ou Saints qui ne prirent pas, le journaliste de l’Evening Post utilisa le terme grecians pour la première fois le 6 décembre 1901. Parlant de l’affrontement du lendemain contre St David’s dont l’enjeu était la première place du classement, il écrivit « if the Grecians should pull the match off they feel assured of obtaining the trophy » (si les Grecs réussissent le match, ils sont assurés d’obtenir le trophée).

Commençons par les légendes peu probables mais qui circulent. Certains disent que les supporteurs chantaient « We hate the Green Ones » (Nous détestons les verts) qui se serait transformé en « We are the Grecians » (Nous sommes les Grecs). D’autres fans préfèrent dire que le nom est né parce que les joueurs jouaient comme des dieux grecs. Un peu plus flatteur que des erreurs de prononciation. Une autre version propose que le surnom provient d’une bijouterie de Sidwell Street, située près du terrain du club, qui avait accroché à l’extérieur de sa vitrine une horloge affichant le nom grecians sur son cadran. Il est également suggéré que le surnom dérive d’un groupe d’enfants de St Sidwell qui étaient appelés les « Greasy Un’s » (les graisseux, du fait qu’ils étaient sales en raison de leur pauvreté). Greasy Un’s serait devenu Grecians. Une autre histoire avance que le nom gallois de la ville d’Exeter, Caerwysg, donna le gentilé de Caer Iscuns, qui éventuellement muta en grecians. Il y a aussi la possibilité que ce surnom provienne de la présence d’une forte communauté Grec orthodoxe qui s’installa au XIXème siècle dans le quartier où fut érigé en 1904 le stade du club, St James Park.

Voila donc résumé un certain nombre de légendes qui entourent ce surnom. Mais, elles paraissent toutes pour des raisons différentes improbables. En fait, les versions plausibles tournent autour d’un point commun : la position du quartier de Sidwell par rapport au centre ville d’Exeter. Situé en dehors des murs du centre ville cossu, Sidwell regroupait des classes laborieuses et pauvres qui se sentaient un peu exclu. Historiquement, les personnes qui habitaient dans l’enceinte d’Exeter étaient souvent appelées les Romains. La raison est qu’ils vivaient à l’emplacement de la ville romaine (Isca Dumnoniorum) mais aussi parce que ces citoyens étaient considérées comme l’élite riche et dirigeante de la région. Les habitants de St Sidwell voulaient se distinguer des « Romains » et considèrent le surnom de Grecs. Ils trouvèrent intéressants de se comparer aux héros grecs rusés qui eurent raison des Troyens qui se pensaient en sécurité, protégés par leurs murs (comme les « Romains » d’Exeter). Cela donnait aussi une meilleure image à ses habitants pauvres de la ville. Une autre version se rapproche de celle-ci avec un peu plus de précisions. En effet, en 1726, lors d’une foire à Southernhay, un autre district près du centre-ville, pour une raison obscure, le siège de Troie fut reconstitué. Lors de la distribution des rôles, les habitants du centre-ville (à l’intérieur de l’enceinte d’Exeter) jouèrent les Troyens assiégés, tandis que ceux de Sidwell (à l’extérieur des murs) furent les assaillants Grecs. De ce spectacle, les habitants de St Sidwell en tirèrent leur surnom. Si les mythes grecs, et en particulier l’Iliade, étaient si connus à Exeter et Sidwell, c’est que des pièces du théâtre grec étaient régulièrement jouées sur le parvis de la Cathedral tout au long du XVIIIème siècle et surtout, Joseph d’Exeter écrivit une Iliade en Latin en 1183 dont le titre est Phrygii Daretis Yliadis libri sex (L’Iliade de Darès le Phrygien en six livres) et qui relate la guerre de Troie.

Pas étonnant alors que le premier stade du club fut orné d’une porte grecque.

#904 – Cruzeiro EC : o Time do Povo

L’équipe du peuple. Au Brésil, les équipes du peuple ne manquent pas (Flamengo, Internacional, Santa Cruz, São Paulo, Corinthians …) et leurs équipes marketing en jouent. Mais, de quel peuple parle-t-on ? Une communauté culturelle et identitaire, la popularité ou une classe sociale « inférieure ». Pour Cruzeiro, tout démarre en 2015 d’une conversation WhatsApp de son vice-président du football, Bruno Vicintin, qui devint public à son insu. A l’issue d’un match nul à domicile contre son eternal rival de l’Atlético Mineiro, il écrivit dans un message « Este negócio de time do povo dói dentro da alma deles, porque eles sempre foram clube de elite, tanto que eles estão em Lourdes, né? E o Cruzeiro no Barro Preto. E o Cruzeiro foi um time de imigrante, um time de operários, e a gente tem que abraçar este negócio de time do povo também. Vou começar a falar isso » (Cette affaire de l’équipe du peuple leur fait mal dans l’âme, car ils ont toujours été un club de l’élite, au point d’être à Lourdes [quartier chic de Belo Horizonte], n’est-ce pas ? Et Cruzeiro est à Barro Preto [quartier populaire de Belo Horizonte]. Et Cruzeiro était une équipe d’immigrants, une équipe de travailleurs, et nous devons embrasser cette chose d’une équipe du peuple aussi. Je vais commencer à parler de ça). Les supporteurs de Cruzeiro adhérèrent à l’idée et une campagne utilisant le hashtag « O team do povo » se propagea rapidement sur les réseaux sociaux. Dans la foulée, les équipes communication et marketing du club prirent les choses en main. Le site internet du club affichait en grand ce slogan et un maillot spécifique fut lancé.

Les autres clubs et en particulier le rival de l’Atlético trouvèrent que Cruzeiro galvaudait ce terme et se trouvèrent plus légitimes à porter ce titre. Donc suffit-il de l’affirmer pour l’être ? Evidemment, le responsable du marketing de Cruzeiro, Robson Pires, trouva au moins trois justifications. En premier lieu, ses origines modestes. Cruzeiro fut fondé en 1921 par les immigrés italiens de la ville. Ils étaient réputés pour être travailleurs, persévérants et s’élevèrent dans l’échelle sociale de Belo Horizonte grâce à leur effort. Les premières équipes étaient renforcés par des joueurs venus du club de Yale Athletic Club, fondé dans le quartier populaire de Barro Preto. Toutefois, la communauté italienne était plutôt membre de la petite bourgeoisie que du prolétariat. Deuxièmement, sa grande base de fans. Les deux derniers matchs de Cruzeiro avant la déclaration volée de son vice-président avaient rassemblé une grande foule. Pour le championnat national brésilien, 39 042 fans s’étaient déplacés pour regarder le match face à Figueirense et, évidemment un peu plus, pour le derby face à l’Atlético (45 991 personnes). Au delà de ces deux matchs, après avoir remporté le Taça Brasil (le championnat national avant la création du Brasileirão) de 1966 et aussi la Copa Libertadores de 1976, Cruzeiro régna de manière hégémonique sur le football de l’Etat du Minas Gerais et rassembla un nombre de supporteurs toujours plus nombreux. D’ailleurs, dans les années 1970, l’écrivain et chroniqueur d’Estado de Minas, Roberto Drummond, commença à appeler les fans de Cruzeiro « China Azul » (la Chine bleue) car l’expansion rapide des fans de Cruzeiro se comparait avec la démographie forte du pays asiatique. Aujourd’hui, selon une enquête réalisée par l’Instituto Paraná Pesquisas, publiée en 2016, les supporteurs de Cruzeiro seraient huit millions, le club devenant ainsi la sixième équipe avec la plus grande base de fans au Brésil et la première du Minas Gerais. Troisième raison invoquée : tout simplement parce que le vice-président du football l’a déclarait …. Rien ne fait peur aux équipes marketing.

#864 – CD Aurora : el Equipo del Pueblo

L’équipe du peuple. Dans la ville bolivienne de Cochabamba, le CD Jorge Wilstermann écrase de son palmarès et sa popularité tout rival. Ses 15 titres de champion de Bolivie rempotés lui ont permis de capter de nombreux supporteurs, estimés à environ 90 % des fans de football de la région. Au niveau national, il est l’un des trois plus grands clubs du pays en nombre de supporters, avec des fans notamment dans les villes de Sucre et Santa Cruz de la Sierra. Pourtant, dans son fief, l’équipe du peuple est son rival, CD Aurora. Face aux origines plus cossues de Wilstermann, fondé par les employés de la compagnie aérienne, Aurora émergea, 14 ans avant Wilstermann, dans un environnement plus modeste grace à des enfants de l’Instituto Americano en rebellion de leur école. En effet, le directeur de cet école avait refusé d’autoriser ses élèves à participer à un tournoi de football et une bande de collégiens reposant sur la famille Ferrel (les 7 frères Wálter, Humberto, Hernán, Remberto, Demetrio, José et Leonardo, plus leurs 2 sœurs Blanca Lía et Rosa, ainsi que leur cousin Daniel) fonda au petit matin du 27 mai 1935, devant l’école, situé à l’époque sur la Plaza Colón, au cœur de la ville, le CD Aurora. Cet esprit rebelle ne pouvait que plaire aux habitants. Ainsi, la grande majorité des fans du club proviennent des couches populaires de la ville. Par la suite, le club forma et compta dans ses rangs de nombreux joueurs de la région qui permettaient aux fans de s’identifier facilement. En outre, pendant de nombreuses décennies, le club avait une philosophie « nationaliste » en employant principalement des joueurs boliviens. Parmi ses joueurs, Arturo Villarroel, Rómulo Terrazas, Hernán Flores, Jaime Herbas, José Luis Balderrama, Jorge Morales, Antonio Quiroga, Carlos Loma, Ramiro Arteaga, Jorge Reyes Salamanca et Ramiro Méndez marquèrent leur époque. Mauricio Soria, Óscar Sánchez, Jhonny Villarroel dans les dernières générations apportèrent également leurs contributions.

#779 – Colombus Crew : Crew

L’équipage. En 1996, lors de la création de la ligue professionnelle américaine, la MLS, la ville Colombus fut la première à remplir les conditions d’admission, en parvenant notamment à pré-vendre plus de 10 000 abonnements. Le jour où l’équipe commerciale parvint à atteindre ce seuil, une eclipse avait lieu. Résultat, la première idée fut de nommer l’équipe, Colombus Eclipse. Mais, si le pré-vente fut un succès, le choix du nom fut moins bien reçu. Pas d’entêtement du côté de la direction qui lança un sondage pour trouver un nouveau nom. Parmi les propositions, Crew l’emporta. Ce terme devait représenter le passé industriels de la ville. À la fin du XIXème siècle, Columbus abritait plusieurs grandes entreprises manufacturières accompagnées de son lot de col bleu. Elle comptait notamment de nombreux fabricants de chariots et calèches ainsi que d’usines sidérurgiques. Crew était donc ces équipes d’ouvriers qui tournaient dans les usines. D’ailleurs, le premier blason du club montrait 3 hommes avec un casque d’ouvriers. Toutefois, avec les années, le visage de la ville changea et aujourd’hui, devenue 10ème ville américaine, son activité économique est diversifiée et basée sur la finance, la mode, la défense, l’aviation, l’agro-alimentaire, la logistique, le médicale et les technologies. En outre, elle est devenue une ville étduiant avec le campus de l’université d’État de l’Ohio, l’un des principaux des Etats-Unis de par le nombre d’étudiants (plus de 60 000). A chaque changement d’actionnaire, la nouvelle direction du club souhaitait s’adapter à la métamorphose de la ville en modifiant également l’image du club (dont le blason voire même le nom). Mais, les supporteurs n’adhéraient jamais. Les équipes marketings se contentèrent donc de modifier le story telling autour du nom Crew. Il représente désormais la famille soudée des fans qui se réunissent pour partager une passion pour le club et le football.

#752 – Club de Regatas Vasco da Gama : Camisas Negras

Les chemises noires. Le maillot de Vasco da Gama est sujet à quelques débats au Brésil. En effet, malgré les efforts des équipes de marketing pour réinventer les équipements chaque année, les grandes équipes conservent leur maillot principal, au moins pour ce qui est des couleurs (car même la Juventus ou le FC Barcelone ont dû sacrifier leurs célèbres rayures aux sirènes trompeuses du merchandising). Pour Vasco, le maillot principal peut-être noire avec une bande blanche ou blanc avec une bande noire, chacun étant aussi important. Pourtant, leur surnom rappelle un de leur premier kit qui était alors intégralement noir.

Les membres du Vasco da Gama, à sa fondation en 1898, ne pratiquaient que l’aviron et reprirent donc les principaux symboles de la mer pour leur nouveau club : un amiral portugais pour nom (cf #194), la croix du Christ comme écusson (symbole des navires portugais) et un maillot devant rappeler les grandes heures des navigateurs. Pour son président-fondateur, Francisco Gonçalves Couto Junior, qui proposa ses couleurs, le noir symbolisait les tempêtes maritimes, les mers inconnues et les marins morts lors des grandes expéditions. La bande diagonale blanche représentait la lumière et les routes ouvertes par les grands navigateurs portugais.

Pour autant, ce ne fut pas le premier maillot choisi par la section football. En effet, cette dernière naquit au sein du club en 1915 en absorbant un club existant, Lusitânia Futebol Clube. Ces membres voulurent certainement se distinguer des rameurs, tout en respectant les symboles du nouveau club, et optèrent pour un maillot noir, avec le col et les poignets blancs. Dans la foulée, l’équipe s’installa petit à petit dans le gratin footballistique en battant les équipes de Rio telles que Flamengo, Fluminense, América et Botafogo. L’apogée fut la victoire en 1923, premier championnat carioca remporté, avec onze victoires, deux nuls et une défaite. Les journalistes surnommèrent alors le club camisas negras, en l’honneur de leur maillot.

Mais, peut-être pas uniquement car Vasco était également le porte-étendard des classes populaires, laborieuses et colorées du Nord de Rio. Alors que le football était réservé à une élite blanche qui vivait dans les quartiers Sud et étaient représentaient par Flamengo, Fluminense et Botafogo (América était du nord mais était le club des élites de Tijuca), Vasco était le premier club à puiser ses membres et ses supporteurs parmi les populations défavorisées et généralement métissées. Alors quand Vasco gagna ce premier championnat pour sa première participation, vexés, les grands clubs du Sud se retirèrent du championnat en 1924 pour créer une ligue concurrente. Mais, en 1925, face aux succès et à la popularité du Vasco, ils reculèrent et acceptèrent d’affronter de nouveau les pauvres mulâtres du Vasco. Ainsi, dans cette société raciste, cette épisode contribua à élargir l’accès de ce sport d’élite aux noirs et aux pauvres et marqua un tournant dans l’ère du professionnalisme dans le football brésilien. Aujourd’hui, cette réciprocité entre le maillot blanc et le maillot noir serait aussi le symbole de l’égalité des races prônées par le club.

#703 – CD Tenerife : los Chicharreros

Le terme est dérivé du poisson Chicharro qui est le mot insulaire pour désigner une sorte de maquereau. Rien de plus normal pour une équipe qui représente l’île de Tenerife d’avoir pour surnom un poisson. En réalité, ce surnom est devenu depuis le XIXème siècle une sorte de gentilé des habitants de Santa Cruz de Tenerife, qui leur fut attribué péjorativement par ceux vivant dans la ville voisine de San Cristóbal de La Laguna. Au XIXème siècle, San Cristóbal de La Laguna était la capitale de l’île de Tenerife et des Canaries. A l’inverse, Santa Cruz de Tenerife demeurait un petit port où les habitants étaient de modeste condition. Pour vivre, ces derniers péchaient et se nourrissaient principalement de chicharros, une sorte de maquereau, un poisson bon marché. Par décret royal du 28 août 1803, le roi Charles IV accorda au modeste port le droit d’établir son propre conseil municipal, ce qui signifiait son émancipation administrative de la municipalité de San Cristóbal de La Laguna. La rivalité entre les deux cités commença à augmenter. Les habitants hautins de la capitale s’amusaient alors à dénigrer ceux du petit port en les appelant chicharrero. Seulement, une étape décisive fut franchie sous le règne de Ferdinand VII. En 1833, Santa Cruz accéda au statut de capital de la nouvelle province des Canaries, au dépend des villes de San Cristóbal de La Laguna et de Las Palmas. Cette reconnaissance dopa la fierté des habitants de la ville qui transformèrent cette moquerie en une identité. Depuis, chicharrero est donc le gentilé de Santa Cruz qui s’est même étendu à tous les insulaires de Tenerife. Le dictionnaire de l’Académie Royale espagnole considère chicharrero comme un adjectif familier, dont le sens est équivalent à celui de tinerfeño (adjectif qui qualifie les habitants de Tenerife). Pour la petite histoire, la population de San Cristóbal de La Laguna ne lâcha pas le morceau et, à la fin du XXème siècle, trouvèrent un nouveau surnom péjoratif, rambleros. Ce dernier fait référence à la vie nocturne agitée, animée dans la nouvelle capitale et ses ramblas où les discothèques pullulent (l’Avenida de las Asuncionistas, la Rambla Pulido et la partie supérieure de la Calle Ramón y Cajal).