#1270 – Nottingham Forest : the Tricky Trees

Les arbres rusés. Si on vous parle de Nottingham, vous pensez bien souvent à son shérif, l’ennemi traditionnel de Robin des Bois et de ses Joyeux Compagnons. Or, le fameux brigand au grand cœur se cachait dans la forêt de Sherwood, aujourd’hui à une trentaine de kilomètres de Nottingham. Couvrant actuellement 424,75 hectares, elle était auparavant un grand espace boisé royale, qui s’étendait, au Moyen Âge, du Nord du comté de Nottingham jusqu’à la cité de Nottingham. Or, au XIXème siècle, cette espace méridional avait été déboisée pour notamment accueillir l’Hippodrome qui fut nommé « Forest », en référence à la fameuse forêt de Sherwood. Et lors de ses premières années d’existence, le club évolua à l’Hippodrome de Forest, ce qui aurait donc inspiré son nom.

Durant longtemps, l’écusson du club ne joua pas sur l’identité forestière et préféra reprendre une version adaptée des armes de la ville. En février 1973, le quotidien « Nottingham Post » lança un concours pour concevoir un nouveau blason. Plus de 800 propositions, certaines provenant d’Australie, affluèrent dans les locaux du journal. Un jeune designer, David Lewis, qui travaillait au Nottingham Polytechnic (aujourd’hui Nottingham Trent University) remporta le concours. Au cours des mois suivants, le design de David fut peaufiné avec le secrétaire du club, Ken Smales, pour parvenir à l’écusson qui trône fièrement sur le maillot de Forest jusqu’à aujourd’hui. Il se compose d’un arbre, qui rend hommage à la forêt de Sherwood, avec, au niveau de ses racines, 3 traits en forme de vague, qui rappelle le Trent, l’un des principaux fleuves du pays et qui traverse Nottingham.

Ce changement d’identité coïncida avec l’arrivée à la tête de l’équipe de Brian Clough le 6 Janvier 1975 et accompagna le changement de dimension du club. Alors qu’il luttait pour le maintien, 5 ans plus tard, Nottingham avait remporté la Premier League en 1978 (alors que le club était un promu) suivi d’une Coupe de la Ligue. Puis, Nottingham atteignit les sommets en gagnant 2 fois d’affilée la Coupe des Clubs Champions en 1979 et 1980. Opposé au kick and rush, qui était dominant dans les clubs britanniques de la fin des seventies, Brian Clough imposa un style de jeu plus construit avec la balle à terre. Donc, ce nouveau logo, avec un arbre, et ce style de jeu surprenant et donnant des résultats imposèrent le surnom Tricky Trees, qui était une expression qui caractérisait des choses difficile à gérer, compliqué. Il signifiait donc que les joueurs de Nottingham étaient des adversaires plus coriaces qu’il n’y paraît à première vue.

#1265 – Puszcza Niepołomice : Żubry

Le bison. Fondé en 1923, le club gagna sportivement le droit d’évoluer dans l’élite polonaise pour la première fois de son histoire pour son centenaire. Après une honorable 12ème place pour un promu, Puszcza Niepołomice attaque sa deuxième saison en Ekstraklasa. Belle performance pour cette petite ville de 8 000 habitants, à quelques encablures à l’Est de Cracovie. Mais surtout, la cité se situe à la lisière de la forêt Niepołomicka et son histoire se conjugue avec cette espace boisée (principalement des conifères comme le pin et le sapin) et marécageux, qui regroupe 6 espaces naturels, pour un total de 110 km2. Sachant que son nom Puszcza signifie forêt et que son écusson arbore un magnifique sapin, le surnom aurait pu faire référence aux conifères. Mais, le choix se porta sur un animal que l’on imagine plutôt de l’autre côté de l’atlantique.

Or ce bovin s’articule autours de deux espèces : le bison d’Amérique du Nord et le bison d’Europe. Et oui, cet imposant ruminant aux poils ras couleur noisette a toujours vécu en Europe de la Préhistoire jusqu’à la première guerre mondiale, et de l’océan Atlantique à l’Oural (à compter du Moyen-Âge, son milieu se réduit à l’Europe Centrale et de l’Est). Mais, la chasse comme la réduction de son espace vitale, la forêt primaire, ont conduit à son extermination à l’état sauvage en 1927, les derniers bisons ayant été tués en Pologne. Mais, depuis les années 1950, il a été peu à peu réintroduit sur le continent et en 2020, la population de bisons d’Europe se composait de 1 791 individus en captivité, 501 en semi-liberté et 6 819 à l’état sauvage, répartis dans 33 pays (d’Europe Centrale et de l’Est dont la Pologne). Avec sa grande forêt, Niepołomice accueillit en 1936 un centre d’élevage de bisons appelé « żubrowiskiem » (le champ des bisons), avec des animaux provenant de la forêt de Białowieża (au Nord-Est de Varsovie). Sur 70 hectares de surface clôturée, une vingtaine à une trentaine de bisons y vivent. Afin de protéger les animaux, le centre n’est pas visitable mais une plateforme d’observation a été récemment construite. Le bison fait la fierté des habitants de la ville et vu l’image de puissance qu’il véhicule, il devint le surnom du club.

#1138 – Manisa FK : Tarzan

Le personnage de l’écrivain américain Edgar Burroughs s’est installé en Turquie dans la ville de Manisa et inspira un surnom à l’ensemble des équipes sportives de la cité. Né en 1899 à Bagdad ou à Samarra, Ahmet bin Carlak rejoignit, après la Première Guerre mondiale, le rang des insurgés turques et combattit lors de la guerre d’indépendance à Antep, Smyrne et Kilis. Après la guerre, Carlak se fixa à Manisa, qui avait été dévastée par un incendie provoqué par l’armée grecque en retraite, et se fixa pour objectif de reboiser la région, plantant et cultivant à lui seul de nombreux arbres sur le mont Sipylos. Vivant comme un ermite sur le mont, son surnom était alors Hacı (le pélerin) et son apparence se modifia : il laissa pousser sa barbe et ses cheveux et s’habillait uniquement en short. Durant les 40 années suivantes, il habitait très modestement dans une petite cabane sur le mont qu’il appela Topkale (château du canon), en raison d’un vieux canon dont il se servait quotidiennement pour signaler midi en tirant un coup de feu. Il se rendait régulièrement dans la ville de Manisa et servit parfois comme pompier ou jardinier. En 1934, suite à la projection du film « La Vengeance de Tarzan », avec Johnny Weissmuller, les habitants de la ville identifièrent Carlak au héros de la jungle et le surnommèrent Manisa Tarzanı (Tarzan de Manisa) en raison de son apparence (barbe, cheveu long et torse nu) et son mode de vie rudimentaire sur le mont. Ecologiste, il se servit de sa notoriété pour défendre les forêts autours de Manisa. Après un périple dans les Monts Taurus, à son retour à Manisa, il se rendit compte que la municipalité avait abattu des arbres en son absence. Il eut un choc cardiaque qui le conduisit à l’hôpital et il décéda le 31 mai 1963. Le lendemain, le quotidien national, Hürriyet, titra « Manisa’nın Tarzan’ı öldü » (Le Tarzan de Manisa est mort).

La ville de Manisa rend hommage à Carlak. La semaine de l’environnement a été baptisée du nom de Manisa Tarzanı. A cette occasion, la municipalité décerne les « Prix Tarzan ». Une école primaire ainsi qu’un boulevard ont été nommés en l’honneur de Carlak. Dans le parc Fatih de Manisa, une statue représentant Carlak a été érigée. Enfin, à chaque anniversaire de sa mort, les autorités de Manisa le commémorent, l’honorant comme un précurseur de l’écologie turc.

#1069 – CA Chaco For Ever : Albinegro

Les blanc et noir. Le club argentin de la ville de Resistencia, située dans la province du Chaco, fut fondé le 27 juillet 1913, par des jeunes qui décidèrent de quitter le CA Sarmiento et de créer une nouvelle institution sportive. Depuis, les deux clubs sont les grands rivaux de Resistencia. Le choix du nom était important pour les fondateurs car ils voulaient qu’il soit agréable et s’inscrive dans le temps. Une connaissance des fondateurs, d’origine anglaise et surnommée « Mister King », il suggéra « Chaco for Ever » (Chaco – le nom de la province – pour toujours), un cri identitaire et fière. Le choix des couleurs releva finalement du hasard. En effet, un jour, l’équipe fut rejoint par un étudiant en droit nommé Maistegui. Il se présenta sur le terrain avec un maillot rayé noir et blanc qui fit forte impression auprès des autres joueurs. Il s’agissait d’un maillot du club CA Estudiantes de Buenos Aires. Tous les joueurs décidèrent d’opter pour ce maillot qu’ils considéraient élégant mais aussi dont les couleurs rappelaient les richesses de la province : le blanc pour la culture du coton et le noir pour le charbon.

L’agriculture constitue une des principales activités de la province du Chaco. En particulier, la filière du coton. Historiquement (culture développée dès le début du XXème siècle), le Chaco était le principal producteur national de coton depuis les années 1950 même si sa position fut remise en cause ces dernières années avec la réduction de la surface cultivée de coton en raison de la concurrence des céréales et des oléagineux (principalement maïs, tournesol et soja …). Toute la filière (égreneurs, filatures, ateliers de tissage, fabrication de produits textiles) s’est développée dans le Chaco. La culture s’étend dans pratiquement toute la province et les égreneurs représentent 60 % de la capacité argentine. En 2019-2020, la superficie plantée était de 185 000 hectares, avec une production de 338 000 tonnes, principalement tournée vers le marché intérieure, soit respectivement 42% et 32% de la part nationale. En 2021-2022, la production monta à 379 000 tonnes. L’industrie textile représentait 21,3% de l’emploi total de l’industrie manufacturière. En 2019, 36 usines d’égrenage étaient en activité, avec une capacité totale d’égrenage de 890 500 tonnes.

Dans la province du Chaco, la production de charbon ne provient pas de mines car il s’agit de charbon végétal (et non minéral). En effet, la région comprend de vastes forêts de quebracho. Cet arbre, symbole du Chaco, présente un bois extrêmement dur et durable, qui est exploité pour réaliser des meubles, des tanins et du charbon de bois. Dans les années 1950 et 1960, cette production de charbon de bois trouvait un débouché naturel vers la province de Jujuy où étaient situées des usines sidérurgiques en demande de coke. En 1967, le Chaco produisait 11,58% de la production nationale de charbon (environ 50 000 tonnes). Désormais, en 2018, la production de charbon de la province s’élevait à 272 000 tonnes par an et le Chaco représentait 80 % des exportations argentines.

#1055 – Bursaspor : Yeşil Beyazlılar

Les vert et blanc. A la fin des années 1960, le football turc se structura en créant une première division (1959) et une seconde division (1963) professionnelles. Afin de se donner la chance de participer à cette nouvelle élite, dans de nombreuses villes, les différentes équipes, parfois rivales, unirent leurs forces pour créer une nouvelle puissance. Ainsi, le 1er juin 1963, les clubs de Acar İdman Yurdu, Akınspor, İstiklal, Pınarspor et Çelikspor s’unirent pour donner naissance à Bursaspor, avec cette volonté de porter haut les couleurs de la ville. Pour les symboles de cette nouvelle entité, le choix aurait pu soit de privilégier l’héritage d’un des prédécesseurs, soit de combiner un peu de chacun des 5 anciens clubs. La première option aurait léser les autres clubs et la deuxième aurait donné lieu à un maillot harlequin (Acar İdman Yurdu jouait en noir, Akınspor en rouge, İstiklal en jaune, Pınarspor en vert et Çelikspor en bleu marine). Ainsi, les fondateurs décidèrent de faire table rase du passé et puisèrent plutôt dans l’imagerie de Bursa.

Lorsque le choix des couleurs fut débattu, Şükrü Akmansoy, avocat de formation et président de Pınarspor, questionna les autres membres « Qu’est-ce qui vous vient à l’esprit en premier lorsque on vous parle de Bursa ? ». Les participants de la réunion proposèrent en premier le vert des parcs et des forêts. En effet, la cité est surnommée Yeşil Bursa (Bursa la verte), en référence aux nombreux parcs et espaces verts qui jalonnent l’agglomération ainsi qu’aux forêts environnantes. A cela, Akmansoy répondit « La neige blanche de notre célèbre Uludağ ne peut-elle pas être utilisée avec du vert ? ». Le vert et le blanc remportèrent alors l’adhésion enthousiaste de l’assemblée. Il faut rappeler que, outre les forêts avoisinantes, Bursa se situe aussi au Nord de la montagne Uludağ, qui culmine à 2 543 mètres d’altitude. En Hiver, Uludağ devient un des plus beau domaine skiable de Turquie, apprécié de la bourgeoisie stambouliote, qui séjournent alors à Bursa et se rend sur le site grâce à 2 téléphériques partant de Bursa.

#627 – Portland Timbers : the Timbers

Les bois. Si le club de Portland dans l’Oregon figure peu sur les palmarès du football américain, il n’en demeure pas moins un club « historique ». S’il rejoint la MLS seulement en 2011, 11 ans après sa fondation, le club reprit l’héritage, notamment symbolique, de celui qui exista de 1975 à 1982 au sein de la défunte NASL. En particulier le nom, l’écusson et les couleurs. Timber signifie donc bois (une fois transformé tel que celui servant pour les charpentes, le plancher ou le papier). L’écusson affiche une hache de bucheron. Enfin, la couleur principale est le vert, représentant les arbres (en particulier le pin ponderosa) et la mousse des forêts de l’Etat de l’Oregon. Situé au Nord-Ouest des États-Unis, sur la côte Pacifique, ce territoire, bercé par un climat océanique, est recouvert pour moitié de sa surface par de vastes forêts (soit près de 122 000 km2). Dès les années 1880, encouragés par une demande forte provenant de la dynamique Californie et le développement des voix ferrés qui facilita les exportations, les migrants du Far West firent de l’exploitation forestière un des piliers de l’économie de l’Etat. Les forêts du Michigan, du Minnesota et du Wisconsin diminuant rapidement à la fin du XIXème siècle, l’État voisin de Washington devint le premier producteur national de produits du bois en 1910, une position que l’Oregon lui ravit en 1938 pour ne plus la quitter. De 2015 à 2019, la production de bois brut de l’Oregon s’élevait en moyenne à 9 millions de m3. L’Oregon est également un leader dans la production de produits en bois tels que le bois lamellé croisé, le bois lamellé collé et les panneaux de contreplaqué. En 2019, 16% de la production nationale (1ère position) de bois tendre et 28% de celle de contreplaqué (également 1ère position) étaient réalisés dans l’Oregon. Enfin, 18 usines de transformation de bois étaient situés dans l’Oregon (contre seulement 6 en Alabama, le deuxième au classement). Mais cette position de leader aux Etats-Unis ne doit pas masquer le déclin de cette activité. Les incendies de forêts, la surexploitation et le durcissement de la réglementation environnementale ont fortement pénalisé l’exploitation conduisant, entre la fin des années 1980 et 2000, à un effondrement de plus de 90% des récoltes dans les forêts fédérales de l’Etat. Des entreprises alors disparurent (Willamette Industries) ou déménagèrent (Louisiana-Pacific) et le chômage crût dans les zones rurales de l’Etat. Dans le même moment, l’économie de la haute technologie (Silicon forest) émergea, devenant le nouveau moteur de la croissance de l’Oregon.

#391 – Ventforet Kōfu : ヴァンフォーレ

Venforet. Le surnom est tout simplement le nom du club mais, étant original, il se suffit à lui-même. Il s’agit, comme pour beaucoup d’autres équipes japonaises, d’un mot-valise, rassemblant deux mots français Vent et Forêt. Ce mot-valise est partiellement dérivé de la célèbre bannière du samouraï et un des principaux daimyōs ayant combattu pour le contrôle du Japon durant l’époque Sengoku, Takeda Shingen (武田信玄). Ce chef de guerre éminent, hériter d’un clan puissant, les Takeda, vécut au XVIème siècle et possédait la province de Kai, où se situe aujourd’hui la ville de Kōfu. Célèbre pour son génie tactique et ses innovations, on peut trouver aujourd’hui sa statue par exemple à la gare de Kōfu. Sa bannière, dénommée fūrinkazan (風林火山), signifiant littéralement « Vent, forêt, feu et montagne », affichait une phrase tirée du chapitre 7 du livre du militaire chinois, Sun Tzu, « L’Art de la guerre » :

疾如風、徐如林、侵掠如火、不動如山 (être aussi rapide que le vent, aussi calme que la forêt, aussi féroce que le feu et aussi inébranlable qu’une montagne)

Le club de football conserva les deux premiers symboles Vent et Forêt. Il donna aussi le mon (insigne héraldique japonais) de Takeda Shingen, comme base à son blason (damier de losanges rouges et blancs). Pour l’instant, cette référence guerrière n’a pas eu d’effet sur l’équipe qui n’affiche pas un grand palmarès.