#1000 – Boca Juniors : el Único Grande

L’unique grand. Il y a 3 ans, je démarrais ce site avec Boca Junior et son surnom spécifique de Xeneize. Depuis, de nombreux autres clubs et surnoms l’ont enrichi mais, pour le millième article, je devais revenir à Boca, qui ne manque pas de surnoms, et en présenter un qui soit à la hauteur. Si le club, par ses présidents et ses supporteurs, s’est autoproclamé el Único Grande, il ne s’agit pas d’un vol. Certes, ses détracteurs et rivaux ne manqueront pas d’invalider ce titre non-officiel mais en regardant le palmarès et la popularité de Boca, on ne peut pas dire que ce n’est pas mérité.

De base, Boca fait parti des 5 grands. Dans le football argentin, les clubs de Boca Juniors, Independiente, Racing Club, River Plate et San Lorenzo de Almagro sont considérés comme les cinq principaux clubs du pays. A ce titre, on les nomme los cinco grandes del fútbol argentino (les cinq grands du football argentin). Pour illustrer ce propos, ces 5 clubs ont remporté environ les 2 tiers des championnats d’Argentine et concentre près des 3 quarts des Copa Libertadores gagnés par l’Argentine.

Sur le plan national, Boca n’est pas le champion le plus titré, devancé par son rival de River mais le club affiche tout de même 35 championnats argentins au compteur (le premier gagné en 1919, deuxième détenteur de titres de champion). Surtout, parmi les 5 grandes, et depuis la relégation de River en 2011 et d’Independiente en 2013 en seconde division, il est le seul à ne pas avoir quitté l’élite argentine depuis son accession en 1914. Du côté de la Coupe nationale, Boca remporta la première édition en 1969 et 3 autres suivirent (en 2012, 2015 et 2020), en faisant le recordman de titres. Le club détient aussi le record de SuperCoupe d’Argentine remporté avec deux victoires (2018 et 2022) ainsi que de Coupe de la Ligue avec également deux trophées (2020 et 2022). Sur le plan international, Boca peut se vanter d’avoir conquis 3 Coupes Intercontinental (1977, 2000 et 2003 face respectivement au Borussia Mönchengladbach, au Real Madrid et au Milan AC), 6 Copa Libertadores (1977, 1978, 2000, 2001, 2003 et 2007 auquel s’ajoute 5 finales perdues), 2 Copa Sudamericana (2004 et 2005 – record de la compétition), 4 Recopa Sudamericana (1990, 2005, 2006 et 2008 – record de la compétition), 1 Supercopa Sudamericana (1989), 1 Copa Máster de Supercopa (1992) et 1 Copa de Oro Nicolás Leoz (1993). Boca Juniors est le club sud-américain qui a disputé le plus de finales de compétitions internationales, avec un total de 29 finales. A cela s’ajoute une multitude de tournois régionaux.

Il a été désigné comme le meilleur club d’Amérique du Sud du 21ème siècle par la Fédération internationale de l’histoire et des statistiques du football (IFFHS) en 2011, club le plus mythique de l’histoire de l’Amérique et le huitième plus mythique du monde selon le magazine allemand Kicker en 2014 et club de football le plus emblématique du monde pour le magazine anglais FourFourTwo en 2015. Boca Junior est le club argentin qui compte le plus grand nombre de peñas (clubs de supporters) en Argentine, avec 269 recensés, ainsi que dans divers pays du monde (Brésil, Mexique, États-Unis, Canada, Espagne, Italie, Israël et Japon). Selon de nombreux sondages, le club est le plus populaire d’Argentine, adoré par environ 35%-40% des fans argentins de football, devant River et loin devant les autres.

#981 – EC Juventude : Papada, Papo

Les parleurs, bavards. Le 29 juin 1913, un groupe de 35 jeunes de la ville de Caxias do Sul, membres d’une association culturel et sportive dénommée « Recreio da Juventude » , décidèrent de fonder un club de football. Le club connut rapidement une belle première période dans les années 1920 quand la Fédération de football de Riograndense (aujourd’hui Gaúcha) créa un championnat officiel réservé aux équipes de Caxias do Sul. La Juventude remporta six titres de champion de la ville entre 1920 et 1926. Cette période fut couronnée par le titre de champion de la région en 1926. Ce palmarès consacra la supériorité locale de la Juventude et accroissait son prestige dans tous les coins de l’État. Mais, avant 1920, les débuts de Juventude furent précaires sur le plan sportif et financier. Résultat, les adversaires du club n’hésitaient pas appeler le club, ses joueurs et ses supporteurs papada. Ce sobriquet péjoratif signifiait que les joueurs comme les supporteurs parlaient beaucoup mais peu de football. En clair, ils étaient « grandes gueules », tchathaient mais sur le terrain cela ne suivait pas ou ils ne connaissaient pas le football. Avec le temps, les supporteurs s’approprièrent le terme pour devenir leur surnom. D’ailleurs, deux groupes de fans s’appellent officiellement ainsi (Papada et Os Loucos da Papada (le fous de papada)).

#963 – Atlético Clube de Portugal : Carroceiros

Les charretiers. Club de la ville de Lisbonne fondé le 18 septembre 1942, à la suite de la fusion entre Carcavelinhos FC et União Lisboa, l’Atlético Clube de Portugal constitua, selon le site du club, une « bouffée d’air frais » face aux 3 grands qui dominaient le football portugais. En effet, les premières années de la nouvelle association s’avérèrent être les plus réussies, avec 2 apparitions en finale de la Coupe du Portugal ainsi que 2 places sur le podium du championnat national de première Division.

Les origines du club remontent donc à ses deux fondateurs. D’un côté, União Lisboa fut créé le 3 mars 1910 par un groupe de 15 amis. De l’autre, le Carcavelinhos FC s’établit deux ans plus tard, le 14 février 1912. Ces deux entités étaient situées dans le quartier lisboète d’Alcântara, à l’Ouest du centre ville. Village de fermiers périurbain jusqu’au XVIIIème siècle, le quartier s’intégra petit à petit à la capitale portugaise et se transforma en un important centre industriel à compter du XIXème siècle, principalement tourné vers les entreprises textiles et la production de savons, bougies et d’huile d’olive. Au XXème siècle, l’Empresa Industrial Portuguesa, une des plus grandes usines métallurgiques du pays, opérait à Alcântara. Bénéficiant d’un accès au Tage, des docks purent également s’établir dans cette aire. Naturellement, la population qui s’installa dans ce quartier était principalement constituée des ouvriers des usines avoisinantes et des dockers. Ainsi, les deux associations, União et Carcavelinhos, tout comme leur enfant, l’Atlético, bénéficiaient d’un soutien prolétaire. Or, dans ce quartier bouillonnant, les supporteurs du club se déplaçaient en chariot (pratique pour des dockers ou des ouvriers) dont les chevaux revêtaient un drapeau de l’Atlético. D’où le surnom dont héritèrent les supporteurs.

#934 – NK Radomlje : Mlinarji

Les meuniers. Radomlje est une petite ville slovène de 1 500 habitants, située à proximité de Domžale, banlieue de la capitale Ljubljana. Autant dire que généralement, dans une si petite commune, les associations sportives sont limitées et évoluent dans les ligues régionales au mieux. Pourtant, la première ligue slovène accueille le NK Radomlje, le club de cette petite ville. Depuis 50 ans (le club fut fondé en 1972), le club de football est pratiquement la seule association sportive de Radomlje avec une si longue histoire et surtout il fait la fierté de la cité.

Le surnom du club provient de ses supporteurs. Ce n’est pas les supporteurs qui attribuèrent ce surnom au club mais le club qui s’appropria le nom de son association de supporteurs. Connu sous le nom de FC Mlinar (FC Meunier), l’association de supporteurs, la première du nom, naquit le 24 avril 2009, lors d’un match à l’extérieur contre Dob, considéré comme le plus grand derby de la région. Selon son leader, Matic Gorza, le nom du groupe de fans est étroitement lié à l’histoire économique de la ville « Sprva je bil Radomelje, šest ali sedem mlinov je bilo včasih v kraju. Zato je kar logično, da smo Mlinarji, pa še izvirno je, in hitro gre v uho » (Au début, à Radomelje, il y avait six ou sept moulins dans la ville. Il est donc logique que nous soyons les meuniers, et c’est original, et ça accroche vite l’oreille). Radomelje fut un lieu connu pour ses tavernes et surtout pour ses nombreux moulins à eau. La ville fut mentionnée pour la première fois en 1353 et, pour certains, son nom proviendrait de la présence de moulins. Le nom serait tiré de l’expression rado melje, signifiant « il aime moudre ». Néanmoins, la présence de moulins à cette époque demeure peu probable (elle est attestée seulement au XVème siècle). Le nom du lieu dériverait alors du nom de personne slave Rado(m). Toutefois, la minoterie fut une activité importante de la région. La cité est traversée par l’affluent Kamniška Bistrica et le ruisseau artificiel Mlinščica mais d’autres cours d’eau furent également aménagés pour les moulins. A son apogée, on compta près d’une trentaine de moulins le long du Kamniška Bistrica et plus d’une dizaine autour de Radomlje spécifiquement. Les meuniers, en particulier au tournant des XIXème et XXème siècles, étaient des villageois très influents et respectés. Après la Seconde Guerre mondiale, la plupart des minoterie furent nationalisées. Aujourd’hui, il est possible d’apercevoir les vestiges de deux moulins, les moulins de Kovačko et de Jašoč, Un seul moulin du nom de Kraljevega mlina (Moulin royal) demeure en activité, qui démarra en 1872.

#922 – New York Cosmos : Cosmos

Poursuivons notre hommage au Roi Pelé. La légende ne connut que deux clubs. Il faut dire qu’il ne put mener sa carrière comme il entendait. En 1961, le président du Brésil Janio Quadros publiait un décret déclarant que Pelé était un « trésor national » qui ne pouvait pas être « exporté ». En tout cas, son passage dans ces deux seuls clubs fut décisif. Arrivé à 15 ans à Santos, il le métamorphosa pour en faire l’un des plus grands clubs de l’Etat de São Paolo et du Brésil. Après avoir relevé ce challenge, il fallait au moins un défi de la taille des Etats-Unis pour séduire le Roi (évidemment, l’aspect financier rentra nettement en compte aussi). Il fallait aussi le Roi pour convaincre les américains de se laisser séduire par ce nouveau jeu appelé soccer. C’est ainsi qu’en 1974 Pelé rejoignit le New York Cosmos. Ce ne fut pas la seule star (Beckenbauer, Chinaglia, Carlos Alberto, Neeskens) à être recrutée par ce club qui devint mythique et sent bon la nostalgie.

Deux frères, Ahmet et Nesuhi Ertegun, accompagnés d’autres investisseurs, tous cadres de Kinney National et de ses filiales musicales et cinématographiques, Atlantic Records et Warner Brothers, portèrent le projet de créer une franchise de football à New York dans la jeune ligue NASL (fondée en 1968), ce qui fut fait le 10 décembre 1970. La société qui allait détenir la future franchise fut dénommée Gotham Soccer Club (Gotham étant le surnom de la ville de New York donné par l’auteur Washington Irving). Le premier acte fut de recruter un directeur général qui connaissait le football et ainsi Clive Toye rejoignit le club. Ancien journaliste de Plymouth en Angleterre, ce dernier avait déjà eut une première expérience de General Manager avec la franchise de soccer des Baltimore Bays (qui ne survécut pas à sa deuxième saison dans la NASL). Il fallait maintenant doter la franchise d’un nom. Les frères Ertegun proposaient New York Blues tandis que d’autres propriétaires voulait adopter New York Lovers. Pour s’imposer dans la ligue comme dans la mégalopole, Toye voulait traduire les ambitions du club dans son nom et milita alors pour New York Cosmos. Car, en étant un diminutif de Cosmopolitans, cela surpassait le nom de la nouvelle franchise de base-ball de la ville, les New York Mets (pour Metropolitans). Finalement, le choix fut laisser aux futurs supporteurs au travers d’un concours, ce qui permettait également de faire un coup de pub et de créer déjà un premier lien entre la franchise et ses futurs clients … pardon fans. 3 000 propositions furent déposées. Deux entraineurs sportifs de la Martin Van Buren High School dans le Queens, Meyer Diller et Al Cappelli, proposèrent Cosmos. Ils déclarèrent qu’ils avaient deux raisons de proposer ce nom. En premier lieu, le mot cosmos signifie l’univers, plaçant alors l’équipe à un niveau élevé. Ensuite, cosmos dérivant de cosmopolite, le terme traduisait la vision ouverte et universelle du club et de ses supporteurs. Cela collait bien au melting pot de la grosse pomme. Le nom fut instauré le 4 février 1971.

#921 – Santos FC : o Leão do Mar

Le lion de mer, plus communément appelé l’otarie. Pelé nous a quitté. Le Roi est mort. L’adage voudrait que l’on rajoute « Vive le Roi ». Sauf que son successeur n’est pas encore connu. Il ne suffit pas de s’afficher en photo avec Pelé et de croire sur parole un entourage et une bande de journalistes complaisants pour se réclamer de son héritage. Revenons à notre histoire de surnom. Celui-ci provient de l’un des hymnes du club. J’écris l’un car il existe deux hymnes pour Santos : l’officiel et l’officieux.

En 1955, un an avant que le Roi Pelé intègre les rangs de l’équipe professionnelle, Santos réalisa l’exploit de remporter le championnat de São Paulo. D’une part, peu d’équipe n’appartenant pas à la mégalopole de São Paulo parvenait alors à remporter le championnat de l’Etat. Sur les 53 premières éditions du championnat (sachant qu’il y a eu des saisons où deux ligues coexistaient), seuls deux avaient été remportés par des équipes situées hors des murs de São Paulo (dont une fois Santos en 1935). D’autre part, la victoire de 1955 mettait fin à une disette de succès pour Santos de 20 ans dans le championnat pauliste. Son attaquant Emmanuele Del Vecchio devenait meilleur buteur de la compétition avec 23 buts. Pour célébrer ce titre, une chanson fut commandée. Mangeri Neto écrivit les paroles et la musique fut composée par Mangeri Sobrinho. Elle s’intitula « Leão do Mar » ou « a marchinha Leão do Mar » (la marche du lion de mer).

Agora quem dá bola é o Santos / Maintenant Santos contrôle le ballon
O Santos é o novo campeão / Santos est le nouveau champion
Glorioso alvinegro praiano / Glorieux alvinegro praiano
Campeão absoluto desse ano / Le champion absolu de cette année

Santos, Santos sempre Santos / Santos, Santos toujours Santos
Dentro ou fora do alçapão / Que ce soit à la maison ou à l’extérieur
Jogue o que jogar / Peu importe comment tu joues
És o leão do mar / Tu es le lion de la mer
Salve o nosso campeão / Saluez notre champion

Le choix de cet animal n’est pas documenté mais l’explication la plus logique apparaît être celle-ci. Imposant, dominant, conquérant, le lion est le roi des animaux. L’équipe de Santos devait renvoyer alors cette image d’avoir dominé le championnat et d’être un lion. Or, la ville de Santos a un lien important avec la mer (#142). Donc son lion ne pouvait pas être celui de la savane mais celui de la mer. Cet hymne commença à résonner dans le stade quand deux ans plus tard, en 1957, une autre chanson apparut. Dénommée « Sou Alvinegro da Vila Belmiro » (Je suis Alvinegro de Vila Belmiro), elle fut écrite par Carlos Henrique Paganetto Roma (un ancien conseiller du club issu d’une famille étroitement liée à l’histoire de Santos. Son père, Modesto Roma, et son frère, Modesto Roma Júnior, furent présidents du club, respectivement entre 1975 et 1978 et entre 2015 et 2017) et fut approuvée le 11 juillet 1996 comme hymne officiel du club (13 ans après les décès de son créateur). Néanmoins, la chanson « Leão do Mar » avait déjà conquis le cœur de nombreux supporteurs, pour qui elle rappelait le premier succès qui allait en annoncer d’autres avec le Roi Pelé. Aujourd’hui, si « Sou Alvinegro da Vila Belmiro » est joué dans le stade avant les matchs de Santos, la foule scande encore « Leão do Mar » dans les travées. Certains médias l’utilisent également lors des retransmissions des matchs pour accompagner un but de Santos. Et quand en Septembre, en pleine convalescence, la fille du Roi Pelé donna des nouvelles de son paternel, ce fut un post où on entendait le Roi chantait l’hymne traditionnel, « Leão do Mar » .

#918 – Çaykur Rizespor : Atmacalar

Les éperviers. Au bord de la Mer Noire, entre Trabzon et la frontière géorgienne, la ville de Rize s’étale. Ville coincée entre la mer et les montagnes, les activités économiques se concentrent sur l’agriculture, particulièrement le thé noir. L’entreprise publique Çaykur, dont le siège est à Rize, organise la culture et la production dans cette région et constitue la plus grande et la plus importante entreprise de l’industrie turque du thé (avec 47 usines dont 33 à Rize). En 1991, le club de football, fondé en 1953, fut absorbé par Çaykur, qui devint le sponsor du club. Après la promotion de Çaykur Rizespor dans l’élite turque lors de la saison 2013-2014, deux groupes de supporters dénommés Göçebe (les nomades) et Derebeyler, décidèrent de s’unir sous le nom d’Atmacalar (les éperviers). Les deux groupes comptaient ensemble environ 1 500 fans et par ce mouvement espéraient convaincre les 6 à 7 autres groupes de supporteurs à les rejoindre, afin de mieux soutenir leur club. Göçebe avait pour symbole l’épervier et il fut reprit pour la nouvelle association de fans. Au côté du thé dont des feuilles ornent le blason depuis la création du club, Çaykur Rizespor choisit également à cette époque l’épervier comme symbole et surnom.

L’élevage de faucons (dont l’éperviers est une sous-famille) pratiqué dans la région de Rize remonte à l’Antiquité et se perpétue encore aujourd’hui comme une tradition (qui s’étend même au-delà de la frontière géorgienne). L’épervier sert à la chasse (connue sous le nom de Atmacacılık), en particulier de la caille. Située sur l’importante route de migration entre l’Eurasie et l’Afrique, le ciel de Rize est témoin de mouvements d’innombrables faucons, descendant vers le sud, entre Août et fin Octobre puis remontant vers le nord entre Avril et Juin. Après le 15 août, les habitants de la région partent en congé sans solde des usines où ils travaillent pour s’installer dans les montages environnantes et capturer des faucons qui seront éduqués pour la chasse. Cette tradition ancestrale est bien répandue dans la région et connue dans toute la Turquie. Les faucons sont divisés en trois groupes principaux selon la couleur (noir, rouge et jaune) et la forme de leurs plumes. Les rouges sont d’habiles chasseurs tandis que les jaunes apparaissent comme les plus nobles. Cette dépendance des habitants de la région à l’égard de l’épervier et leur amour sincère pour lui ont fait l’objet de nombreuses chansons folkloriques et de poèmes. On raconte même que les gens pleurent pendant des jours lorsque leur faucon meurt.

#904 – Cruzeiro EC : o Time do Povo

L’équipe du peuple. Au Brésil, les équipes du peuple ne manquent pas (Flamengo, Internacional, Santa Cruz, São Paulo, Corinthians …) et leurs équipes marketing en jouent. Mais, de quel peuple parle-t-on ? Une communauté culturelle et identitaire, la popularité ou une classe sociale « inférieure ». Pour Cruzeiro, tout démarre en 2015 d’une conversation WhatsApp de son vice-président du football, Bruno Vicintin, qui devint public à son insu. A l’issue d’un match nul à domicile contre son eternal rival de l’Atlético Mineiro, il écrivit dans un message « Este negócio de time do povo dói dentro da alma deles, porque eles sempre foram clube de elite, tanto que eles estão em Lourdes, né? E o Cruzeiro no Barro Preto. E o Cruzeiro foi um time de imigrante, um time de operários, e a gente tem que abraçar este negócio de time do povo também. Vou começar a falar isso » (Cette affaire de l’équipe du peuple leur fait mal dans l’âme, car ils ont toujours été un club de l’élite, au point d’être à Lourdes [quartier chic de Belo Horizonte], n’est-ce pas ? Et Cruzeiro est à Barro Preto [quartier populaire de Belo Horizonte]. Et Cruzeiro était une équipe d’immigrants, une équipe de travailleurs, et nous devons embrasser cette chose d’une équipe du peuple aussi. Je vais commencer à parler de ça). Les supporteurs de Cruzeiro adhérèrent à l’idée et une campagne utilisant le hashtag « O team do povo » se propagea rapidement sur les réseaux sociaux. Dans la foulée, les équipes communication et marketing du club prirent les choses en main. Le site internet du club affichait en grand ce slogan et un maillot spécifique fut lancé.

Les autres clubs et en particulier le rival de l’Atlético trouvèrent que Cruzeiro galvaudait ce terme et se trouvèrent plus légitimes à porter ce titre. Donc suffit-il de l’affirmer pour l’être ? Evidemment, le responsable du marketing de Cruzeiro, Robson Pires, trouva au moins trois justifications. En premier lieu, ses origines modestes. Cruzeiro fut fondé en 1921 par les immigrés italiens de la ville. Ils étaient réputés pour être travailleurs, persévérants et s’élevèrent dans l’échelle sociale de Belo Horizonte grâce à leur effort. Les premières équipes étaient renforcés par des joueurs venus du club de Yale Athletic Club, fondé dans le quartier populaire de Barro Preto. Toutefois, la communauté italienne était plutôt membre de la petite bourgeoisie que du prolétariat. Deuxièmement, sa grande base de fans. Les deux derniers matchs de Cruzeiro avant la déclaration volée de son vice-président avaient rassemblé une grande foule. Pour le championnat national brésilien, 39 042 fans s’étaient déplacés pour regarder le match face à Figueirense et, évidemment un peu plus, pour le derby face à l’Atlético (45 991 personnes). Au delà de ces deux matchs, après avoir remporté le Taça Brasil (le championnat national avant la création du Brasileirão) de 1966 et aussi la Copa Libertadores de 1976, Cruzeiro régna de manière hégémonique sur le football de l’Etat du Minas Gerais et rassembla un nombre de supporteurs toujours plus nombreux. D’ailleurs, dans les années 1970, l’écrivain et chroniqueur d’Estado de Minas, Roberto Drummond, commença à appeler les fans de Cruzeiro « China Azul » (la Chine bleue) car l’expansion rapide des fans de Cruzeiro se comparait avec la démographie forte du pays asiatique. Aujourd’hui, selon une enquête réalisée par l’Instituto Paraná Pesquisas, publiée en 2016, les supporteurs de Cruzeiro seraient huit millions, le club devenant ainsi la sixième équipe avec la plus grande base de fans au Brésil et la première du Minas Gerais. Troisième raison invoquée : tout simplement parce que le vice-président du football l’a déclarait …. Rien ne fait peur aux équipes marketing.

#884 – Deportivo La Corogne : los Turcos

Les turcs. Apparu dans les années 1980, ce surnom était réservé au départ aux fans de l’équipe de football de la ville, le Deportivo, mais il s’est répandu de plus en plus en dehors des terrains de sport. Au milieu des années 1980, la rivalité entre les deux clubs galiciens du Deportivo et du Celta Vigo s’intensifia. En 1987, le Deportivo perdit le derby 2 buts à 0 dans le stade de Vigo. Les fans du Celta insultèrent ceux du Deportivo en les traitant de turcos. Ce qui devait être désobligeant finit par être une source de fierté pour les fans du Deportivo. Ainsi, dans les années 1990, les drapeaux rouges au croissant fleurirent dans les travées du Stade de Riazor. Qu’est-ce que la Turquie a à voir avec La Corogne ? Une question que beaucoup se posent mais dont la réponse n’est pas unique. En effet, de nombreuses histoires circulent mais nous allons essayer de résumer les plus répandues.

Il y a d’abord la version du bus. Le Deportivo se déplaçait à Vigo avec un bus de la société dénommée TourCoruña. Mais, avec le temps, le uña s’effaça et il ne restait plus comme inscription TourCo qui fut simplifiait en turco.

Evidemment, certains cherchèrent un parallèle historique. Au XVIIème siècle, des pirates, venant majoritairement de Turquie, harcelèrent les côtes et en particulier les villes de Vigo et Cangas. Les fans de Vigo, voulant traiter ceux du Deportivo de barbares, firent le parallèle avec ces pirates turcs. Mais, comme on disait « fort comme un turc », l’image plut aux citoyens de La Corogne. Il existe d’autres versions liées à l’histoire. A une époque, la marine turque aurait atteint les côtes espagnoles et reçu l’aide des habitants de La Corogne. Les gens de Vigo n’aurait jamais oublié cette trahison. Une autre histoire indique une autre infidélité. Lorsque le pape appela les chrétiens à la croisade en terre sainte, le peuple de la Corogne ne se serait pas levé pour aller combattre les turcs. Dans les deux cas, La Corogne s’était vendue à la Turquie.

La thèse « géopolitique » est défendue par d’autres. La Galice, comme la Catalogne et le Pays-Basque, est une terre à l’identité forte et dont la culture celte s’éloigne des symboles de l’Espagne. Les gens de Vigo sont particulièrement fiers de cette différence. En revanche, ils estiment que les habitants de La Corogne se sont éloignés de leur racine et veulent s’assimiler à des espagnols. Le parallèle est alors fait avec les turcs, dont le territoire est principalement situé sur le continent asiatique, mais qui souhaitent être vus comme des européens.

Dans la même veine, la musique fut une autre source. Ce surnom serait relié au groupe Os Resentidos qui, en 1988, sortit un titre particulièrement apprécié à Vigo. La chanson s’intitulait « Por alí, por alá » et, dans l’un de ses couplets, le chanteur déclarait « Non son galegos, son árabes, non son galegos, son turcos » (Ce ne sont pas des galiciens, ce sont des arabes. Ce ne sont pas des galiciens, ce sont des turcs). Comme les habitants de La Corogne avaient cette réputation de ne se sentir particulièrement galiciens, ils furent assimiler à des turcs.

La catastrophe écologique qui eut lieue en 1992 fut également une source de ce surnom pour certains. En décembre 1992, le navire grec “Aegeam Sea” (Mer Égée) était venu appareillé dans le port de La Corogne pour livrer plus de 79 000 tonnes de pétrole brut léger à la raffinerie. Mais, des conditions météorologiques défavorables firent échouer le pétrolier lors de son approche, déversant alors 67 000 litres dans la mer. Pour le surnom, c’est le nom du bateau qui est important. En effet, s’appelant Mer Egée, il fait référence à la mer dans laquelle mouille une grande partie des côtes turques. Ainsi, les gens Vigo aurait dit qu’on pouvait voir la Mer Egée depuis La Corogne tout comme en Turquie. L’histoire semble anachronique puisque si on admet que le surnom survint en 1987, la catastrophe est postérieure.

Mais, il existe encore plein de versions différentes. Les villes de Vigo et La Corogne sont situées en Galice mais à deux extrémités de la région. Ainsi, La Corogne est à 160 km de Vigo, ce qui parait à l’autre bout du monde lorsque vous êtes dans cette dernière cité. La Corogne serait apparue aussi éloignée de Vigo que la Turquie. Autre possibilité : les plaques d’immatriculation des voitures enregistrées à La Corogne intègrent un « C » suivi d’un point au niveau du milieu du C. Or, cette configuration aurait fait penser au croissant et à l’étoile figurant sur le drapeau turc. La sémantique n’est pas en reste. En effet, une expression familière dar un baño (donner un bain) signifiait « affliger une défaite humiliante à l’adversaire ». Dans la région, le bain était même un bain turc. Or, il y a plus de 50 ans, lorsque le Celta se déplaçait sur le terrain du Deportivo, il s’inclinait et les supporteurs de La Corogne n’hésitaient pas à dire qu’ils avaient donné un bain turc à Vigo. Enfin, lors du match face au Panathinaikos en Ligue des champions, les supporters du Deportivo firent un grand tifo (de plus de 20 mètres) représentant un drapeau turc pour titiller les Grecs. En effet, les Grecs et les Turcs ne s’apprécient pas (et c’est un euphémisme).

Bref, quelque soit la véritable histoire, la multitude des légendes permet d’assoir ce surnom.

#880 – SV Ried : die Wikinger

Les vikings. Même s’il est de plus en plus rare de trouver des supporteurs du club se balader avec un casque de viking dans les travées du stade, le club entretient le lien avec ce peuple nordique. Tout d’abord, l’équipe réserve se nomme Junge Wikinger (les jeunes vikings). De plus, depuis la saison 2016-2017, la mascotte nommée Siegfried est un viking. Enfin, le camp d’entrainement réservé aux jeunes de 6 à 13 ans organisé par le club s’appelle Wikinger Kids Camps. Pourtant, l’origine de ce surnom s’est perdu même s’il est de création assez récente. Deux versions se sont répandues pour l’expliquer. Au début des années 1990, suite au Festival Viking organisé dans la ville voisine de Pram (à 10km de Ried im Innkreis), certains supporteurs seraient revenus dans le stade affublés d’un casque de viking. L’autre version se serait déroulée également dans les années 2010 avec deux des joueurs emblématiques du club. D’un côté, Michel Angerschmid qui n’a connu qu’un seul club pendant les 14 ans de sa carrière, le SV Ried. De l’autre côté, le meneur de jeu Herwig Drechsel qui joua pour Ried lors de deux passages (de 1995 à 1998 et surtout de 1999 à 2010). Lors du centenaire du club en 2012, Herwig Drechsel a même été élu « joueur du siècle ». Ces deux piliers du club fréquentaient également un pub de la ville, où ils avaient leur table. Cette dernière était appelée la table des vikings par les propriétaires et les habitués de ce bistrot et l’appellation aurait déteint sur les deux joueurs. Puis sur l’équipe entière.