#835 – Charleston Batterry : Holy City FC

Le FC Ville Sainte. Si le club n’évolue pas dans la grande ligue nationale de la MLS (il appartient aujourd’hui à l’USL), il demeure un des piliers du football professionnel américain. D’une part, il est l’un des plus anciens clubs de football professionnels en activité aux États-Unis (titre partagé avec les Richmond Kickers). D’autre part, son palmarès demeure l’un des plus fournies du pays dans les ligues mineures, avec un titre USISL Pro League en 1996, une USL A-League en 2003, la dernière saison de la USL Second Division en 2010 et en 2012, le championnat USL Pro. Mais, ce n’est ni sa longévité, ni son palmarès qui lui permit d’être en odeur de sainteté mais plutôt la réputation de Charleston. En termes de spiritualité, on pense naturellement à Jérusalem (3 fois saintes en tant que lieu saint des 3 grandes religions monothéistes) et Rome (résidence de la papauté). Charleston a quant à elle gagné ses galons grace à sa grande tolérance religieuse et aux nombreux lieux de prière que compte la cité de Caroline du Sud.

En effet, depuis la côté, la vue de l’horizon ciselée par les nombreux clochers de la cité, est saisissante. On y dénombre plus de 400 clochers (pour une ville de 150 000 habitants). Fondée en 1670, la cité accueillit de nombreux immigrants d’Écosse, de France, d’Allemagne, d’Irlande et d’autres pays, apportant avec eux de nombreuses branches protestantes ainsi que le judaïsme et le catholicisme romain. Ne trouvant pas d’opposition à la libre expression de leurs confessions, différents lieux de cultes se construisirent. En 1681, s’établissait la Circular Congregational Church, la plus ancienne du Sud des Etats-Unis. Cette congrégation fut fondée par des protestants anglais, des presbytériens écossais et des huguenots français. Déjà un début d’ouverture d’esprit. La First Baptiste Church apparut en 1682. Fuyant les persecutions en France, un groupe de 40 huguenots trouvèrent également refuge à Charleston et construisirent leur église en 1687. En 1702, la communauté religieuse de Charleston se définissait à 45 % calviniste, 42 % anglicane, 10% baptiste et le solde quaker et juive. L’église luthérienne St Jean fut établi par des immigrants allemands en 1742. En 1749, la première synagogue du nom de Kahal Kadosh Beth Elohim fut réalisée, pour ce qui est devenu la plus ancienne congrégation juive de la côte Est, également centre du judaïsme réformé. L’église Catholique Romaine se posa à Charleston en 1789. En 1810, deux églises anglicanes furent érigées (la cathédrale St Luc et l’église St Paul). En 1791, les affranchis et esclaves noirs américains se réunirent au sein de l’Emanuel African Methodist Episcopal Church et construisirent leur église en 1818. A cette époque, les noirs ne bénéficiaient pas d’une grande liberté pour prier (en étant notamment séparer dans les offices des églises des communautés blanches) et cette église à Charleston faisait partie des premières ouvertes pour et diriger par les afro-américains. La deuxième synagogue fut fondée en 1854 et est la plus ancienne synagogue orthodoxe du Sud. Sa congrégation d’origine était formée d’immigrants prussiens et polonais. La légende raconte que ce surnom de Holy City fut donné à la ville par un admirateur passionné mais d’autres estiment que le surnom fut inventé au 20ème siècle, probablement comme une moquerie de l’attitude suffisante des Charlestoniens à propos de leur ville.

#548 – Beitar Jérusalem FC : האריות מהבירה

Le Lion de la Capitale. Le club de la capitale de l’Etat d’Israël porte ce surnom à double titre. En effet, le lion est le symbole, à la fois du mouvement sioniste Beitar, dont dépend le club (cf article #420), et de la ville de Jérusalem, où il réside. Le Betar, mouvement de jeunesse sioniste fondé en 1923, signifie « Alliance de la jeunesse hébraïque en souvenir de Joseph Trumpeldor » et rappelle la ville de Betar, dernière forteresse juive à tomber face aux troupes romaines lors de la révolte des années 132-135. La cité, située en Judée, au sud-ouest de Jérusalem, n’existe plus mais, citée dans certaines prières, dans le Talmud, la Mishna, mentionnée par de célèbres rabbins (Maharal de Prague, Gaon de Vilna, Maimonide), la ville de Betar fit preuve d’héroïsme et de combativité, devenant ainsi un symbole pour la résistance juive et le retour en terre sainte. En 132 après JC, plusieurs mesures prises par l’Empereur Hadrien conduisirent à une insurrection des juifs de la province de Judée face à l’Empire Romain. La ville de Betar en était l’épicentre. Après 3 ans de guerre civile, les légions romaines encerclèrent les rebelles juifs à Betar et la cité-forteresse résista avant de tomber en août 135. Selon le rabbin Gaon de Vilna, les légions romaines, composés de 80 000 hommes, entrèrent dans Betar et massacrèrent la population en égorgeant hommes, femmes, enfants jusqu’à ce que le sang coule des porches et des égouts. Néanmoins, la bataille fut difficile car la population se battit et mourut comme des lions. Le roi des animaux devint alors le symbole de la ville, de sa résistance et fut donc repris par le mouvement Betar.

De l’autre côté, en 1958, Jérusalem adopta également le lion comme symbole. Composé en 1950, le blason de la ville affiche un lion rampant devant le Mur des Lamentations, entouré de deux branche d’olivier. L’animal est le Lion de Juda et demeure, en réalité, un symbole traditionnel des juifs et de Jérusalem. Dans la bible, Juda était le fils du patriarche Jacob et lors de sa bénédiction, Jacob qualifia son fils de גּוּר אַרְיֵה יְהוּדָה, jeune lion (Génése 49:9). Ainsi, la tribu de Juda, l’une des douze tribus d’Israël, composée des descendants de Juda, reprit le lion comme symbole. Jérusalem, comme capitale du Royaume de Juda, l’utilisa aussi.

#440 – MTK Budapest : MTK

Le surnom est simpliste quand il reprend simplement les initiales du nom du club. Mais ce MTK a une forte portée symbolique lors de la création du club et perdura pendant quasiment toute la vie de l’association. A la fin du XIXème siècle, l’activité sportive était monopolisée par l’aristocratie chrétienne de Budapest. Du fait de leurs origines juives et/ou non-aristocrates, de nombreux pratiquants ne pouvaient pas franchir les portes des associations sportives existantes. Dans l’appartement de Kálmán Szekrényessy, une nouvelle association fut créée le 16 novembre 1888, le MTK. La renommée nationale et internationale de l’athlète Szekrényessy ainsi que ses aspirations démocratiques et son origine noble hongroise constituaient une garantie pour la légalisation de ce nouveau club en dehors des cercles chrétiens. Pour le nom, les fondateurs voulurent éviter de faire référence à leur confession juive aussi bien pour signifier que le club était ouvert à tous que pour ne pas subir de répression antisémite. En outre, dans une montée des nationalismes au sein de l’Empire Austro-Hongrois, ils retinrent un nom à consonnance hongroise Magyar Testgyakorlók Köre (Cercle des praticiens physiques hongrois). C’était une innovation pour l’époque alors que les clubs de gymnastiques étaient sous l’influence allemande et ceux d’athlétisme sous domination anglaise. Malgré quelques évolutions au fil du temps, le trigramme MTK demeura quasiment pendant toute la vie du club à l’exception du début des années 1950. De 1950 à 1956, suite à sa renaissance après la seconde guerre mondiale, les autorités communistes placèrent d’abord le club sous la tutelle du Ministère de l’Intérieur puis du Syndicat des ouvriers textiles, ce qui conduit à changer le nom du club et ses couleurs. Mais, la puissance du nom et des couleurs de l’un des plus grands clubs hongrois l’emportèrent et le MTK redevint le MTK en 1956.

#420 – Beitar Jérusalem FC : המנורה

La menorah, le chandelier à sept branches des Hébreux, dont la fabrication est prescrit dans la Bible (le livre de l’Exode). Il devint un des objets cultuels et sacrés du Tabernacle et plus tard du Temple de Jérusalem. Fondé en 1936, le premier nom de l’équipe fut « la Menorah » . Le choix de ce nom n’était pas le fait du hasard car le fondateur du club, David Horn, était également à la tête de la branche du Beitar à Jérusalem. Or, le mouvement sioniste avait opté pour cette Menorah comme symbole. Et le club de Jérusalem était finalement une émanation du mouvement politique. Ce dernier, comme d’autres associations sionistes, souhaitait offrir aux juifs une structure politique, militaire, culturelle et sportive. Les fondateurs du mouvement voulaient sortir de l’image du Juif en exil avec une nouvelle figure du Juif, un homme avec des capacités militaires, courageux. Ainsi, en s’inspirant de cette idéologie et également des bataillons hébreux (bataillons composés de Juifs incorporés dans l’armée britannique pendant la Première Guerre Mondiale), le Beitar adopta l’idée de créer des légions paramilitaires comme une pierre angulaire de sa vision du monde, en tant que force qui conduirait le sionisme à l’indépendance politique. A ce titre, le Beitar choisit comme emblème celui des bataillons hébreux, une Menorah. Ce symbole dépassait le cadre des bataillons car il s’agit également de l’emblème le plus vieux du judaïsme et le plus fort (bien avant l’étoile de David).

#123 – Maccabi Tel Aviv : הצהובים

Les jaunes. Le Maccabi Tel Aviv joue dans des maillots jaunes et bleus. Néanmoins, jusque dans les années 1940, le club évoluait dans les couleurs traditionnels du mouvement sportif du Maccabi : bleu et blanc. En 1942, le joueur du club, Joseph Mirmovic, proposa d’adopter le jaune comme couleur en signe de solidarité avec les Juifs persécutés par les nazis, qui étaient forcés de porter une étoile jaune. Cette proposition de Mirmovic fut approuvée par la direction de l’union mondiale Maccabi, qui chapautait l’ensemble des clubs Maccabi à travers le monde. Il fut ainsi décidé que le symbole du Maccabi, l’étoile de David, soit bleu sur fond jaune.

#15 – Ajax Amsterdam : Joden

Les Juifs. Difficile de savoir pourquoi le club de l’Ajax a été attaché à la communauté juive d’Amsterdam. Peut-être certains fondateurs du club étaient de confession juive. Mais, rien ne le prouve. Il y a eu des dirigeants et joueurs juifs par la suite. Les joueurs Johnny Roeg et Eddy Hamel étaient juifs et décédèrent à Auschwitz . Dans les années 1960, Sjaak Swart (surnommé Monsieur Ajax car il joua uniquement pour le club pendant 17 ans, soit 603 matchs, record absolu) et Bennie Muller étaient de confession juive. Enfin, le président Jaap van Praag, qui relança l’Ajax dans les années 1960 pour en faire une machine de guerre, était également juif. Mais rien ne démontre qu’il y ait eu plus de juifs comme membres ou joueurs à l’Ajax que dans d’autres clubs. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, le club, comme ses membres et joueurs, ne fut pas plus persécuté que les autres organisations du pays et comptait dans ses rangs également des collaborateurs pro-nazis.

Ce surnom est peut-être plus lié à la localisation de 1934 à 1996, du Stadion de Meer, où évoluait le club, situé à l’Est de la ville, comme le quartier juif (Jodenbuurt qui signifie « quartier juif »). Il semblerait que dans l’entre deux-guerre, du fait de cette proximité, de nombreux membres de la communauté juive supportaient l’Ajax. Il faut rappeler qu’à cette période, Amsterdam comptait 80 000 juifs sur les 140 000 présents dans le pays et était surnommée Jeruzalem van het Westen (la Jérusalem de l’Ouest). Pour autant, dans l’entre deux-guerres, les clubs de la communauté hébraïques étaient plutôt le Wilhelmina Vooruit (WV) et le Hortus Eendracht Doet Winnen (HEDW) (aujourd’hui fusionné en WV-HEDW). Il se pourrait aussi que le fait de se déplacer vers le quartier juif pour se rendre au Stadion de Meer faisait dire « Wij gaan naar de Joden » (Nous allons chez les Juifs).

Aujourd’hui, les groupes de supporteurs les plus ultras du club n’hésitent pas à revendiquer ce judaïsme. Une identité qui se serait forgée dans les années 1970 avec la montée du hooliganisme et la structuration des premiers groupes ultras. Des drapeaux d’Israël peuvent être brandis dans les travées du stade et la chanson traditionnelle juive « Hava Nagila » ou le chant « En Wie Niet Springt Die Is Geen Jood » (Ceux qui ne sautent pas ne sont pas juif) retentissentt encore. Certains groupes de supportent se surnomment Joden (Juifs) ou Super Joden (Les Superjuifs) et les plus ultras se sont même fait tatoués une étoile de David. Avant le début d’un match de Ligue des Champions, face au Bayern, les supporteurs de l’Ajax avaient brandi une banderole où s’étalait « Joden nemen wraak voor 1945 » (les Juifs se vengent de 1945). Texte encore plus surprenant quand on sait que le Bayern fut purgé par les Nazis en raison de son fort lien avec la communauté juive de Munich (et cette fois, cette proximité n’était pas supposée).

A l’inverse, les provocations antisémites fleurissent parmi les hooligans du PSV et du Feyenoord, les principaux rivaux de l’Ajax. Leurs sifflements font référence au bruit du gaz, le Zyklon B, dans les camps d’extermination tandis que d’autres crient « Hamas, Hamas, joden aan de gas » (Hamas, Hamas, les juifs en chambres à gaz). Dès les années 1920 et 1930, des articles de journaux surnommaient l’Ajax neuzenclubdans (le club du nez), faisant référence au stéréotype selon lequel les juifs ont un nez crochu. Dans les années 1960, le gardien de but du DWS, Jan Jongbloed, traita le joueur de l’Ajax, Bennie Muller, de vuile rotjood (sale juif) lors d’un match. En mars 2011, après un match remporté par ADO face à l’Ajax, le joueur de La Haye, Lex Immers, exhorta ses supporteurs en scandant entre-autre « we gaan op jodenjacht » (nous partons à la chasse aux juifs). Il écopa de 4 matchs de suspension. En mai de cette année, lors d’une rencontre face à l’Ajax, 154 supporteurs de l’AZ Alkmaar ont été arrêtés suite à des chants antisémites par la police néerlandaise après plusieurs rappels à l’ordre.

En 2005, la direction de l’Ajax tenta d’effacer ce supposé lien avec la communauté juive. D’autant plus que certaines associations juives de la ville étaient outrées par les manifestations antisémites des adversaires et le fait que les ultras de l’Ajax n’avaient certainement aucun lien avec les juifs. Son président, John Jaake déclara alors « Ajax wil van dat imago af en zal daartoe het nodige ondernemen. Is het niet langer aanvaardbaar dat joodse fans van de club thuis- maar vooral uitwedstrijden niet willen bezoeken. De paradox dat wij zogenaamd een jodenclub zijn, maar dat joden het moeilijk vinden om onze wedstrijden te bezoeken, moet van tafel. » (L’Ajax veut se débarrasser de cette image et prendra les mesures nécessaires pour y parvenir. Il n’est plus acceptable que les supporters juifs du club ne veuillent pas assister aux matches à domicile et surtout à l’extérieur. Le paradoxe selon lequel nous sommes censés être un club juif mais que les juifs ont du mal à assister à nos matches doit être mis fin). Uri Coronel, membre honoraire du Conseil d’Administration de l’Ajax et juif lui-même, apporta son soutien en précisant que « Die affichering als joodse club is gevaarlijk en pijnlijk en voert terug naar de holocaust » (Le fait d’être étiqueté comme un club juif est dangereux et blessant et nous ramène à l’Holocauste). L’initiative fut mal accueillie par les supporteurs de l’Ajax et l’identité hébraïque est restée.