#1295 – Vasas SC : Vasas

Ceux du fer, les métalleux, les ferreux. Ne cherchez pas une ville dénommée Vasas sur une carte de la Hongrie. Au mieux, dans un livre d’histoire, vous pourriez lire quelques lignes sur un ancien village annexé par Pécs en 1954. Mais, tout ceci n’a pas de lien avec le club éponyme … du moins pas directement. Selon une tradition populaire de 1865, une petite quantité de minerai de fer fut trouvée pour la première fois dans les montagnes près du village, ce qui donna le nom « vasas » qui dérive de vas (le fer en hongrois).

Et le fer est bien la base du club. Le 16 mars 1911, à l’initiative de la direction locale de Budapest et des sportifs du syndicat des ouvriers du fer et de la métallurgie, un club omnisports fut fondé sous le nom Vas-és Fémmunkások Sport Clubja (Club sportif des ouvriers du fer et de la métallurgie). Le syndicat s’efforçait d’offrir aux travailleurs des activités sportives pour occuper dignement leur temps libre. Ce syndicat, qui se nomme Vasas et qui existe encore aujourd’hui, est l’un des plus anciens et les plus importants de Hongrie, regroupant principalement les travailleurs des industries lourdes et de l’automobile.

En 1877, dans un environnement industriel bouillonnant, les ouvriers du fer et du minerai tentèrent de former une association professionnelle pour défendre leur intérêt. Ce fut le point de départ de l’organisation syndicale. En 1884, le syndicat organisait la grève des forgerons. En 1902, il comptait 600 adhérents dans les différents métiers du fer comme des orfèvres, des ferblantiers, des forgerons, des chaudronniers, des serruriers, des installateurs de gaz d’éclairage et de conduites d’eau, des tailleurs de limes et des tourneurs de fer. Le syndicat se structura en 1905 et prit une dimension nationale. À l’été 1905, 25 000 ouvriers métallurgistes de Budapest menèrent une grève de 5 semaines. À la suite d’une manifestation de grande ampleur en 1908, le ministre de l’Intérieur suspendit le syndicat, mais la solidarité et le courage des ouvriers empêchèrent la dissolution de l’organisation.

Le club de football prit les couleurs du syndicat (rouge et bleu) et changea en 1925 son nom en Vasas SC. Il demeure encore aujourd’hui lié, au moins par l’esprit, avec le syndicat.

#1293 – LD Alajuelense : Liguistas

Ceux de la ligue. Le surnom paraît évident quand on lit le nom complet du club : Liga Deportiva Alajuelense. Seulement, ce n’est pas le nom du club qui donna son surnom. Mais, cela pourrait être l’inverse car Liguistas caractérisent les habitants de la ville de manière générale. Et toute l’histoire remonte au début de l’indépendance du Pays.

Le Costa Rica devint indépendant de l’Empire espagnol le 15 septembre 1821 mais le processus de création de l’Etat fut chaotique et long. Il y eut une première guerre civile, entre les partisans d’une réelle indépendance du pays et ceux souhaitant rejoindre le premier Empire Mexicain, ce qui conduit à l’émergence d’une 3ème voie avec l’incorporation du Costa Rica à la République fédérale d’Amérique centrale (un Etat fédéral regroupant les pays d’Amérique central) en 1823. Les 12 années suivantes, étant donné la faiblesse du pouvoir centrale, un fort régionalisme s’émancipa et donna naissance à une souveraineté fragmentée dans les 4 principales villes (San José, Heredia, Alajuela et Cartago) de la vallée centrale. En 1834, pour assagir leur rivalité, la Ley de la Ambulancia prévoyait une alternance de la capitale entre les 4 cités. Jusqu’en 1834, San José était la capitale et suite à la promulgation de la loi, le gouvernement et l’administration furent transférés à Alajuela. Mais, ce déménagement désorganisa l’Etat et San José se sentait alors la seule légitime à accueillir de manière pérenne le gouvernement. Le chef du gouvernement démissionna et le nouveau, né à San José, abolit la Ley de la Ambulancia et rétablit San José comme capitale, ce qui souleva une vague de contestation des 3 autres cités. Cartago nomma alors son propre gouvernement, auquel se rallièrent Heredia et Alajuela dans une coalition contre San José dénommé la Liga de Tres Ciudades (la ligue des 3 villes). Une nouvelle guerre civile éclata qui fut remportée par les partisans de San José en 1838. Les habitants de cette dernière appelèrent ceux de Heredia et Alajuela, los liguistas (Cartago avait abandonné la ligue un peu avant les 2 autres) et finalement le surnom demeura uniquement pour Alajuela.

Lorsque l’équipe d’Alajuela fut fondée le 18 juin 1919, elle fut nommée Liga Deportiva Alajuelense, peut-être en souvenir de la fameuse Ligue.

#1292 – Club Nacional : Tricolor

Tricolore. Evidement, le maillot comme l’écusson du club affichent 3 couleurs : le bleu, le blanc et le rouge. Et si les couleurs sont similaires à celles du drapeau paraguayen, ce n’est peut-être pas un hasard, surtout quand on se dénomme Nacional. Au début du XXème siècle, l’instabilité politique sévissait au Paraguay, où les factions rivales, Liberals (identifié en bleu) et Colorados (identifié en rouge) s’affrontaient. Cette situation résultait de la guerre qui se déroula entre 1864 et 1870 et qui vit le Brésil, l’Argentine et l’Uruguay écrasaient le Paraguay. Le pays aurait perdu une grande partie de sa population (jusqu’à 60%) et de son territoire (140 000 km2 soit 70%).

Dans ce contexte où le Paraguay venait de retrouver un peu de liberté et malgré les divisions, le besoin de renforcer l’identité paraguayenne notamment par la formation des futures élites était prioritaire. Ainsi, les programmes scolaires commençaient à intégrer le sport comme un des éléments du développement global des élèves. L’enseignant-athlète de nationalité hollandaise, William Paats, importa et chercha à éveiller l’intérêt de ses étudiants à de nouveaux sports venus d’Europe, dont le football. Plusieurs équipes de football se formèrent dans les lieux d’étude de la capitale tels que le « Colegio de los Salésiens » , « l’Escuela de Derecho » et « l’Escuela Normal de Maestros » .

Ainsi, le 5 Juin 1904, 17 jeunes collégiens du « Colegio Nacional » d’Asunción décidèrent de fonder une nouvelle association sportive. Ces jeunes avaient l’identité paraguayenne chevillée au corps et des sentiments qui dépassaient les luttes partisanes. Ils souhaitaient donc que leur club soit un étendard, un représentant national transpartisant. Ils choisirent les couleurs bleu, blanc et rouge tout d’abord pour rendre hommage au « Colegio Nacional » où ils avaient éduqué. Le collège avait été créée par la Loi du 4 janvier 1877 et était nommée « Général Bernardino Caballero« , nom d’un héros de la guerre contre le Brésil, l’Argentine et l’Uruguay et qui avait été président de la République pendant la période de reconstruction du pays. Donc, pas étonnant que le collège fusse un vivier nationaliste et eusse les mêmes couleurs que celles du drapeau uruguayen. Ce qui rejoignait les idées nationalistes et le symbolisme voulues par les fondateurs du clubs. En outre, cela présentait l’avantage d’associer les couleurs (bleu et rouge) des deux factions rivales qui agitaient la vie politique.

Le drapeau actuel du Paraguay comporte 3 bandes horizontales, une rouge, une blanche et une bleue, et fut institué le 25 novembre 1842. Mais, sa première version remonte au 30 septembre 1813. Selon la légende, ces couleurs correspondaient aux couleurs des uniformes des soldats paraguayens qui défendirent Buenos Aires face aux armées britanniques entre 1806 et 1807. Mais, d’autres pensent qu’il s’inspire du drapeau tricolore français. Mais, il se pourrait aussi qu’il dérive du drapeau de l’ancien pays colonisateur, l’Espagne. D’ailleurs, avant que le rouge, le blanc et le bleu s’imposent, plusieurs autres drapeaux du Paraguay existèrent et leurs couleurs s’approchaient du drapeau espagnol.

#994 – AS Monaco : le Club Princier

Monaco a un statut à part (je ne rentrerai pas dans les considérations fiscales). En effet, Monaco est un état indépendant de la France mais il possède une équipe qui évolue dans le championnat de France. Ce type de curiosité n’est pas unique en Europe. Derry City, club nord-irlandais, affilié à la fédération de la République d’Irlande. Les gallois de Swansea et Cardiff City évoluent également dans les championnats anglais. A l’inverse, les anglais du Berwick Rangers participe au championnat écossais. Cette particularité ne se limite pas aux anglo-saxons. En Espagne, Andorra FC joue en seconde division. Sept clubs du Liechtenstein (dont le FC Vaduz) et un club amateur allemand (FC Büsingen) évoluent dans les ligues Suisses.

Dès sa création en 1924, l’AS Monaco, qui est un club et non l’équipe nationale de Monaco, fut affilié à la Fédération Française de Football et fit ses débuts en première division française lors de la saison 1953-1954. Ce lien footballistique avec la France s’explique par les relations étroites entre la Principauté et la République Française. Enclavée dans le territoire français, la cité-Etat de la French Riviera est indépendante de la France depuis 1489 mais en était devenu un protectorat à compter du XVIIème siècle. A la fin de la Première Guerre Mondiale, un traité franco-monégasque était signé et établissait que Monaco devait s’aligner sur les intérêts politiques, militaires et économiques de la France. En outre, Union douanière, utilisation du Français, monnaie commune, code civile basée sur le code napoléonien … l’influence française sur la vie monégasque est forte.

Il n’en demeure pas moins que Monaco est un Etat indépendant et une principauté. La famille Grimaldi, par son ancêtre François Grimaldi dit Malizia, mit le grapin sur le rocher en janvier 1297. Au fil des ans, le Saint Empire Romain Germanique, le Royaume Espagnol et le Royaume de France reconnaitront la souveraineté de Monaco tout en faisant un protectorat. Etant donné sa faible étendue (à peine 24 km2 dans ses temps les plus forts) et son lien de vassalité avec d’autres royaumes, Monaco ne pouvait alors qu’être une principauté et son suzerain, un prince. Le club représentant la principauté et étant même détenu par elle (à hauteur du tiers du capital aujourd’hui), il est devenue le club princier.

#985 – ADO La Haye : de Residentieclub

Le club de la résidence. Pour un français, vivant dans un Etat jacobin où Paris concentre l’ensemble des pouvoirs, l’organisation administrative des Pays-Bas peut lui apparaître baroque. L’article 32 de la Constitution du Royaume des Pays-Bas établit que la capitale est Amsterdam. Pourtant, l’ensemble des institutions gouvernementales — exécutives, législatives et judiciaires — siègent à La Haye. D’un côté, Amsterdam est dans les faits le centre économique et culturel des Pays-Bas, abritant la Bourse d’Amsterdam (AEX) et le siège de grandes entreprises (AkzoNobel, Heineken, ING, Ahold …). De l’autre côté, La Haye constitue le centre de la politique néerlandaise, acceuillant le gouvernement et le parlement néerlandais ainsi que la résidence de la famille royale néerlandaise.

L’actuelle cité existe depuis 1230, lorsque le comte Floris IV de Hollande fit construire un modeste château, qui lui servait de résidence de chasse. Cette résidence, dénommée Ridderzaal, fut agrandie par son fils Guillaume II, roi des Romains (ie roi du Saint Empire romain germanique entre 1248 et 1256), ce qui donna du lustre à la ville. Par la suite, La Haye devint le centre administratif des Comtes de Hollande, avec la résidence du Comte. Ce statut fut confirmé avec les Ducs de Bourgogne et les Habsbourg. À partir de 1585, après avoir déclarée son indépendance dans la cité (Acte de La Haye), la République des Sept Provinces-Unies des Pays-Bas (Provinces-Unies) poursuivit cette pratique. La Haye était alors le lieu où se trouvait la plus haute instance gouvernementale, les États généraux (une assemblée des 7 provinces qui prenaient des décisions communes concernant les politiques militaires et navales ainsi que la diplomatie) ainsi que la cour du Stathouder (un des représentants des Provinces-Unies). Même si La Haye ne devint officiellement une ville qu’en 1806, son rôle politique était alors établi et se transmit jusqu’à nos jours, au travers de son complexe bâtimentaire, le Binnenhof.

Le Binnenhof abrite aujourd’hui notamment les deux chambres du Parlement (Sénat et Etats Généraux), les bureaux du Premier ministre (dans le bâtiment nommé Torentje), le ministère des Affaires générales ainsi que le Conseil d’Etat, la plus haute autorité administrative. Le Ridderzaal s’y trouve aussi, où le Roi des Pays-Bas prononce son discours annuel. A côté de ces instances politiques, la vie royale s’organise aussi à La Haye. Après avoir constitué la résidence royale entre 1817 à 1940, le Palais Noordeinde, également connu sous le nom de Het Oude Hof (La Vieille Cour), est le palais de travail du roi des Pays-Bas depuis 1984. Enfin, le palais de Huis ten Bosch (Maison au Bois) est la résidence principale du roi des Pays-Bas. D’où, en abritant la résidence royale, La Haye a hérité du surnom De Residentie (la résidence).

En plus d’être le centre politique nationale, La Haye compte au niveau international. En 1899 et en 1907, la ville accueillit deux conférences de paix. Aujourd’hui, elle abrite plus de 100 organisations internationales dont la Cour Pénale Internationale, la Cour Internationale de Justice, la Cour d’Arbitrage International, Europol, Eurojust …

#974 – CA Chacarita Juniors : Tricolor

Le tricolor. Surnom qui n’a rien d’étonnant étant donné que les joueurs du club arborent un maillot avec 3 couleurs, rouge, noir et blanc. Précisément, il s’agit d’une tunique rayée de ces 3 couleurs. Le dessinateur et écrivain argentin, Roberto Fontanarrosa, passionné de football et supporteur de Rosario Central, exprimait dans son livre référence sur le football argentin « No te vayas campeón » son amour pour le maillot de Chacarita « Qué linda es la camiseta de Chacarita. Es más, si algún día me hacen uno de esos tontos reportajes llamados “ping-pong”, cuando me pregunten por “una camiseta”, diré: “La de Chacarita”. Es la que más me gusta (…) la de Chacarita tiene, si se quiere, un toque de sofisticación, de ingenio. Y yo creo que ese toque reside en esa línea finita, blanca, que se ha colado entre las rojas y las negras, más anchas y prepotentes. Esa línea delgada y blanca aporta un trazo de distinción, brinda luz, relieve, cierto brillo. » (Qu’elle est belle la chemise de Chacarita. D’ailleurs, si un jour ils font un de ces interviews « ping-pong » à la con, quand ils me demanderont « une chemise », je dirai : « Celle de Chacarita ». C’est celle que j’aime le plus (…) Chacarita’s a, si vous voulez, une touche de sophistication, d’ingéniosité. Et je pense que cette touche réside dans cette fine ligne blanche, qui s’est glissée entre les lignes rouge et noire, plus larges et plus imposantes. Cette fine ligne blanche apporte une touche de distinction, de lumière, de relief, un certain éclat.).

La tradition raconte que ces couleurs faisaient référence à leurs origines. Le club fut fondé le jour de la fête du travail, le 1er mai 1906, par une bande d’amis, dans les bureaux de la section 17 du Parti Socialiste local. Dans ce quartier populaire, les membres étaient tous proches des idées socialistes d’où le choix du rouge. Le noir pourrait laisser penser à une autre tendance politique de gauche, l’anarchisme de la puissante Federación Obrera Regional Argentina (Fédération Ouvrière Régionale Argentine – FORA), rattachée à la Première Internationale. Mais, il est plus communément admis que le noir représenterait le cimetière qui rythme la vie du quartier de Chacarita depuis le XIXème siècle et demeure l’un des plus grands du monde (cf. #855). Enfin, le blanc signifierait la pureté qui caractérise la jeunesse, le lien avec le terme « junior » dans le nom du club.

Toutefois, initialement, le club n’évolua pas dans ces couleurs devenues traditionnelles. Tout débuta avec un maillot bleu ciel avec une bande blanche horizontale sur la poitrine. Mais, à partir de 1911, certains des joueurs désertèrent vers d’autres clubs voisins et la section football perdit de sa splendeur. En 1919, une nouvelle direction décida de donner une nouvelle impulsion avec une « refondation » . Cette renaissance serait passée par le nouveau maillot tricolore. Toutefois, aucun document ou témoignage permet de prouver les raisons de ce changement, ni de le dater. D’ailleurs, l’acte de refondation ne mentionnait ni les couleurs ni les maillots.

Avant même le maillot bleu ciel, selon l’un des fondateurs, José Manuel Lema, le premier équipement porté par l’équipe consistait en une veste blanche avec un petit bouclier en guise de poche et était un cadeau de la sœur d’un des membres, Alfredo Palacios. Le 18 avril 1907, le journal « La Argentina » publiait un article qui décrivait le maillot du club comme rouge et blanc accompagné d’un pantalon blanc. Le 2 mai 1908, le journal « El Mundo » rapportait un changement de tenue avec une chemise rayée verte et blanche ainsi qu’un short bleu marine. Le 9 août 1922, le journal « La República » mentionnait un match entre Chacarita Juniors et Vida y Acción où le club évoluait avec une tenue bleue. Finalement, le fameux tricolore serait apparu en 1924. Le 12 avril de cette année, une publication de « Última hora » annonçait que Chacarita changeait ses couleurs. Selon le journal, Chacarita Juniors s’était fourni auprès d’une entreprise européenne après que les dirigeants de l’institution décidèrent ce changement afin de se distinguer des nombreux clubs qui portaient du bleu. Ces 3 couleurs proviendraient d’un maillot porté par l’un des acteurs de la refondation, Nicodemo Perticone. Selon son fils, le tissu de ce maillot aurait été offert à la mère de Nicodemo par une autre immigrée d’origine arabe sur le bateau qui les emmenaient vers l’Argentine. Mais, le tissu étant trop coloré pour la mode de l’époque, la mère de Nicodemo aurait confectionné un maillot pour que son fils pût jouer au football. Nicolás Caputo, un autre pionner de la refondation, fut séduit par les couleurs originales du maillot de son compère et les proposa à la direction.

#877 – CA Colón : los Rojinegros

Les rouge et noir. Il s’agit évidemment des deux couleurs du club. Mais, comme il y a deux couleurs, il existe deux versions quand aux choix de ces teintes. Une histoire a pris le pas sur l’autre en étant quasi-officielle. Elle est d’ailleurs racontée par le club sur son site internet. En 1905, un groupe d’ami fonda le club du CA Colón et jouait des partis de football face à d’autres clubs de leur quartier près du port, sur un champs dénommé « el Campito » . Les membres décidèrent d’uniformiser leur équipement et lancèrent une collecte pour les acheter. Ils retinrent les couleurs noires et rouges d’une péniche qui se trouvait non loin de leur terrain de jeu pour leur nouveau maillot, avec une exigence particulière. Ils indiquèrent que le maillot devait se partager en deux parties (à la façon du célèbre maillot de Blackburn) : le rouge à gauche et le noir à droite. La commande fut passée à un fabriquant de la ville « voisine » de Rosario. Toutefois, la surprise fut grande quand à la réception des kits, les membres se rendirent compte que les couleurs étaient inversées : rouge à droite, noir à gauche. L’autre surprise pour le club de Santa Fe fut de découvrir qu’une équipe de Rosario possédait le même maillot, Newell’s Old Boys (cf. Article #340). Il était impossible pour les deux clubs d’évoluer avec le même maillot en particulier s’il devait s’affronter lors d’un match. En 1911, les deux clubs décidèrent de jouer un match pour déterminer laquelle des deux équipes conserverait le maillot et ses couleurs. Le match fut remporté par Colón (1-0), mais Newell’s ne respecta pas l’accord et aujourd’hui, les deux clubs portent le même maillot.

L’autre version beaucoup moins connue avance qu’au sein du groupe des fondateurs, certains voulaient un maillot comme celui de Newell’s (qui avait été fondé deux ans auparavant) et les autres préféraient prendre les couleurs, rouges et blanches, qui étaient celles de l’Union civique radicale (un parti argentin de centre gauche). Entre la fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle, ce parti participa à de nombreux soulèvements, notamment à celui de 1905 qui fut l’un des plus importants de l’époque et qui se déroula à Santa Fe en particulier. Pour régler le choix du maillot, les fondateurs organisèrent un match opposant les deux camps et dont le vainqueur pourrait décider la proposition retenue. Vous vous en doutez le camp du rouge et noir l’emporta.

Le club joue donc depuis ses débuts avec ce maillot rouge à droite et noir à gauche sauf lors de deux saisons. En 1974 et lors du championnat 1984-1985, les deux couleurs furent inversées, comme si le club avait tenté de coller à la première version. Mais, après tant d’habitude, les fans n’étaient pas prêts pour ce changement et le club revint toujours à son design originel.

#852 – Wisła Cracovie : Psy

Les chiens. Ce surnom ne réfère pas à un gentil caniche ou un affectueux toutou. Il s’agit plutôt d’une insulte inventée et scandée par les fans adverses à l’attention des supporteurs du Wisła. Car, les rivalités footballistiques en Pologne demeurent malheureusement conflictuels. Le hooliganisme dans les stades est enraciné et tenace, transformant les chants en couplets d’insultes et les tribunes en champs de bataille. Cracovie n’échappe pas aux mouvements avec ces deux clubs historiques qui s’affrontent pour la suprématie sportive sur la cité : le Wisła et le KS Cracovie. Lors des derbys, appelé la guerre sainte, les affrontements entre supporteurs sont nombreux et se règlent à coup de batte de baseball et de couteau, avec malheureusement des décès. Cette hostilité ouverte s’est diffusée dans les surnoms qui deviennent haineux. Ainsi, le « chien » qui caractérise les fans du Wisła a une connotation négative, rebondissant à la fois sur l’histoire du club et sur l’imagerie populaire.

Créé vers 1906 par un professeur et ses étudiants, le club se trouve, depuis l’époque communiste, attaché à la milice (Milicja Obywatelska – Milice Citoyenne). A partir de 1944 jusqu’en 1990, cette force professionnelle (elle n’était pas constituée de citoyens volontaires comme le mot milice aurait pu le laisser supposer) assuraient les missions de police et notamment de police politique (via sa branche dénommée ZOMO). Je n’ai pas retrouvé les conditions exactes de rattachement du club à la Milice Citoyenne mais selon certains, comme le club comptait de nombreux supporteurs et que l’autre grand club polonais, le Legia Varsovie, dépendait déjà de l’Armée Polonaise, la Milice aurait forcé la main des dirigeants du club pour se soumettre. Or, dépendre de la police n’était pas bien vu et donner lieu à du mépris. En effet, la détermination de la Milice à défendre le gouvernement communiste et à réprimer toute opposition, en commettant des exactions, conduisit à une image déplorable et sa détestation par la population. Pour les adversaires, le club représente donc encore cet appareil de la terreur communiste. Une légende colporte que le souhait de la Milice d’intégrer le club dans son giron avait pour objectif de recruter parmi ses nombreux supporteurs de nouveaux collaborateurs dévoués et bénévoles. D’où ses supporteurs gardent l’image de suppôts au service de cette autorité. Or travailler pour cette police secrète était un acte de traitrise pour la population.

Le chien, animal utilisé par les forces de l’ordre (et donc la Milice), devint donc son symbole. Mais, cette représentation ne mettait pas en avant les qualités de l’animal (fidélité, force …). Il est né dans le vocabulaire des criminels, qui se transposât dans l’argot polonais. Le sens dégradant donnait à l’animal provient du fait que, comme le cochon, dans l’imagerie populaire, le chien, notamment errant, représente un statut inférieur, inspire la répugnance et le mépris. Le transfert de cette symbolique insultante envers l’homme est connu dans de nombreuses cultures : l’homme est dégradé au rang du pire animal pour signifier son absence de toute valeur (notamment morale) et caractériser un comportement indigne (ne dit-on pas en français « sale chien ! »).

Comme vous pouvez le voir, ce surnom exprime la haine et le mépris envers le Wisła mais ses supporteurs le retournèrent aussi en leur faveur. Car ce qui catalyse la haine et la fureur de l’adversaire mérite d’être transformé en une forme capable de susciter sa terreur. Il n’est donc pas rare de voir les fans du Wisła faire vibrer des tifos arborant des chiens, mais cette fois, forts et féroces (aux crocs acérés ou bavant ie ayant la rage).

#841 – ASCK : les Chauffeurs

Le surnom des conducteurs est également utilisé. Le club de la ville de Kara située au nord du pays est devenu un acteur majeur du football togolais depuis ces dernières années. Fondé en 1997, il a longtemps stagné en seconde division avant d’atteindre en 2017 l’élite togolaise. Alors qu’il disputait seulement sa 2ème saison en première division en 2019, il remporta le titre de champion. Pour ne pas bouder ce plaisir, l’équipe réalisa même le doublé cette année-là. Mais, cette rapidité à conquérir les titres ne mena pas à ce surnom. En réalité, tout est lié à la naissance du club. Passionné de football, un jeune membre du syndicat des conducteurs (transport en commun, taxi …) de la région de Kara créa un club de football, afin de renforcer les liens entre les jeunes qui constituent le syndicat. Le club prit le nom d’Association Sportive des Chauffeurs de la Kozah (ASCK). Pari réussit 20 ans plus tard et même au delà. Le club est populaire aussi bien parmi les membres du syndicat que les différentes couches de la cité.

#831 – Engen Santos FC : the People’s Team

L’équipe du peuple. Malgré un championnat d’Afrique du Sud remporté en 2002, ce n’est pas son palmarès qui a rendu le club populaire. D’autant que la compétition est rude dans la ville du Cap qui compte d’autres clubs dans les premiers échelons des ligues sud-africaines (Cape Town Spurs, Cape Town City, Cape Town All Stars …). Fondé en 1982 à Heideveld, banlieue du Cap, le club gagna sa notoriété en étant ouvert à toutes les communautés, sans distinction de race ou de religion. Cela paraît anodin mais dans le contexte de l’Apartheid, ceci constitua un affront à la politique ségrégationniste d’Etat.

Introduit par les colons anglais, le football fut considéré comme le sport du peuple noir par les autorités politiques blanches du pays, ces dernières privilégiant le cricket et le rugby. Mais, cette « préférence » ne devait pas pour autant conduire à mélanger les différentes communautés dans la pratique du football. Avant même l’établissement de l’Apartheid, le pays était déjà divisé entre ses différentes composantes (blancs, noirs, indiens, métis). Résultat, chaque communauté créa sa propre fédération de football : FASA (blanc en 1892), SAIFA (indien en 1903), SABFA (noir en 1933) et SACFA (métis en 1936). Chacune avait ses propres équipes qui pouvaient s’affronter mais les équipes blanches demeuraient plutôt à l’écart des autres fédérations. A partir de l’établissement de l’Apartheid en 1948, la séparation s’institutionalisa dans la vie publique et s’imposa définitivement dans le football : blanc d’un côté et les autres (en particulier les noirs) de l’autre côté.

En 1951, les africains, les métis et les indiens se réunirent au sein d’une seule fédération (SASF) pour s’opposer à l’apartheid dans le sport. Mais, ce fut surtout l’expulsion des équipes et des instances sportives africaines des compétitions et organisations internationales (à compter de 1961 pour le football) qui aida à affaiblir cette politique de ségrégation. Les entailles aux discriminations se succédèrent à compter des années 1970. En 1974 et 1975, des compétitions nationales (Embassy Multinational Series et Chevrolet Champion of Champions) opposaient des clubs noirs et blancs les uns contre les autres. Leurs succès d’audience confirmèrent la popularité du football mixte. En 1976, le gouvernement autorisa une équipe sud-africaine composée de joueurs blancs et noirs à jouer contre l’Argentine en visite à Johannesburg. Même si dans les tribunes, les deux communautés étaient toujours séparées, cette première équipe mixte remporta le match sur le score de 5 buts à 0. En 1976, l’équipe d’Arcadia Shepherds, membre du championnat de football sud-africain réservé aux équipes composées de joueurs blancs (NFL), intégra pour la première fois un joueur africain. Deux ans plus tard, cette même ligue s’effondra du fait de sa faiblesse face aux autres championnats tels que le NPSL, réservé aux africains. Résultat, naquit en 1978 une nouvelle ligue non-raciale où se côtoyaient des équipes composées d’africains et des équipes composées de blanc (qui pouvaient inclure jusqu’à 3 joueurs noirs). Dans les années 1980, le football était devenu un lieu d’expression politique dans le pays. Les rassemblements politiques de toute nature étant interdits, les matchs de football étaient la couverture parfaite pour les réunions des dirigeants de l’ANC. Ce fut dans ce contexte qu’apparût Santos FC qui s’affranchissait de toutes les barrières raciales. Evidemment, ce choix ne plut pas et le club connut des débuts tourmentés avec des problèmes financiers, des obstacles politiques, des fraudes et vols. Cette politique non-raciale et les difficultés liées lui permit de gagner rapidement en popularité au sein de toutes les communautés et le surnom d’équipe du peuple.