#1365 – CD Santiago Morning : los Bohemios

Les bohémiens. Le club de la capitale est peu connu à l’international et navigue aujourd’hui dans les divisions inférieures du football chilien. Pour autant, il bénéficie d’un certain soutien et fait parti des clubs historiques. Dans le quartier populaire de Recoleta, le 16 octobre 1903, un groupe d’étudiants du lycée Santiago (aujourd’hui Valentín Letelier) fondèrent le Santiago Football Club. Quelques années après, le 2 avril 1907, le Small Chile FC fut créé par des jeunes du quartier Independencia, avec le soutien du prêtre Rafael Edwards Salas. En 1909, le club changea de nom pour Morning Star Sport Club. Au début des années 1930, à l’aube du professionnalisme au Chili, les deux équipes étaient rivales. Mais, le 17 avril 1936, les deux clubs décidèrent de fusionner, donnant naissance au Santiago Morning.

Le nouveau club s’appropria le meilleur des deux équipes, avec à sa tête un duo d’attaquant exceptionnel formé par le jeune Raúl Toro et l’argentin Salvador Nocetti. A cela s’ajouta des jeunes joueurs prometteurs comme le gardien William Marín, l’attaquant Domingo Romo et Humberto Astudillo. L’équipe remporta 3 tournois d’Apertura (1944, 1949, 1950), 2 Ligues des champions (1943, 1944) et le titre suprême de la ligue professionnelle chilienne en 1942. Avec ses résultats, un engouement pour Santiago Morning emporta les quartiers de Recoleta et Independencia qui accueillaient alors de nombreux artistes. Acteurs, écrivains, musiciens et peintres fréquentaient régulièrement le stade et partageaient de longues discussions sur le football avec des amateurs et des voisins dans les cafés du quartier jusqu’au petit matin. Les poètes écrivirent des éloges pour Nocetti et les chanteurs louaient les performances de Toro. Ces supporteurs artistes donnèrent alors une ambiance bohème au club.

#1318 – CS Gloria Bistrița-Năsăud : Echipa lui Dracula

L’équipe de Dracula. Héritière de l’ACF Gloria Bistrița, le club actuel n’est plus qu’une pale copie de son prédécesseur. Ce dernier connaissait ses heures de gloire dans les années 1990 et au début des années 2000, avec une victoire en Coupe de Roumanie en 1994 et une coupe de la Ligue en 2000 ainsi qu’une 3ème place en championnat lors de la saison 2002-2003. Il était même parvenu à tenir tête à l’Atletico Madrid en finale de la Coupe Intertoto en 2007. Le nouveau club, qui démarra ses activités 3 ans après la fin de l’ACF, patauge en 3ème division. Son stade, qui avait accueilli les grands noms du championnat roumain, se délabre. En clair, l’équipe de Dracula ne fait plus peur.

Le célèbre personnage de l’auteur irlandais Bram Stoker marque de son empreinte le pays et en particulier la région de Bistrița. Rappelons que l’oeuvre, de style horreur gothique, publiée en 1897, relate les agissements criminels du vampire Dracula dans son chateau puis en Angleterre. Il sera poursuivi par le célèbre chasseur de vampire, Abraham Van Helsing. De nombreuses fois adaptés au cinéma, Dracula et Van Hesling sont devenus des personnages mythiques dans la culture populaire partout dans le monde.

Si Dracula comme son chateau retiré sont fictifs, ils s’inspirent de l’histoire Roumaine et de l’environnement de la Transylvanie, une région roumaine située à l’intérieur de l’arc des Carpates. Tout d’abord, Dracula ressemblent à deux princes de Valachie du XVème siècle : Vlad III Basarab, dit Țepeș (l’Empaleur) ou Drăculea (fils du Dragon), et son père Vlad II, dit Dracul (le Dragon). Les deux Vlad construisirent leurs légendes de tyrans sanguinaires en exerçant un pouvoir autoritaire et cruel. Puis, au début du XIXème siècle, la littérature s’empara de la Roumanie, et particulièrement de la Transylvanie, pour y narrer des histoires effrayantes ou de vampire (« L’Étranger des Carpathes » de Karl Adolf von Wachsmann, « Capitaine Vampire » de Marie Nizet et « le Château des Carpathes » de Jules Verne). Bram Stoker y situa donc aussi le chateau retiré de Dracula. Précisement non loin de Bistrița. La ville roumaine (citée sous son nom allemand Bistritz dans le roman) était également la dernière étape où séjourna un de ses personnages, le clerc de notaire britannique, Jonathan Harker, avant de rejoindre le chateau de Dracula. Evidemment, la ville exploite aujourd’hui cette imaginaire et nombreuses sont les attractions sur le thème de Dracula. Notamment, un hotel « Coroana de Aur » y a vu le jour il y a une cinquantaine d’années, du nom de l’hotel où résida Jonathan Harker dans le roman.

#1138 – Manisa FK : Tarzan

Le personnage de l’écrivain américain Edgar Burroughs s’est installé en Turquie dans la ville de Manisa et inspira un surnom à l’ensemble des équipes sportives de la cité. Né en 1899 à Bagdad ou à Samarra, Ahmet bin Carlak rejoignit, après la Première Guerre mondiale, le rang des insurgés turques et combattit lors de la guerre d’indépendance à Antep, Smyrne et Kilis. Après la guerre, Carlak se fixa à Manisa, qui avait été dévastée par un incendie provoqué par l’armée grecque en retraite, et se fixa pour objectif de reboiser la région, plantant et cultivant à lui seul de nombreux arbres sur le mont Sipylos. Vivant comme un ermite sur le mont, son surnom était alors Hacı (le pélerin) et son apparence se modifia : il laissa pousser sa barbe et ses cheveux et s’habillait uniquement en short. Durant les 40 années suivantes, il habitait très modestement dans une petite cabane sur le mont qu’il appela Topkale (château du canon), en raison d’un vieux canon dont il se servait quotidiennement pour signaler midi en tirant un coup de feu. Il se rendait régulièrement dans la ville de Manisa et servit parfois comme pompier ou jardinier. En 1934, suite à la projection du film « La Vengeance de Tarzan », avec Johnny Weissmuller, les habitants de la ville identifièrent Carlak au héros de la jungle et le surnommèrent Manisa Tarzanı (Tarzan de Manisa) en raison de son apparence (barbe, cheveu long et torse nu) et son mode de vie rudimentaire sur le mont. Ecologiste, il se servit de sa notoriété pour défendre les forêts autours de Manisa. Après un périple dans les Monts Taurus, à son retour à Manisa, il se rendit compte que la municipalité avait abattu des arbres en son absence. Il eut un choc cardiaque qui le conduisit à l’hôpital et il décéda le 31 mai 1963. Le lendemain, le quotidien national, Hürriyet, titra « Manisa’nın Tarzan’ı öldü » (Le Tarzan de Manisa est mort).

La ville de Manisa rend hommage à Carlak. La semaine de l’environnement a été baptisée du nom de Manisa Tarzanı. A cette occasion, la municipalité décerne les « Prix Tarzan ». Une école primaire ainsi qu’un boulevard ont été nommés en l’honneur de Carlak. Dans le parc Fatih de Manisa, une statue représentant Carlak a été érigée. Enfin, à chaque anniversaire de sa mort, les autorités de Manisa le commémorent, l’honorant comme un précurseur de l’écologie turc.

#1113 – FC Red Bull Salzburg : die Mozartstädter

Les habitants de la ville de Mozart. L’Austria Salzbourg connut ses heures de gloires entre 1993 et 1997. Le club remporta ses 3 premiers titres nationaux (1994, 1995, 1997), 3 super coupes d’Autriche (1994, 1995, 1997) et surtout atteignit une finale de Coupe de l’UEFA (1994) face à l’Inter Milan. Puis, en 2005, le groupe de boisson énergisante, Red Bull, racheta l’Austria pour établir sa première franchise footballistique. Cette acquisition intégrait une stratégie marketing globale de l’entreprise qui visait à assimiler les valeurs du sport avec les bienfaits supposés de la boisson. Résultat, les couleurs, l’écusson tout comme le nom du club changèrent pour reprendre tous les codes de Red Bull.

Un surnom survécut toutefois à cette mutation, die Mozartstädter, car il est plus attaché à la ville qu’à l’ancien club de l’Austria. Le 27 janvier 1756, Wolfgang Amadeus Mozart naquit à Salzbourg au 9 de la Getreidegasse. Même si à partir de 6 ans, Mozart entreprit des tournées à travers l’Europe, Mozart vécut à Salzbourg jusqu’à ses 24 ans et fut même le premier violon du prince-archevêque de Salzbourg, Hieronymus von Colloredo-Mansfeld. Finalement, il mourut à 35 ans après avoir passé ses 10 dernières années à Vienne. La reconnaissance mondiale et intemporelle de son oeuvre considérable (893 œuvres répertoriées) intervint après sa mort (il fut même peu connu de ses contemporains à Salzbourg). Depuis qu’il fut élevé comme un génie de la musique après son décès, Salzbourg tissa un lien fort avec Mozart. Dès 1841, un bâtiment regroupant une école de musique et une collection de documents concernant Mozart fut ouvert et porte aujourd’hui encore le nom de Mozarteum. La maison de sa naissance (et où il vécut jusqu’à ses 17 ans) fut élevé au rang de musée en 1880, tout comme le second appartement, situé au 8 Hannibalplatz (aujourd’hui Makartplatz) où il habita de 17 ans à ses 24 ans. En 1842, malgré les protestations, une statue de Mozart fut élevée sur une des places principales de la ville. En 1849, cette place fut rebaptisée Mozartplatz (Place Mozart). L’aéroport de la ville fut également nommé W-A-Mozart. Depuis la fin du XIXème siècle, de nombreux festivals et manifestations musicales en l’honneur de Mozart se sont développés dans la ville, dont le fameux festivale de Salzbourg (Salzburger Festspiele) depuis 1920.

#1093 – Sporting Kansas City : Wiz, Wizards

J’ai souvent raconté dans les articles consacrés aux clubs américains que leurs surnoms étaient directement tirés de leurs noms. Et là, il semblerait qu’il y ait une exception. Mais, en réalité non. En 1995, Lamar Hunt, qui était un acteur du sport américain (ayant fondé l’American Football League (football américain), les Chiefs de Kansas City (football américain), l’United Soccer Association (football) et la Major League Soccer (football)), supporta la création de l’équipe de soccer de Kansas City. Le nom de la franchise était l’original mais abstrait « Wiz » . Il ne signifiait rien et son origine demeure encore inconnue aujourd’hui. Toutefois, un an plus tard, suite à une plainte déposée par la chaine de distribution de produits électroniques « The Wiz », la franchise fut contraint de changer de nom et opta pour « Wizards » (Magiciens).

Cela paraissait une évidence que l’inspiration venait du célèbre roman « The Wizard of Oz » (Le Magicien d’Oz). Ecrit par Lyman Frank Baum, une partie du roman se déroule au Kansas. Le livre se dénommait même originellement « From Kansas to Fairyland » (Du Kansas au pays des fées). Toutefois, le livre, et surtout le film de 1939 avec Judy Garland, qui fut un énorme succès, véhiculèrent une image négative de l’Etat. L’héroïne, Dorothy, une petite fille du Kansas, vit dans un environnement sombre et terne (les images sont en noir et blanc dans le film) et une tornade la transporte au-dessus de l’arc-en-ciel dans le pays coloré d’Oz. Mais, finalement, après avoir voyagé à travers le pays merveilleux d’Oz, Dorothy s’exclame « There’s no place like home. There’s no place like home » (Il n’y a pas d’endroit comme chez soi). Pour de nombreux habitants du Kansas, il s’agit du message le plus important de l’œuvre. Pour en revenir au club, l’autre élément qui corrobora cette hypothèse du Magicien d’Oz est le blason et les maillots du club qui intégraient un arc-en-ciel. Pourtant, Lamar Hunt prétendit que le nom de sa franchise n’avait rien à voir avec le Magicien d’Oz.

En 2006, la franchise fut cédée à un consortium d’hommes d’affaire de Kansas City qui mit en œuvre un plan pour donner un nouvel élan à l’équipe. Le changement nom faisait parti de ce plan et en 2010, la franchise fut renommée Sporting. A cette époque (et encore aujourd’hui), il y eut une mode au nom européen qui amenèrent à créer ou renommer le FC Dallas, Toronto FC, Real Salt Lake, DC United ou Houston Dynamo. Pour les propriétaires de Kansas City, l’idée était de s’inspirer des grands clubs omnisports ibériques tels que le Real Madrid, le FC Barcelone ou le Sporting Portugal. Ils voulaient regrouper un club de football, un de rugby (Kansas City Blues Rugby Club) et créer un de Lacrosse. En outre, les propriétaires considérèrent que face aux Chiefs (football américain) et aux Royals (baseball) dont les marques étaient renommées, il fallait tenter quelque chose d’un peu plus audacieux et un peu plus risqué. Tellement audacieux et risqué que ce nouveau nom dérouta les supporteurs historiques du club. Heureusement, les succès sportifs permirent de faire adopter le nouveau nom.

#1089 – Brescia Calcio : Leonessa

La lionne. Le vocabulaire animalier sied bien au club lombard puisque le premier surnom expliqué était rondinelle (qui signifie les petites hirondelles – cf #325). Cette fois, nous changeons de dimension en passant à la femelle du roi des animaux. Pourtant, sur l’écusson du club, il s’agit bien d’un lion qui trône depuis le premier blason établi en 1965 (sa crinière est visible). D’où vient cette divergence de genre ?

Le blason du club s’inspire directement des armoiries de la cité qui se décrivent comme « d’argent au lion d’azur, armé, langue et queue de gueule ». Le lion rampant est le symbole de la commune de Brescia depuis au moins le XIIème siècle. Mais, la genèse des armoiries de Brescia est encore inconnue en raison de l’absence de sources et de témoignages fiables. Une chose est sure : même si la commune de Brescia fut durant près de 4 siècles (de 1404 à 1797) intégrée à la république de Venise, son lion rampant ne provient pas des armes de Venise (le fameux lion de St Marc). Sa plus vieille représentation connue apparaît dans une sculpture de la Porta Romana de Milan datant de 1171 (il s’agissait de la principale porte d’entrée de la ville détruite en 1793). La frise du chapiteau montre des soldats de plusieurs villes lombarde dont Brescia en route vers Milan pour reconstruire la ville détruite par l’empereur Frédéric Barberousse en 1167. Le capitaine représentant Brescia porte sur son écu le lion rampant. Une autre représentation se trouve également à Milan sur l’arche funéraire d’Azzone Visconti (Brescia était alors sous domination de la famille Visconti) datant de 1343. Des statues représentant les villes lombardes sous l’influence des Visconti et tenant un bouclier y sont sculptées. Celle de Brescia se présente avec un lion rampant.

Il s’agit donc bien d’un lion sur les armes de la ville et pourtant la commune de Brescia est connue dans toute l’Italie comme la Leonessa d’Italia (lionne d’Italie), tous les italiens ayant appris dans leur jeunesse les vers d’un poème qui désignèrent la ville ainsi. Ces vers concluent la pièce poétique « Alla Vittoria » (A la victoire) de Giosuè Carducci, chantre du Risorgimento (période de l’unité italienne au XIXème siècle), composée en 1877 et partie intégrante de sa grande oeuvre « Odi barbare » (Odes barbares) :

Lieta del fato Brescia raccolsemi, / Heureuse du destin, Brescia me rassemble,
Brescia la forte, Brescia la ferrea, / Brescia la forte, Brescia le fer,
Brescia leonessa d’Italia / Brescia la lionne de l’Italie
beverata nel sangue nemico / ivre du sang de l’ennemi

Ces vers soulignaient le soulèvement et la résistance de la ville durant la période connue sous le nom des Dieci giornate di Brescia (Dix jours de Brescia). Dans le contexte des affrontements entre l’armée piémontaise et les troupes autrichiennes, du 23 mars au 1er avril 1849, les citoyens de Brescia se révoltèrent contre l’oppression autrichienne en résistant vaillamment aux bombardements et aux attaques des forces des Habsbourg. La révolte fut finalement violement réprimée (plus d’un millier de victimes). Malgré la défaite, la fierté manifestée par les insurgés dans les combats valut à la ville de Brescia la médaille d’or en 1899. Un autre poète, 20 ans avant Carducci, avait attribué ce surnom à Brescia suite à cette évènement : Aleardo Aleardi dans son poème « Canti patrii » publié en 1857.

D’un de’ tuoi monti fertili di spade, / De l’une de vos montagnes fertiles en épées,
Niobe guerriera de le mie contrade, / Niobé guerrière de mes terres,
Leonessa d’Italia, / Lionne d’Italie
Brescia grande e infelice / Brescia grande et malheureuse

L’héroïsme et le sacrifice de la population de Brescia, porté au nue par ces vers, contribuèrent à construire une identité italienne qui en était à ses balbutiement dans la seconde moitié du XIXème siècle.

#1086 – Finn Harps FC : the Harps

Les harpes. Inscrit dans son nom et dans son blason, la harpe celtique s’expose de partout pour Finn Harp. Les fondateurs, en 1954, choisirent pour le nom de leur nouveau club de faire référence à un symbole local et un national. Finn Harps réside dans la ville de Ballybofey, qui fait face à Stranorlar, les deux formant ensemble l’agglomération de Ballybofey-Stranorlar. Cette dernière est séparée par une rivière nommée Finn, un affluent du fleuve Foyle. Ballybofey se situe sur la rive gauche tandis que Stranorlar baigne sur la rive droite.

L’autre partie du nom est donc les harpes, ce symbole de l’Irlande au même titre que la croix celtique, le leprechaun et le trèfle. Il ne s’agit pas de la harpe classique que l’on peut trouver dans les orchestres symphoniques et dans les formations de musique de chambre mais de la harpe traditionnelle irlandaise. Instrument médiéval composé de 32 à 38 cordes, la cláirseach (son nom en irlandais) se singularise par son arc cintré et produit un son de cloche. Adaptée certainement en Ecosse par les Pictes (sur la base d’un instrument germain), la harpe se répandit dans toutes les cours celtes et s’établit en Irlande avec les Scots puis les Gaëls au XIème siècle. Au XIIIème siècle, un proverbe irlandais indiquait « tout gentilhomme doit avoir un coussin sur sa chaise, une femme vertueuse et une harpe bien accordée ». Résultat, les rois écossais et irlandais comme les chefs de clans celtiques avaient auprès d’eux au moins un grand maître harpiste. Dès le XIIIème siècle, la harpe était connue comme un symbole de l’Irlande mais avec sa frappe sur le 1 Gros (monnaie anglo-irlandaise) en 1536 par le nouveau roi Henri VIII, elle gagna son statut officiel. Par la suite, les indépendantistes s’en emparèrent pour fédérer les irlandais face à la couronne anglaise au point qu’elle fut bannie aussi bien en Irlande qu’en Ecosse, et disparut totalement pendant des décennies. Elle revit sous les doigts du musicien irlandais Edward Bunting qui réunit dans un recueil des partitions et chansons en 1792. Au cœur de l’identité du peuple irlandais, elle se retrouve aujourd’hui sur les armes de la République d’Irlande, la fameuse bière brune Guiness, la compagnie aérienne low-cost Ryanair et dans la forme du pont Samuel Beckett à Dublin. En 2019, la pratique de la harpe fut inscrite sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

#1051 – Atlético Goianiense : Dragão

Le dragon. Si de nombreux clubs ont choisi leurs mascottes bien après leur fondation, l’Atlético Goianiense hérita du choix du dragon de ses fondateurs. Le 2 avril 1937, une bande d’adolescents dont Edison Hermano (premier gardien du club), les frères Gordo – Nicanor (premier président), Afonso et Alberto – Benjamim Roriz, Ondomar Sarti, João de Brito Guimarães et João Batista Gonçalves se réunit dans le salon de l’hôtel Pouso Alto, situé dans le quartier de Campinas. Les fondateurs retinrent le rouge et le noir comme couleurs, en hommage aux deux clubs qu’ils supportaient, le Flamengo et le São Paulo FC. Par ailleurs, ils décidèrent de prendre un dragon pour mascotte. L’animal légendaire était une figure populaire dans le quartier de Campinas dans les années 1930 grâce aux films de kung-fu qui étaient alors projetés dans les cinémas locaux. Dans la culture chinoise, contrairement à l’image violente véhiculée par le dragon européen, cette figure mythologique représente le pouvoir impérial en étant souvent à l’origine des grandes dynasties. Ce symbole de puissance plaisait aux fondateurs. Bien plus tard, la mascotte, qui a les traits des dragons asiatiques (et non européens), reçut le nom de Dragolino, un mot-valise entre Dragão et Lino. Cette décision rendait hommage au défenseur Leandro Lino de Freitas, qui marqua le but qui permit au club de remporter son 13ème titre de champion de l’Etat du Goiás en 2014.

Les autres surnoms associés sont Dragas et Dragão Campineiro.

#1015 – Gil Vicente FC : Gilistas

Dérivé du nom du club, il n’existe pourtant pas de ville qui s’appelle Gil Vicente au Portugal. En réalité, le club a prit pour nom celui d’un grand dramaturge portugais, considéré comme le premier. Revenons au début de l’histoire. Le club se situe à Barcelos, une municipalité du district de Braga, au Nord du Portugal. Au début du XXème siècle, le football s’implanta dans la cité et des premiers clubs apparurent (Barcellos Sporting Club ou União Barcellense). Le Gil Vicente FC fut fondé le 3 mai 1924 par un groupe de jeunes qui se réunissait régulièrement pour jouer au football sur le Largo do Teatro (aujourd’hui dénommé Largo Doutor Martins Lima). Comme le Largo do Teatro longeait le théâtre de la ville qui s’appelait Teatro Gil Vicente, les garçons nommèrent le club Gil Vicente FC.

Ouvert au public le 31 juillet 1903, le théâtre rend hommage au dramaturge Gil Vicente qui serait né à Barcelos. En réalité, sa naissance demeure un mystère, aussi bien pour la date (1465 est l’année communément admise) que le lieu (Barcelos étant concurrencé par Lisbonne et Guimarães). Sa vie fait l’objet de nombreuses versions. Sa première oeuvre « Auto da Visitação » (La Visitation), connue aussi sous le nom de « Monólogo do vaqueiro » (Monologue du vacher), date de 1502 et, donnée dans les appartements de la Reine Marie d’Aragon, est considérée comme l’acte de naissance du théâtre portugais. A cheval entre le Moyen Âge et la Renaissance, l’oeuvre vincentienne dépeint l’évolution de son temps, passant d’une époque où les hiérarchies et l’ordre social étaient rigides à une nouvelle société où l’ordre établi allait être remis en question et les arts s’épanouir. En 44 pièces, comme le fera Molière un siècle plus tard en France, il critiquait avec humour mais sévèrement les mœurs et principaux travers de son époque. Son chef-d’œuvre demeure la trilogie satirique « Auto da Barca do Inferno » (La Barque de l’Enfer – 1516), « Auto da Barca do Purgatório » (La Barque du Purgatoire – 1518) et « Auto da Barca da Glória » (La Barque de la Gloire – 1519). Outre son talent d’écriture, il serait également l’orfèvre qui réalisa le Custódia de Belém (Reliquaire de Belém). Il serait probablement mort en 1537.

#1005 – Kasımpaşa SK : Apaçiler

Les apaches. Certainement pas d’indiens dans ce quartier d’Istanbul qui accueille l’un des clubs les moins connus de la capitale turque malgré plus de 100 ans d’existence. Mais bien que son histoire soit longue, il semble que ce surnom soit d’une apparition récente et demeure encore moyennement utilisé. Il ferait référence à une réplique d’un western turque, « Yahşi Batı » (L’Ouest Magnifique), sorti en salle en 2010. Le film raconte les péripéties de deux fonctionnaires ottomans, dénommés Aziz Vefa et Lemi Galip, qui ont été envoyés en Amérique par le sultan dans le cadre d’une mission spéciale au XIXème siècle. Lors d’un voyage, leur diligence se fait d’abord attaqué par des hors la loi puis par des indiens. Alors que les indiens les dépouillent, Aziz Vefa, joué par l’acteur comique, Cem Yılmaz, propose à son collègue de les amadouer en déclarant « ya biz istanbul’dan geliyoruz kizilderililer içinder türk’tür […] kasımpaşa dan apaçi selim in selamı var desek » (Nous venons d’Istanbul. On dit que les Indiens sont des Turcs […] Si nous disions que l’Apache Selim de Kasımpaşa les salue). Connaître un turc apache pourrait-il le sortir d’un mauvais pas ? Mais, d’où un habitant du quartier de Kasımpaşa pourrait-il être un apache, cette tribu amérindienne, célèbre pour leur bravoure et leur chef Geronimo ?

La réponse pourrait venir d’une vieille légende que les nationalistes turques propagent depuis longtemps, les racines turques des Amérindiens. Deux thèses sont souvent présentées en Turquie pour rappeler la grandeur de la nation : la théorie de la « langue soleil » qui veut que la langue turque est à l’origine de toutes les langues du monde et la thèse née durant la révolution kémaliste dans les années 30 selon laquelle les peuples Turcs d’Asie Centrale, par leurs migrations, ont fondé les brillantes civilisations de l’Antiquité. Mustapha Kemal estimait effectivement que les Hongrois ou les Amérindiens étaient d’origine turques. Comme les premiers Amérindiens auraient migré de Sibérie en passant par le détroit de Beiring durant la période glaciaire (entre 20 000 et 10 000 av. J.C.), cette migration étayait cette théorie. Mustapha Kemal avait également envoyé l’historien Tahsin Mayatepek comme ambassadeur de Turquie au Mexique pour faire des recherches sur les origines turques des Mayas et aussi sur le mystérieux continent Mu, qui dessinait une parenté entre les cultures amérindiennes et celles du bassin méditerranéen, du Moyen-Orient ou de l’Inde. De même, se basant sur les travaux de linguistes européens dont le français Georges Dumézil, la langue andine, le Quechua, présente, selon les tenants de cette théorie, des similitudes avec le turc dont les mots ata (père) et ana (mère) par exemple. Ultra-nationaliste et ancien professeur de l’Université de Colombia, Reha Oğuz Türkkan contribua à populariser cette théorie des Amérindiens turcs grâce à son ouvrage « Kızılderililer ve Türkler » (Les Amérindiens et les Turcs, édité en 1999). Même si ces thèses peuvent apparaitre farfelues, elles animent les débats en Turquie et favorisent des correspondances entre les descendants des apaches et les jeunes turques.